Près de trois mois après avoir présenté l’état des lieux de la société gabonaise du transport, le directeur général de cette société livre le bilan des avancées réalisées.
Que pouvons-nous dire de Sogatra aujourd’hui ?
«La Sogatra aujourd’hui et demain», c’était le thème de notre atelier-débat du 5 avril dernier ; le but étant de présenter la situation de la sogatra et ses perspectives. C’était important pour moi de faire l’état des lieux trois mois après ma prise de service. De quoi s’agit-il aujourd’hui à la sogatra ? Quelles sont les pistes à exploiter afin de restaurer la société et la rendre viable.
A la suite de l’audit réalisé par la direction générale du budget et des finances publiques, nous avons présenté un plan d’action pour restructurer la société, la relancer conformément au plan de développement du gouvernement. Il faut le rappeler, nous avons un canevas de base qui est le plan de développement du gouvernement pour la Sogatra. En investissant massivement dans l’acquisition des nouveaux bus sur une année et demi, la Sogatra a eu une dotation de près de 89 bus. La dernière dotation a été réalisée récemment avec la réception de 36 bus.
Depuis 2015, nous avons bénéficié d’une aide importante du gouvernement ; il s’agit non seulement des 89 bus, mais aussi de la mise en place d’un nouveau management qui se matérialise par la nouvelle équipe dont j’ai la direction.
En interne, j’ai réorganisé la structure organique de la Sogatra en procédant à la création des départements à l’exemple de celui de l’approvisionnement pour centraliser tout ce qui concerne l’achat des pièces détachées. Ce pan de notre activité nous posait problèmes, nous ne savions pas qui étaient régulièrement nos fournisseurs de pièces de bonne qualité, les achats se faisaient de façon non planifiée, sans tenir compte des besoins. Vous voyez que la réorganisation du management interne s’imposait.
De la même manière j’ai mis en place un agent comptable pour centraliser les ressources de la société. Il est bien vrai que nous avons une direction financière qui doit faire son travail, mais il était important pour une bonne lisibilité des finances de séparer les responsabilités de façon à ce qu’il y est un ordonnateur et un dépensier. On ne peut pas élaborer un budget et utiliser l’argent dans le même esprit. Il faut donc séparer le budget de ceux qui font la comptabilité.
Un autre point de l’organisation interne, c’est de ramener les activités d’exploitation et commerciales à la direction de l’exploitation et de la sécurité, car c’est elle qui exploite les bus et les gèrent. C’est de droit qu’elle puisse en faire une activité parallèle comme la location des bus, la location d’espaces publicitaires, les taxis compteurs et la location des véhicules.
En ramenant toutes ces activités dans une seule direction, ça nous permet d’avoir une vision claire sur les activités ayant pour mission intégrale le transport, mais en intégrant aussi d’autres leviers de croissance, pour que la Sogatra qui dépend fortement de l’Etat, puisse générer des ressources propres, de telle sorte que lorsque les procédures de décaissement tardent comme vous l’observez, (nous sommes à deux mois sans salaire), nous puissions en interne faire fonctionner la société en achetant les carburants, payer les conducteurs qui vont sur le réseau, assurer certaines charges de fonctionnement.
Quelle est donc votre vision sur l’exploitation ?
Le réseau d’exploitation des bus a été réaménagé. Aujourd’hui nous n’avons plus une dizaine de bus qui sont lancés sur les principales voies de Libreville que sont la route nationale ou la voie express. Le bus, actuellement, va dans tous les quartiers. Nous avons étudié les besoins des populations et nous nous sommes rendu compte qu’il fallait revenir à l’ancienne gestion de l’exploitation, celle qui remontait à Sotraville. Et comme ça se fait dans d’autres villes modernes où le bus est proche des lieux d’habitation, le bus va dans la cité d’Angondjé, la cité Sni, la cité Nzeng-Ayong, la cité Alenakiri, à Rougier, le bus aujourd’hui traverse Awendjé pour rallier le pk12, le bus parcourt à nouveau le centre-ville. Les zones comme 9 étages, carrefour Léon Mba, Nkembo, Ancienne sobraga, Université, Derrière la prison sont désormais desservit.
Dans cette restructuration de nouvelle vision du réseau urbain de Libreville et les lignes périphériques, on a à nouveau intégré le plan de déplacement urbain (Pdu), qui consiste à faire passer le bus non seulement dans les cités, mais aussi devant les centres de santé et hospitaliers, les universités et écoles.
Cette nouvelle vision de l’exploitation a-t-elle un coût ?
Effectivement ! Quand le réseau s’étend, les coûts d’exploitation augmentent également, mais comme le gouvernement nous a instruits depuis des années de faire de la Sogatra un important levier économique, un important moyen de transport, une aide au déplacement des populations, le prix du ticket étant compensé par la subvention de l’Etat. Le ticket est à 100Fcfa, mais pour des trajets de 20 à 25 km parcourus quotidiennement, le gouvernement a voulu compenser cette dérive tarifaire en allouant justement cette subvention d’exploitation et de fonctionnement pour le gazole, l’essence, les charges salariales et la maintenance des bus.
A quoi renvoient les leviers de croissance auxquels vous faisiez allusion tout à l’heure ?
Les leviers de croissance ici se sont les lignes interurbaines. Parce que le ticket en interurbain varie entre 4000Fcfa et 10 000Fcfa, selon la destination. En exploitant un peu plus ces lignes nous avons des ressources plus importantes qui diffèrent des ressources urbaines. En trafic urbain, que ce soit à Libreville, Franceville ou Port-Gentil, le ticket est à 100Fcfa ou 200Fcfa. Vu que ces tarifs sont compensés par la subvention, la Sogatra doit se développer d’elle-même pour atténuer de 15 à 20% l’aide de l’Etat. Bien que nous soyons d’accord que la Sogatra n’existerait pas sans l’aide de l’Etat, la société doit en interne pouvoir développer de nouveaux services tels que les taxis compteurs, la location de berlines et les affichages publicitaires. Voilà ce que nous appelons ici des leviers de croissance ; ce sont des activités autres que l’exploitation classique.
Ces différents leviers de croissance sont une organisation qui permet à l’entreprise de freiner la dépendance à la subvention de l’Etat en créant elle-même ses propres ressources de façon à atténuer les retards de salaires dûs aux procédures de décaissement. D’ailleurs, grâce à cette organisation, nous avons rétabli l’avance sur salaire que nous appelons communément la quinzaine. Ce qui ne se faisait plus depuis au moins 10 ans. Aujourd’hui, chaque 10 du mois, nous avons des avances sur salaire, ces fonds sont issus des ressources générées des activités autres que l’exploitation classique.
Au regard de cette nouvelle vision de l’exploitation des bus en urbain, avez-vous un retour des populations ?
Oui ! Aujourd’hui nous avons un retour très fort, mais nous ne pouvons pas satisfaire dans l’immédiat les énormes besoins en transport des populations, mais nous avons un retour très fort. La preuve, depuis 4 ou 5 jours, nous avons lancé la ligne Awendjé-pk 12 ; je vous assure que sur cette ligne, nous transportons pour les premiers jours de lancement près de 400 personnes par jour avec seulement 2 bus dont un qui part du pk 12 et un autre d’Awendjé. Ces bus ont une capacité de 40 places.
Ce matin nous avons eu une demande expresse des usagers qui souhaitent une augmentation de la capacité des bus sur cette ligne. C’est le même scénario pour la ligne Gare routière-Rougier, idem depuis que les bus vont dans les cités. Il y a donc un réel besoin pour la Sogatra d’acquérir de nouveaux bus afin d’augmenter son offre de matériel roulant. D’après une étude que j’ai menée, le besoin en bus, seulement à Libreville et les lignes périphériques, est de 100 par jour, et 150 en incluant les agences provinciales. Actuellement, nous ne sommes qu’à près de 80 bus exploités quotidiennement dont près de 80% à Libreville. Les besoins en bus sont encore importants.
Ce que le gouvernement fait, il faut le souligner est très important car de 2009 à 2016, nous sommes quittés de 25 bus exploités par jour à 70 bus aujourd’hui. Ce progrès se traduit par l’acquisition de bus fait dans cet espace-temps. Cette dépense se chiffre en milliards de Fcfa, quand on sait que le prix d’un bus oscille entre 80 et 130 millions de Fcfa.
Pouvez-vous revenir sur les difficultés que rencontre la Sogatra ?
Au risque de me répéter, la Sogatra connaît trois principaux types de difficultés.
La première et la plus importante est lié à la régularité de la subvention. La société, de nos jours emploie 1061 agents. Comment voulez-vous que ces agents qui travaillent de 3h à 22h, de lundi à lundi soient performants alors que les retards de salaire sont régulièrement observés ?
La seconde difficulté est en rapport avec l’investissement. Pour satisfaire les besoins en déplacement de nos concitoyens, il faut augmenter le parc automobile de la Sogatra, il équiper les ateliers, disposer de moyens techniques importants. Depuis 2015, la société a étendu ses activités à Port- Gentil, Franceville, Mouila et bientôt Oyem. Mais les moyens additionnels qui accompagnent cette extension ne se sont pas dégagés. Sogatra a gardé le même budget, voir même moins ! Pourtant il faut déployer les activités à l’intérieur du pays, Sogatra ce n’est pas seulement à Libreville. Le gouvernement a instruit de déployer la Sogatra sur toute l’étendue du territoire, mais cela se fait progressivement.
La troisième difficulté de la société réside dans ses moyens d’action. Il faut qu’elle développe des activités autres que l’exploitation classique pour avoir des ressources propres et créer de la valeur ajoutée. Il s’agit donc des taxis compteurs, des locations de voitures, la publicité et autre locations de bus.
Le vieux malade est-il sur la voie de la guérison ?
Oui ! Nous pensons que dans une année, Sogatra sera une société viable. Récemment, nous avons reçu la visite du ministre des Transports pour lancer personnellement l’exploitation des 36 nouveaux bus, des 32 nouveaux taxis compteurs et des véhicules de location. C’est là un signal très fort que le ministre donne à l’endroit des populations, pour dire que mettons les moyens à Sogatra pour leur apporter une offre de transport de qualité. Par ailleurs, avec l’aide du gouvernement et notre vision, Sogatra dans un an sera une société viable.