Recours auprès des instances judiciaires toujours rejetés, absence des médias d’Etat, marches interdites, interdiction de manifester sur les places publiques – l’opposition gabonaise fait face à un régime rigide, fermé au dialogue, décidé à la faire taire. La campagne qui s’annonce ne devrait rien y changer. Que va-t-elle donc faire ?
Tous les horizons lui sont bouchés. Les libertés fondamentales des leaders et des sympathisants de ce camp politique sont bafouées. La police, dirigée par un général que l’on présente comme un spécialiste du maintien de l’ordre, ne se retient pas quand elle agit. Omniprésentes dans tous les lieux stratégiques de la capitale gabonaise et bientôt dans les grands centres urbains, Port-Gentil et Oyem et Mouila par exemple, les forces de l’ordre ont la mission de «montrer les muscles» face aux marcheurs. Pour la première fois depuis le retour au multipartisme et l’organisation d’élections à multiples candidats, un clip a été réalisé par les Forces de Police nationale pour appeler les populations à ne pas investir la rue. Mais cette invite n’est pas faite pour les partisans du pouvoir, puisque, eux manifestent dans les lieux publics sans qu’ils en soient chassés, molestés ou interpellés. Les forces de l’alternance et du changement se voient ainsi obligées de ne s’exprimer que dans des domiciles privés à Libreville, comme en province. Pendant ce temps, les partis et groupements liés à la majorité occupent allègrement les endroits publics, les salles de réunion de ministères (Arambo, Eaux et Forêts,…).
Dans ce pays qui a accepté de revenir au multipartisme il y a plus de vingt-cinq ans, l’opposition apparaît muselée, étouffée, sans respiration. Ses activités ne sont pas relayées dans les médias publics. Ni Gabon Télévision, ni sa jeune sœur Gabon 24, n’est autorisée à traiter de l’actualité relative à cette opposition. Au contraire, ces médias travaillent à ne présenter que «les bienfaits de l’Émergence»… Comble du malheur, la seule chaîne qui relaie ses activités, TV+, a été «techniquement fermée» pendant quelques jours, depuis le 28 juillet dernier, du fait d’une panne de l’émetteur principal. Dans le même temps, l’émission «News TV» de Radio Télévision Nazareth (RTN) est menacée de suspension, parce qu’elle fait «l’apologie de la liberté d’expression».
Sur le plan juridique, le pouvoir ayant placé ses hommes et ses femmes à la tête des juridictions, tous les recours intentés par des leaders de l’opposition sont systématiquement – parfois grossièrement – jugés «irrecevables». Cette semaine, un bi-hebdomadaire local a titré «La Tour de Pise n’a pas failli» pour montrer que les institutions sont partisanes, penchent toujours du même côté, selon ce journal reprenant une expression popularisée par feu André Mba Obame. Le pouvoir ne compte lui faire aucun cadeau. Tous les horizons sont donc bouchés pour l’opposition.
Dans l’opposition, certains en viennent à proposer que les adversaires d’Ali Bongo se retrouvent pour désigner un candidat, un porte-flambeau derrière lequel tous les autres se placeraient. Dans ce sens, plusieurs membres de l’opposition estiment que Casimir Oyé Mba, candidat de l’Union nationale (UN) et «doyen» des candidats (74 ans et 4 mois au moment du vote) devrait être celui-là. «Après la victoire, viendra alors le temps de faire des réformes politiques et de parler de l’avenir…». Pour ces militants de l’alternance, l’opposition serait plus soudée, aurait plus de force pour faire face aux manigances de l’exécutif et de ses démembrements. «Ce serait ça l’essentiel pour voir tout le peuple de l’opposition derrière un seul candidat et pour voir partir le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG)» !