On connaissait le Conseil des Global Elders, également appelé «Anciens ou Sages universels», cette ONG regroupant des personnalités publiques reconnues comme hommes d’État, activistes politiques pour la paix et avocats des droits de l’homme rassemblés par Nelson Mandela en 2007. On a découvert, le 25 juin dernier à la Chambre de commerce de Libreville, sa réplique gabonaise, sous la dénomination «Collectif des Anciens, Cadres, Dignitaires et Notables de la République»
Si l’objectif essentiel des «Anciens ou Sages universels» de Nelson Mandela était d’utiliser l’indépendance politique de ses membres pour aider à résoudre certains des conflits des plus insolubles dans le monde, les «Anciens, Cadres, Dignitaires et Notables de la République» gabonaise indiquent que «De tous temps, tout peuple soumis à une oppression, a vu naître en son sein un homme ou un groupe d’hommes déterminé à soulager ses malheurs». Ils expliquent que la longue amitié et solidarité qui les lie a été transformée en structure, pouvant être prochainement légalisée, dont l’objectif est de «de réfléchir aux problèmes de la vie nationale et de se porter respectivement soutien et secours à l’occasion d’évènements touchant l’un ou l’autre d’entre eux.»
Dialogue national inclusif
Le collectif qu’on pourrait qualifier de regroupement des «sages» du Gabon a édité un manifeste de 16 pages et laissé entendre qu’après l’annonce, en novembre 2015, de la tenue d’un dialogue national inclusif, il a fait parvenir à la Commission ad hoc du Conseil national de la démocratie (CND), une note en vue de «faire connaître à l’opinion nationale et internationale le fond de leurs réflexions générales sur la marche de la société gabonaise». Ses membres ont ensuite entrepris des rencontres auprès d’un certain nombre de missions diplomatiques, organisations internationales et régionales et institutions constitutionnelles. S’ils assurent avoir été reçus partout, ils regrettent que la présidence de la République et l’ambassade de France leur aient opposé une fin de non-recevoir.
Appelant instamment le pouvoir et les dirigeants des partis politiques à «arrêter la récréation» parce que le pays court au danger, le manifeste publié par le «Collectif des Anciens, Cadres, Dignitaires et Notables de la République» comporte 17 constats, considérations et principes, ci-après publiés intégralement parce qu’ils ne méritent pas d’être synthétisés.
MANIFESTE DU COLLECTIF DES ANCIENS, CADRES, DIGNITAIRES ET NOTABLES DE LA RÉPUBLIQUE
Les membres du collectif des Anciens, Cadres, Dignitaires et Notables de la République :
Se situant dans la lignée directe des pères fondateurs de la République, Léon Mba, Paul Marie Gondjout, Jean Hilaire Aubame, René Paul Sousate, Jean Jacques Boucavel, le Prince Jean Félix Mba, Edouard Adzomo,… ;
Constatant le climat général délétère qui plombe le paysage politique du pays, ainsi que les blocages à tous les niveaux de la vie politique, économique, sociale et culturelle de la nation;
Constatant que cette situation résulte de l’absence de communication et de dialogue entre les différentes mouvances politiques et les différentes générations des filles et fils du pays;
Prenant acte avec regret de l’ajournement du dialogue annoncé par les pouvoirs publics dans le cadre du Conseil National de la Démocratie;
Attachés fermement aux vertus du dialogue, de la tolérance et de la paix qui fondent notre démocratie et notre mode du savoir-vivre ensemble;
Ancrés dans leur foi inébranlable en un Gabon uni et éternel;
Dépassant la voie médiocre des ressentiments, des rancunes et des règlements de comptes;
Réfutant toute fixation stérile sur les échecs et les erreurs du passé;
Fiers de leurs batailles lointaines livrées sur les bancs tant de l’école, de l’Université que des Grandes Ecoles pour l’accession de leur pays à l’indépendance;
Fiers de leurs états de service éprouvés sous les Présidents Léon Mba et Omar Bongo Ondimba;
Conscients, en tant qu’anciens, détenteurs des acquis de l’expérience au service de l’Etat et dépositaires de la sagesse traditionnelle de leur communauté nationale et partant, de leur capacité d’arbitrage entre les différentes générations de leur pays, au-delà de leur appartenance provinciale, éthnique, politique et religieuse;
Jouissant de leurs droits politiques et civiques leur conférant une légitimité morale pour la défense de l’Union, de la Concorde et de la Paix entre tous les citoyens;
Inquiets des risques graves de conflits pouvant naître avant, pendant et après les échéances électorales à venir;
Mus par leur seul souci de l’intérêt général et de la Nation;
Soucieux d’éviter à leurs populations drames et désolations aux effets inattendus et incommensurables;
Considérant que la sauvegarde de la stabilité politique, de l’intégrité, de l’unité, de la paix et de la concorde nationale doit être l’oeuvre concertée de toutes les forces vives et responsables de la nation, chacune à son niveau;
Convaincus que pour ramener la paix sociale, la concorde et l’union nationale, il paraît nécessaire d’entreprendre une revisitation consensuelle et apaisée de toutes les normes fondatrices d’un Etat de droit, démocratique, moderne, s’adaptant à lévolution de l’Histoire et à la globalisation mondiale, telles qu’elles résultent des actes de la Conférence Nationale de Libreville, du 23 mars au 19 avril 1990;
Considérant leur foi et leur engagement aux idéaux fondateurs de leur Nation contenus dans la formule sacramentelle et magique “Gabon d’Abord”, idéaux legués par le president Léon Mba et ses Pairs fondateurs de la République Gabonaise;
En appellent instamment aux pouvoirs publics, aux dirigeants des partis et tous les acteurs politiques, à leurs responsabilités premières face à leur mission sacrée de conduire la Nation Gabonaise vers son développement, ainsi que l’ensemble de ses concitoyens vers un mieux-être dans le cadre d’un système démocratique libre, apaisé, voulu et accepté par tous;
En appellent solennellement aux institutions nationales, chargées de l’administration des élections, à une probité morale exemplaire, afin de permettre aux électeurs de remplir leur devoir en toute sérénité;
En appellent parallèlement aux Représentants des ambassades des Puissances amies et à ceux des Organisations internationals, regionales et sous-régionales, à jouer de leur influence et de leur entregent pour aider le Gabon à prévenir les menaces de conflits et des violences susceptibles de se produire à plus ou moins brève échéance;
En appellent aux ressortissants des pays africains frères, à s’abstenir de toute initiative, de tout acte, de toute manifestation pouvant être interprétés comme une immixtion dans les affaires intérieures des nationaux gabonais;
En appellent enfin, à l’attention particulière des populations gabonaises, à faire preuve de vigilance et de retenue en toutes circonstances;
Expriment fermement leur volonté et leur disponilité totale, à s’associer et collaborer à toute initiative, ou toute opération entreprise dans le sens de la prévention de tout conflit interne et la sauvegarde de la paix entre toutes les communautés vivant dans leur pays;
Estiment, en raison de tout ce qui précède, qu’il est grand temps de faire connaître à l’opinion nationale et internationale, l’existence de leur collectif et la mission que celui-ci entend s’assigner au sein de la Société Gabonaise;
Invitent enfin, en conséquence, instamment et solennellement, devant Dieu et devant l’opinion nationale et internationale, les acteurs politiques, notamment les candidats déclarés à l’élection présidentielle d’août 2016, de quelle que tendance politique qu’ils proviennent, à se mettre autour d’une même table, aux fins d’aboutir à une solution consensuelle aux problèmes qui se posent actuellement à l’ensemble de Nation.
Signataires
Au titre des signataires de ce manifeste, il y a : Jean-Marc Ekoh (Inspecteur de l’Enseignement primaire, ancien ministre, ancien parlementaire sous la loi-cadre, sous Léon Mba et Omar Bongo) ; Emile Kassa Mapasi (Administrateur civil en chef, ancien vice-Premier ministre, ancien parlementaire sous Omar Bongo) ; Eloi Chambrier (Docteur en Médecine, ancien président de l’Assemblée nationale, ancien ministre sous Omar Bongo) ; Bonjean François Ondo (Administrateur civil en chef, ancien ministre, ancien parlementaire sous Omar Bongo) ; Henry Jobet (Conseiller des Affaires Étrangères) ; Jean-Ernest Oliveira (Inspecteur principal, ancien Directeur général de la Jeunesse et des Sports) ; Michel Essima Osse (Ingénieur agronome en chef, ancien parlementaire sous Omar Bongo) ; Timothée Nze Ekekang (Administrateur civil, ancien Contrôleur d’Etat, ancien Conseiller spécial du président (Omar Bongo) ; Paul Malekou (Inspecteur général du Travail, ancien ministre sous Léon Mba et Omar Bongo, ancien Directeur général de l’Asecna, Juge honoraire à la Cour Constitutionnelle) ; Jean-Eugène Kakou Mayaza (Administrateur civil, ancien ministre sous Omar Bongo, ancien Juge à la Cour constitutionnelle).