Le Conseil Supérieur de la Magistrature est en crise. Les magistrats crient au scandale et tapent du poing sur la table pour que les politiciens débarrassent leur milieu. Ils appellent à une refonte totale de la magistrature pour que la justice soit libérée de tout ce qui entrave sa bonne marche. Entretient avec le Secrétaire Général du SYNAMAGA, (Syndicat national des magistrats du Gabon), Stanislas Koumba.
Gaboneco (Ge) : Combien de magistrats composent le Conseil Supérieur de la Magistrature ?
Stanislas Koumba (SK) : Il y a environ 22 magistrats. Il y a les chefs des hautes cours, les chefs de cours d’appels dont le Premier président et le Procureur général. Ensuite, il y a un représentant du siège au tribunal, un représentant du ministère public, le secrétaire général du ministère de la Justice et l’inspecteur général des services judicaires.
Ge : Est-ce que les magistrats du conseil supérieur de la magistrature défendent bec et ongle vos intérêts ?
SK : Le problème, c’est de rester dans la légalité. Lorsqu’on prépare le conseil supérieur de la magistrature il y a des travaux préalables. Depuis un certain temps on remarque que ce n’est plus le cas. Les travaux préparatoires ne se font plus comme il se doit. Cela se passe maintenant sur une ou deux heures environ alors qu’il y a près de 500 magistrats. Chaque dossier doit être traité au cas par cas. Dernièrement lors du conseil c’était une situation précise à gérer. Il fallait déployer les magistrats qui étaient au chômage. Analyser les dossiers individuellement pour voir qui devait retourner au tribunal selon son grade et qui devait monter à la cour d’appel selon également son grade et la fonction prévue par la loi.
Ge : Est-ce que la présence des hommes politiques au sein du conseil supérieur de la magistrature ne plombe pas l’action des magistrats ?
SK : A l’intérieur du conseil supérieur de la magistrature il y a le Chef de l’Etat qui est le président du conseil. Il y a le ministre de la Justice qui est le premier vice-président. On note aussi la présence du ministre du Budget, celle des députés et autres sénateurs et enfin des magistrats. Nous estimons que cela ressemble à une intrusion. On appelle le conseil supérieur de la magistrature par dérision. On aurait dû dire ‘’conseil national de la magistrature’’ pour décider du sort des magistrats puisque toutes les instances sont représentées.
Ge : Pourquoi pensez-vous tout que l’état procède à une division de la justice ?
SK : L’état veut diviser les juges et opposer les magistrats entre eux, alors que nous sommes un corps et un pouvoir. Cette procédure veut monter les uns contre les autres. Nous disons que ce n’est pas normal. Cela fait partie des comportements que l’on déplore et nous ne connaissons pas le but de cette attitude.
Ge : Depuis près de 10 ans lors des travaux du conseil supérieur de la magistrature à la Présidence de la République, seuls deux magistrats prennent la parole, comment analysez-vous cela ?
SK : Nous estimons que cela fait partie des violations des textes. Dernièrement le Secrétaire général est venu dire que les décisions sont prises à l’unanimité. En principe, dans les textes qui régissent le conseil supérieur de la magistrature, il y a les listes d’aptitudes. Au sein du conseil il doit y avoir des discussions qui devaient aboutir à des votes. Pour tel poste on a par exemple deux personnes qui ont les mêmes aptitudes alors il faut procéder au vote.
Malheureusement, au niveau des travaux préparatoires c’est un peu secret. Les magistrats sont à la limite même surpris. C’est quand ils sont dans la salle du conseil avec le Chef de l’état qu’ils découvrent réellement ce qui se passe. Nous estimons qu’il y a une violation.
L’exemple de Mr Guy Serge DJIPANO qui est magistrat hors-hiérarchie, premier président de la cour d’appel est assez parlant . Il a exercé les fonctions de procureur général près de la cour d’appel de Port-Gentil pendant certaines années. Donc on ne pouvait pas le réduire à une fonction inferieure et c’est pour cela qu’il avait réagi. Vous voyez que ce cas, il découvre sur place que quelque chose ne va pas. Pourtant il est membre. Il devait assister aux travaux préparatoires. Mais il n’avait pas été informé du fait qu’il devait être enlevé de ce poste.
Ge : Donc il y a des mains noires qui manipulent la justice ?
SK :Je ne vais pas parler de mains noires. Mais Il y a une espèce de ténèbres qui met la magistrature, les travaux préparatoires et le conseil au point où on met la loi de côté pour ne tenir compte que certains intérêts et autres affinités.
Ge : La magistrature est rongée par la corruption, êtes-vous bien placé pour donner des leçons de morale aujourd’hui ?
SK : En octobre dernier madame le Procureur général de la cour de cassation a dénoncé la corruption lors de son discours à l’occasion de la rentrée judicaire. Nous estimons que certaines choses se passent ici. La mission que nous avons est d’emmener les collègues et d’autres personnes à respecter le serment que nous avons prêtés.La réalité c’est que la société gabonaise a perdu les valeurs et nous devons nous battre pour retrouver nos valeurs.
Ge : On a le sentiment que votre tutelle et le secrétaire général adjoint de la présidence de la République étaient de connivence pour vous porter un coup derrière le dos ?
SK : C’est le sentiment que nous avons eu après. Nous ne savions pas et on ne pouvait pas imaginer. Au regard des termes que le Secrétaire général adjoint de la Présidence de la république a utilisé en faisant état du sentiment du Chef de l’état à la suite de notre point de presse. On était surpris de voir le communiqué du ministère de la justice dans la presse.
Ge : L’article 70 de la constitution consacre bien le Chef de l’état comme Président du conseil supérieur de la magistrature. Le combat s’annonce dur pour vous parce qu’il faut obligatoirement une révision constitutionnelle.
SK : Nous ne perdons pas espoir. Les lois sont faites par les Hommes et quand on a un esprit et un idéal de justice il faut aller pour ramener les choses de sorte que cet idéal de justice, cette justice rendue au nom du peuple gabonais puisse être effective
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Ge : Lors de votre assemblée générale il vous a été reproché d’avoir été reçu à la Présidence de la République sans communiquer, pourquoi vous n’avez pas communiqué ?
SK : C’est une erreur de notre part de n’avoir pas communiqué à la base ce que le bureau a décidé lors de l’audience avec le secrétaire général adjoint de la présidence de la République.