Libreville - Les éditions La Doxa de Nadia Origo viennent de publier un texte inattendu, truffé de rage, d’humanisme, de positions, de propositions mais surtout très engagé. Un texte littéraire qui milite pour l’homme en exposant les injustices, les turpitudes; le malaise et le charme de la pauvreté d’une société étranglée par ses princes insuffisants. Doit-on compter le jeune poète de Malinga comme un espoir pour l’espace littéraire gabonais?
Lecture…
La lumière fait toujours mal aux yeux lorsqu’on a longtemps séjourné dans l’obscurité. Ce n’est qu’à force de persévérance que l’on finit par s’habituer à l’éclat de la lumière. C’est le même effet que l’on ressent quand on lit Silences de la contestation du poète Benicien Bouschedy. Accoutumé à ne vivre que dans les fanges obscures De la servitude volontaire, l’opprimé finit par admettre naturelle, la misère étrange qui étrangle la ténuité silencieuse de sa liberté. Telle est, a priori le leitmotiv de ce texte poignant. C’est ainsi que l’opprimé se fait volontairement esclave de ses peurs, avant de devenir l’animal domestiques des maîtres dictateurs. Ce qui est normalement naturel chez le bourreau, devient inconcevable pour l’homme qui médite la contestation dans le silence. Voici à quoi renvoi Silences de la Contestation. Dans cette œuvre, le poète Benicien Bouschedy nous invite, à travers son écriture où le silence tonitruant des mots gémit de révolte, comme la face poreuse d’un volcan en pleine éruption, à faire l’autopsie radicalement autre de notre société planétaire. Puis qu’effectivement, nous habitons «une terre touchée», pour reprendre une formule de l’écrivain congolais Sony Labou Tansi. Une terre touchée et malade où l’opprimé meurt absurdement sous nos Soleils des indépendances sans que personne, vraiment personne ne soit inquiété. Mais c’est justement au moment où tout semble faire silence, que retentie dans le brouhaha du contentement, la céleste voix contestataire du poète, pour défendre le sort des surnuméraires. Aimé Césaire l’avait déjà fait en son temps, lui qui affirmait justement être «la bouche des malheurs qui n’ont point de bouches… ». Le poète Benicien Bouschedy, est-il le vase vivant dans lequel est venu sinistrement échouer les Armes miraculeuses du maître ? J’entends déjà monté depuis la caverne du peuple opprimé, un grand ALLELUIA, car un sauveur inattendu cri rageusement dans Silences de la contestation, le renversement de la digue amère de l’esclavagisme moderne.
Ça y est, enfin le peuple pourra humer le doux nectar de la terre promise. Le poète Benicien Boushedy va enfin porter le fardeau du martyr pour l’éveil de consciences de toute cette jeunesse endormie dans les draps froissés de l’indifférence. C’est la bonne nouvelle. Il s’est engagé pour la société:
Donnez-moi vos libertés
Donnez-moi vos choix
Donnez-moi vos misères
Donnez-moi vos humiliations
Donnez-moi les fleuves de vos larmes et je les transmettrai au Dieu cruel et insensible
Donnez-moi vos abandons
Donnez-moi vos saisons de regrets
Donnez-moi vos armes
Donnez-moi vos charmes déchus
Donnez-moi le poids de vos faiblesses et j’en ferrai une force
Donnez-moi vos supplices en sanglot
Donnez-moi vos plaintes inextinguibles
Donnez-moi vos maux et les charges de vos insultes…
Pétri de la responsabilité de l’éclaireur, le poète décide de s’engager en premier afin de montrer la voie. C’est pourquoi proclame-t-il : « Je marche seul ». Mais en parlant de lui, c’est nous, ensembles, qu’il est en train d’inviter à la marche. Silences de la contestation, c’est l’explosion de la forme, car tout est à refaire… Enfin, c’est sans doute dans un silence froid, que le poète Benicien Bouschedy lance telle une pierre, à la manière de L’Homme révolté camusien, ses Silences de la contestation dans le grenier des Vers nationaux, Dieu seul sait quel désordre constructif s’y produira. Mais avant, lisons simplement, lucidement, lentement et silencieusement Silences de la contestation. Car si un seul parmi mille naît, alors le pari sera gagné…