Suite et fin de l’entretien, publiée hier, avec le président de «Démocratie nouvelle» qui argumente longuement sur le caractère idoine de la candidature de Jean Ping. Amené à s’épancher sur l’avenir de son parti politique, l’ancien ministre d’Omar Bongo et d’Ali Bongo n’a pas manqué d’aborder la «gouvernance calamiteuse» du candidat sortant de la toute prochaine présidentielle, accusé au passage de vendre du vent.
Rappel : notre dernière question concernait la montée de René Ndemezo’o Obiang dans le septentrion, un peu après le passage d’Ali Bongo. En égrenant les raisons, le président de Démocratie nouvelle qui n’exclue pas la possibilité, jusqu’à la dernière minute, d’une candidature unique de l’opposition, n’a pas manqué de souligner que pour lui et sa formation politique, «le bon choix, c’est Jean Ping pour de multiples raisons dont l’une est qu’il a une carrure internationale sans égale». Il poursuit donc sur sa lancée…
René Ndemezo’o Obiang : Sur le plan de la gestion des affaires du pays, on peut dire qu’il y a deux ou trois candidats qui ont a peu près la même expérience que Jean Ping. Mais lui, sur le plan de l’expérience internationale, qui constitue aujourd’hui un élément important, il est sans égal de par les hautes fonctions qu’il a occupées à l’Unesco, à l’Opep, à l’Assemblée générale des Nations unies ou encore à la Commission de l’Union africaine. Ensuite, nous avons estimé que faire le tour du Gabon, aller dans les hameaux les plus petits, les lacs les plus reculés, c’est un travail très difficile. En deux ans, Jean Ping est le seul à avoir fait le tour du pays. Et malgré la bonne volonté qui anime les autres candidats de l’opposition, aucun d’entre eux ne peut avoir le temps d’aller où Jean Ping est allé ces deux dernières années.
En troisième lieu, nous nous battons pour les jeunes, pour laisser un pays viable à nos enfants et petits-enfants. À mon sens, Jean Ping est le seul candidat aujourd’hui qui dit ouvertement qu’il ne veut pas accéder au pouvoir pour s’y perpétuer ; qui demande un mandat au cours duquel il procédera au nettoyage des institutions ; qui remettra le pays au travail, à l’abri du besoin et de la peur. Une démarche qui ouvre des perspectives aux aspirants au pouvoir, qui auront ainsi la latitude de se préparer pendant le mandat de Jean Ping. La prochaine personnalité à la tête du pays ne vient donc pas pour s’y éterniser. Voilà notre message ! Aussi, le tour que Jean Ping a fait à travers le pays a montré que ce dernier est courageux. Car, il fallait du courage pour faire le tour du Haut-Ogooué, vu les circonstances dans lesquelles ont été réalisée cette tournée.
A certains endroits, en effet, nous avons constaté des ponts sabotés, visant à accidenter les véhicules de la délégation de Jean Ping. Dans certains villages, nous avons vu des jeunes instrumentalisés, prêts à l’affrontement, pour empêcher Jean Ping de s’exprimer. Heureusement, des jeunes de ces mêmes localités ont intercédé en notre faveur, signifiant aux autres que nous avions le droit, au même titre que les autres candidats, d’accéder à leurs localités. Nous sommes également arrivés à certains endroits où des chambres d’hôtel ont dûment été payées, avant que l’on ne nous appelle plus tard récupérer nos paiements en nous signifiant : «nous avons reçu des instructions selon lesquelles il ne faut pas loger Jean Ping et sa délégation». Ce qui, parfois, nous a contraint à passer certaines nuits à la belle étoile, dans nos véhicules. Jean Ping a donc bravé tout cela.
J’ai une formation politique, idéologique, qui m’amène à me souvenir d’un grand homme d’Etat, stratège politique du siècle dernier, qui aimait à dire, en substance : lorsque votre adversaire vous applaudit, vous devez immédiatement vous demander quelle bêtise avez-vous faite. Autrement dit, pourquoi le pouvoir émergent s’acharne-t-il sur Jean Ping ? Pourquoi cette fixation sur lui, alors qu’il y a beaucoup de candidats en lice pour la candidature suprême ? Je pense que ceux qui sont en face de nous ont une idée précise sur le candidat qui est à même de les battre. Car ils ne peuvent pas s’acharner sur un candidat qui ne représente aucun danger pour eux. Je fais partie de la coordination générale de Jean Ping et je peux le révéler aujourd’hui : J’étais récemment à la tête d’une délégation de mon parti à Port-Gentil, et c’est à cette occasion que nous avons retiré, auprès du tribunal, l’extrait de casier judiciaire de Jean Ping. Et quelques minutes après que nous ayons récupéré le document, nous avons reçu des informations selon lesquelles celui qui nous avait délivré ledit document a été tancé. Il en était de même pour le certificat de nationalité, avec notamment la fameuse histoire des cafards.
J’étais président du comité d’organisation de la tournée de Jean Ping dans le Woleu-Ntem, en août 2015. Huit mois après, les émergents découvrent que Jean Ping aurait insulté des Gabonais à l’occasion d’une causerie dans un canton de la province. En temps normal, si cela avait été réellement avéré, cette information aurait fait la une des journaux au lendemain de la causerie de Jean Ping. Il est donc clair que tout ceci n’est qu’un complot qui visait à condamner Jean Ping, en espérant que ce dernier, une fois condamné, puisse faire appel de la décision de justice. Nommé à la Cour d’appel, un magistrat aux ordres aurait ainsi confirmé la décision du tribunal de première instance, de manière à salir l’extrait de casier judiciaire de Jean Ping, afin que ce dernier ne se présente pas à la prochaine présidentielle.
A cela s’ajoute également l’affaire de l’agression contre Jean Ping, en 2015, par des voyous instrumentalisés par des personnes coutumières du fait. Une fois au tribunal, l’agressé a été transformé en agresseur. Le plus important dans tout ça est que Jean Ping a été condamné à de lourdes amendes, soit 600 millions de francs CFA. Ce dernier a refusé d’obtempérer et ses comptes ont été bloqués. Pire les comptes ont été littéralement débités pour dédommager la personne ayant bénéficié du jugement dans l’affaire de l’agression. La volonté ici, c’est donc d’assécher le candidat Jean Ping financièrement, de manière à réduire sa marge de manœuvre dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Quel autre candidat a subi un tel traitement ? Aucun ! Je soutiens, une nouvelle fois, qu’il y a une fixation autour de lui, pour la simple et bonne raison qu’il a fait le tour du pays, qu’il a pratiquement été adoubé par les populations partout où il est passé. Et par-dessus tout, le pouvoir émergent craint cet adversaire.
Je pense qu’il est dans l’intérêt de l’opposition dans son ensemble de soutenir celui qui donne des sueurs froides au pouvoir. Et si l’opposition ne peut arriver à cette conclusion, c’est qu’il y a un problème. Le candidat qui empêche aux émergents de dormir, c’est Jean Ping. Il est donc bon pour l’opposition de jouer cette carte, qui fait manifestement peur au pouvoir. Le reste ? Il s’agit de problèmes d’égo personnel, qui peuvent être réglés. D’aucuns estiment peut-être qu’il y a autour de Jean Ping des personnalités qui leur font de l’ombre, à l’instar de René Ndemezo’o Obiang. Mais je ne suis pas un problème. Car, si mon positionnement auprès de Jean Ping gène un certain nombre de personnes, je suis prêt à me mettre à l’écart au bénéfice de l’alternance politique dans notre pays. Dans tous les cas, j’estime que Jean Ping est le bon choix aujourd’hui pour le peuple gabonais.
Gabonreview : Vous êtes précédé d’une réputation de stratège. Vous avez quitté la majorité et rejoint l’opposition, vous vous êtes mis dans sillage de Jean Ping et, tout à coup, vous créez un parti politique, machine de prise du pouvoir. Quelle est cette stratégie et pourquoi ne vous êtes-vous donc pas porté candidat ?
René Ndemezo’o Obiang : Je ne me suis pas porté candidat parce que j’ai l’humilité de penser qu’en 2016, le bon candidat pour le peuple gabonais c’est Jean Ping. Il est vrai de dire que la création d’un parti politique renvoie à la conquête du pouvoir, mais je n’ai pas la naïveté de croire qu’en créant un parti on gagnerait à coup sûr une échéance électorale. Comme les hommes, je pense plutôt que les partis naissent, grandissent, murissent et ciblent leurs ambitions en fonction de cette évolution. Aujourd’hui, Démocratie nouvelle est un parti naissant, jeune. Son ambition pour la présidentielle est de faire partie de l’ensemble des forces qui soutiennent un candidat. Mais si dans quelques années, comme je le souhaite, Démocratie nouvelle s’enracine bien dans le paysage politique gabonais, nous serons à même de présenter des candidats pour le compte des prochaines élections législatives. Et rien n’exclut qu’il n’en soit pas de même en 2023, à la prochaine présidentielle. Pas forcément moi, car j’ai un mandat de quatre ans renouvelable une fois. Nous prônons la démocratie et, en tant que tel, nous n’avons pas à nous exclure de ce principe.
En fonction de la maturation de ce parti, son président verra quels sont les objectifs électoraux qu’il peut se fixer. Présenter un candidat à la prochaine présidentielle, nous estimons que cela aurait été démesuré pour un jeune parti comme le notre. La logique voudrait plutôt, comme c’est le cas actuellement, qu’en concertation avec d’autres partis, nous nous mettions derrière le candidat qui présente les meilleurs atouts pour l’alternance dans notre pays : Jean Ping. Mais comme tout parti, nos ambitions sont très grandes et elles gagneront à être concrétisées en fonction de la maturation et de l’implantation de Démocratie nouvelle.
Gabonreview : Pour finir, y a-t-il un aspect des choses qui vous tient à cœur, sur lequel vous auriez aimé vous exprimer, mais que nous n’avons abordé ?
René Ndemezo’o Obiang : Nous ne sommes pas suffisamment revenus sur les raisons pour lesquelles il ne faut pas voter Ali Bongo Ondimba. Ces derniers temps, il y a eu un long débat autour de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba. Sans vouloir prolonger ce débat, je dirais qu’Ali Bongo n’a toujours pas apporté la preuve de sa filiation. Si la Cénap et la Cour constitutionnelle avaient dit le droit, rien que le droit, la candidature d’Ali Bongo n’aurait jamais prospéré. Mais je pense que le peuple gabonais et la communauté internationale sont désormais éclairés sur le fait qu’il est ici question d’un passage en force. Il est symptomatique de voir que sur les 14 dossiers retenus par la Cenap, 13 sont passés comme une lettre à la poste et que, à ce jour, la polémique est toujours entretenue sur le dossier d’Ali Bongo. Rien que cela pose problème, alors qu’en temps normal, le dossier du président sortant aurait dû être accepté de tous.
Aussi fondamentale qu’est cette question, je pense cependant qu’il ne faut qu’elle amène certaines personnes, dans l’opinion nationale et surtout internationale, à penser que la critique de l’opposition gabonaise vis-à-vis d’Ali Bongo, ne porte que sur l’acte de naissance. Il est tout aussi important d’insister sur sa gouvernance calamiteuse. Ali Bongo a promis 5000 logements par an au Gabonais. Combien en a-t-il fait en sept ans ? Très peu, même pas 1000. Combien de salles de classe ont été construites en sept ans ? Pratiquement aucune. Combien de dispensaires ? Pratiquement pas ! Combien de kilomètres de routes bitumées ? Sur cette dernière question, notamment, le porte-parole de mon parti politique a cité, lors d’une émission de télévision, le tronçon routier du côté de Bikélé : long de quatre kilomètres, il n’a pu être achevé en sept ans. En comparaison avec le nombre de kilomètres de routes bitumées par le Congo chaque année, par exemple, nous sommes en droit de dire qu’Ali Bongo n’a rien fait.
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, lorsque nous suivons les pérégrinations d’Ali Bongo à travers le Gabon, nous constatons qu’il vend du vent, de l’espoir et parle très peu de ce dont devrait parler un président après sept ans de mandat. Il nous parle de l’égalité des chances, de changer ensemble… Il avance tout un tas de propos fumeux sur l’avenir, alors que la force d’un candidat sortant doit être son bilan. Il parle aux Gabonais de ce qu’il compte faire, alors que, sept années durant, il a été aux commandes de ce pays. Récemment je me suis entretenu avec un chef d’entreprise français. Il m’a révélé qu’il avait 4000 employés et n’en compte plus que 800 aujourd’hui. Et pour cause : les travaux effectués pendant la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2012 n’ont toujours pas été payés. Nous n’en pouvons plus, s’est-il lamenté. Et le pire c’est qu’il n’est pas le seul dans cette situation. Sachant 400 milliards de francs ont été dépensés par l’Etat gabonais pour l’organisation de cette compétition, était-il prioritaire de se lancer dans l’organisation du même événement, deux ans seulement après le précédent ? J’aime le football, mais il n’y a pas que cela qui intéresse la jeunesse. À quoi cela sert-il d’organiser des compétitions à coup de centaines de milliards, si n’on ne construit pas des universités ? Où sont les universités promises d’Oyem, Port-Gentil ou encore de Mouila ? On n’en parle pas, mais on avance plutôt l’égalité des chances. Où est donc cette égalité lorsqu’on a une première dame qui vit dans des châteaux en Angleterre, qui se rend au Gabon en vol spécial dans un avion acheté à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA ? Quelle égalité des chances entre ceux dont les enfants étudient tous à l’étranger, dans les meilleures universités et écoles du monde, et ceux dont les enfants fréquentant l’université gabonaise qui fonctionne cinq mois sur neuf ? Quelle est aujourd’hui la valeur des diplômes délivrés par l’université Omar Bongo ? Il y a tellement des choses à faire…
Idem pour le sport, l’on ne peut développer le sommet sans une base digne de ce nom. Dans les quartiers, où sont les aires des jeux pour les jeunes ? On engloutit des sommes astronomiques dans du clinquant, du tape-à-l’œil, au lieu d’aller à l’essentiel. Omar Bongo a été critiqué en son temps pour les dépenses générées par ses voyages. Mais, aujourd’hui, c’est bien pire ! Il est admis par tous qu’il était quasi impossible au président de passer une semaine au Gabon, bien évidemment avant la période actuelle. Combien coûtent tous ces voyages, et pour quel bénéfice ? En, gros la gestion du pays est calamiteuse. Comparons par ailleurs l’argent injecté dans la défense et la sécurité et celui mis à disposition pour la santé ou encore l’éducation. C’est effrayant ! Le budget alloué à la défense et à la sécurité a augmenté de manière exponentielle, comme si le Gabon se préparait à faire face à une guerre. Y a-t-il un risque d’agression du Gabon par les pays qui nous entourent ? Je n’ai pas l’impression. Quel est le problème ? Qu’est-ce qui justifie le déploiement tous azimuts des forces de sécurité dans les rues de Libreville, par exemple ?
Cette gestion calamiteuse, en plus de la question de l’acte de naissance, l’opposition doit en parler pour montrer au peuple gabonais que le changement s’impose. Et cette gestion est d’autant plus révoltante que, et on le sait, pendant les six dernières années, le Gabon a engrangé des recettes comme jamais auparavant. Soit, pas moins de 18 000 milliards sur les cinq premières années du dernier septennat. Où sont-ils allés ? Lorsqu’on nous parle de réalisations, il est judicieux de faire un parallèle avec les ressources engrangées. A défaut, on déplore des réalisations insignifiantes, la dilapidation des fonds ou encore l’enrichissement insolent de certains collaborateurs de l’émergent en chef. C’est tout ceci qui fait que le peuple gabonais doit se mobiliser : puisque nous n’avons pas pu obtenir la disqualification d’Ali Bongo à la prochaine élection, il faut aller à élection. Au peuple d’envahir les bureaux de vote et sécuriser les différents résultats.