Une opposition soucieuse d’alternance politique en même temps qu’elle se saborde elle-même. Le contraste est saisissant au-delà des déclarations et autres slogans de campagne, qui ne servent qu’à électriser les foules au sujet d’une candidature unique. Car entre le sursaut commun de bouter Ali Bongo Ondimba loin hors du palais, et la stratégie mise en place pour y arriver, on est en droit de penser à une mascarade. Tant chaque candidat y va de sa propre certitude et de sa propre carrière politique, diplomatique, etc. Pendant ce temps, dans le camp d’en face, au sein du cercle présidentiel on se frotte les mains.
Vouloir une chose et son contraire, voilà la tendance vers laquelle s’oriente l’opposition gabonaise à un mois seulement du scrutin présidentiel. Laquelle opposition milite pour la non réélection d’Ali Bongo Ondimba, et ce en même temps qu’elle apparaît de plus en plus réfractaire et hostile quant à la possibilité ou la stratégie commune pour y parvenir. Et le passage du candidat de l’Union nationale (UN) sur le plateau du journal Afrique de TV5 Monde, la semaine dernière en dit long sur l’impossibilité même de parvenir à cette candidature unique de l’opposition tant réclamée par l’ensemble des militants, décidés à en découdre avec le règne « cinquantenaire » du PDG.
En effet, devant la question de la consœur qui lui demandait s’il était prêt à se mettre derrière un autre candidat, Casimir Oye Mba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, sans hésiter a lâché : « Pourquoi un autre candidat ne se mettrait-il pas derrière moi » ? Avant d’ajouter : « Moi j’ai été investi par un parti, l’Union nationale qui est le plus grand parti de l’opposition ».
La réponse d’Oye Mba à la journaliste dit déjà tout. Lui, Casimir Oye Mba a derrière lui une longue carrière politique sous l’ère Omar Bongo. En plus il est le candidat investi de l’union nationale, qu’il considère comme la plus grande formation politique de l’opposition. Fort de toute cette grandeur, il lui semble donc impossible de se désister au profit d’un autre. L’égo surdimensionné. Mais cette égo surdimensionné, cette surestimation de soi. Oye Mba n’est pas le seul concerné. C’est malheureusement le problème de tous ceux qui se disent candidat de l’opposition. Tous ceux qui se disent décidés à laisser Ali Bongo sur le carreau cette fois, mais qui consciemment ou inconsciemment font le lit de sa victoire, en décidant d’en découdre avec lui dans une vaste mobilisation désordonnée.
Car il est certain que même si le besoin d’alternance est de plus en plus prégnant dans l’esprit de nombreux gabonais, en décidant d’affronter l’actuel Chef de l’Etat à 13 contre 1, dans une élection uninominale à un seul tour, l’opposition multiplie là les chances de son adversaire de la remporter. Concrètement même s’il y a une majorité des Gabonais qui votent à 65 ou 70% pour l’opposition, les 65 ou 70% devront être repartis entre tous les 13 candidats de l’opposition. Ce qui mathématiquement amoindrirait la part de chacun et renforcerait celle d’Ali Bongo avec 35 ou 30%, et ce même au sacrifice de la légitimité. Une telle réalité, disons-le risque d’être fatale à l’opposition, et donc préjudiciable à l’alternance tant ventilée, si ceux qui la ventilent n’y prennent pas garde, et s’obstinent dans leur logique de chacun pour soi.