Après la convocation par la police de Jean Ping, candidat déclaré à la présidentielle d’août prochain, et le refus de ce dernier d’y répondre, en début de week-end dernier, les avis sont partagés. D’un coté, ceux qui pensent que l’ancien patron de la commission de l’union africaine devrait se présenter devant les corps habillés pour donner plus d’explications sur cette fameuse vidéo dans laquelle il traite les autres Gabonais de cafards, et de l’autre, ceux qui dénoncent la manipulation par le pouvoir des forces de sécurité et de la justice pour venir à bout des adversaires encombrants.
Un vrai scandale ! C’est l’avis de plus en plus exprimé par les partisans du changement, après la convocation par la police, le week-end écoulé de Jean Ping, présenté comme l’un des meilleurs challengers d’Ali Bongo à la présidentielle d’août prochain.
Un vrai scandale, mieux une raison d’Etat pour tous ceux qui accusent le chef de l’Etat de se servir des forces de sécurité et de l’appareil judiciaire, pour éliminer, et cela avant même la tenue du scrutin, les adversaires les plus redoutables. Il ne s’agit donc là, pour les partisans de l’alternance que d’une démarche expéditive, visant à écarter ou à faire taire toute voix discordante. Une démarche qui préfigure déjà la volonté manifeste de l’émergent en chef de s’appuyer sur les hommes en armes, afin de s’arc-bouter au pouvoir. Et ce, même au cas où il venait à perdre l’élection.
Accusation balayée du revers de la main par ceux acquis à la cause du président de la République, notamment l’équipe gouvernementale, qui clame l’indépendance de la justice et le caractère républicain des forces de défense et de sécurité. Et selon la position exprimée là-bas, Ping doit s’expliquer sur cette vidéo où il appelle à l’ « expédition » contre des « cafards ». Des termes, qui selon l’argument du palais, qui s’appuie sur les exemples du Rwanda en 1994 ; de la Libye en 2011 ; et de l’Allemagne nazie, constituent un appel systématique à la guerre civile. Comme on peut le constater, les ennuis ne font que commencer pour le natif d’Omboué, à moins de trois mois de la compétition.
Les conséquences d’une éventuelle inculpation
Un acte controversé qui vient en rajouter à un climat préélectoral déjà tendu, et marqué par une suspicion symptomatique entre l’opposition et la majorité, qui s’accusent mutuellement de faire planer la menace d’une guerre civile à l’issue du scrutin. Ce qui accroît encore plus l’inquiétude des populations déjà atterrées par les éventuelles violences qui pourront émailler l’annonce des résultats de cette bataille présidentielle.
Mais au-delà de ces interpellations, il s’agit bien de l’imprudence d’un gouvernement qui ne cache plus son anxiété et son énervement devant l’activisme et le tapage de ses opposants. Car tenter ainsi de tenir Ping en laisse, à ce stade de la compétition, avec la notoriété déjà acquise par l’homme, au plan national comme international, et cela pour le simple usage des termes « cafards » et « expédition » (même si on ne peut que regretter leur gravité), de surcroit dans une vidéo dont l’authentification n’a pas encore été prouvée par une expertise en la matière, c’est prendre le risque d’entretenir un climat d’insécurité dans le pays.
Surtout avec tout le risque d’affrontements qui pourraient opposer les partisans de l’homme avec les forces de l’ordre. Et en adoptant la démarche d’une inculpation d’un candidat de la trempe de Ping, l’équipe d’Ona Ondo risque de se mettre à dos la communauté internationale, notamment l’union européenne, qui est le plus grand pourvoyeur d’aide électorale. Ce qui pourra jeter un discrédit sur les résultats du scrutin et entacher davantage le prochain mandat d’Ali Bongo, sil venait à être réélu au terme de la présidentielle d’août prochain. L’effet Katumbi !