Alors que l’ancien porte-parole de la présidence de la République avait soutenu que l’édition 2015 de New-York Forum Africa (Nyfa) n’avait coûté que 590 millions de francs, Mays Mouissi affirme que son coût réel est huit fois supérieur. Retour sur le raout le plus controversé du septennat qui s’achève.
Richard Attias doit actuellement tirer la tronche et grincer des dents, l’analyste économique Mays Mouissi a fouiné dans les documents de la comptabilité publique et vient de dévoiler ce que le promoteur de l’évènement s’est toujours refusé à communiquer : le coût réel du New York Forum Africa (Nyfa). Richard Attias, l’homme qui peut commettre une batterie d’avocats pour obliger l’hébergeur de Gabonreview à un black-out du site et se vanter ensuite d’avoir mis la direction du site à genoux ; Richard Attias, l’homme qui s’est permis un duel épistolaire éhonté avec Marc Ona et les Indignés du Gabon, l’homme qui a distribué des mauvais points à la presse du continent noir, prétendait que son raout devait favoriser la réinvention du business model africain, du fait d’être le creuset d’idées devant booster les économies du continent. À la vérité, l’évènement, déjà répété quatre fois à Libreville, se révèle n’être qu’un gouffre financier sans retombées économiques clairement identifiables.
4,7 milliards plutôt que 590 millions de francs CFA
Combien, en effet le Nyfa coûtait-il au contribuable gabonais ? Une question à laquelle répond Mays Mouissi sur son blog d’analyses économiques et financières. «Contrairement aux premières éditions où il fallait acheter plusieurs choses, la dernière édition a couté environ 900 000 €», déclarait en septembre 2015 Bilie-By-Nzé, alors porte-parole de la présidence de la République. 590 millions de francs CFA, devrait-on dire. Un chiffre que dément l’analyste économique qui parle plutôt de 4,7 milliards, soit huit fois le montant déclaré.
«À l’analyse, nous constatons un décalage de plus de 4,1 milliards de francs CFA entre le montant des dépenses relatives à l’organisation du Nyfa 2015 annoncé en septembre 2015 par le porte-parole de la présidence du Gabon et la réalité des opérations budgétaires exécutées à ce titre», écrit Mays Mouissi, appelant les pouvoirs publics à la prudence dans les déclarations officielles. L’enquêteur économique explique ensuite que, pour financer le Nyfa 2015 six lignes de dépenses, regroupées en trois rubriques, ont été ouvertes : «Dépenses de sécurité et de souveraineté», «Services professionnels gabonais-Divers» et «Indemnités d’incitation». «A elle seule, la rubrique Dépenses de sécurité et de souveraineté a supporté 84% des dépenses du Nyfa 2015, soit 3,98 milliards francs CFA», a affirmé l’économiste bloggeur.
Citant comme source principale le «Tableau annuel d’exécution du budget de la République gabonaise exercice 2015 – Version intégrale», l’analyste économique indique que ces deux rubriques regroupent les frais d’organisation. «Ces paiements ont représenté 1,53 milliards FCFA chacun et furent payés respectivement le 6 mai et le 29 juin 2015», précise-t-il, ajoutant que ces rubriques comprennent également une opération de 934 millions francs, libellée «Convention relative à l’organisation du New York Forum Africa 2015», réalisée le 18 septembre 2015. La rubrique «Services professionnels gabonais-Divers» comprend une seule dépense de 100 millions francs libellée : «Prise en charge des dépenses liées à la promotion des investisseurs et des opérations logistiques lors de la 4e édition du New York Forum». Cette opération fut réalisée le 24 août 2015. La dernière rubrique, enfin, comprend une dépense de 19,6 millions francs relative aux frais de participation de la direction générale de l’Industrie et de la Compétitivité (DGIC). L’opération fut réalisée le 28 juillet 2015.
Pour quel bilan, quelles retombées ?
Après ce passage en revue des coûts du tout dernier cru de cet événement, l’analyste s’est interrogé sur la nécessité de maintenir un financement public pour le Nyfa. Richard Attias a toujours défendu la fécondité de son opération, allant jusqu’à distribuer quelques avis spécieux à l’opposition gabonaise et à la société civile hostiles à sa réunion mondaine. Et l’on en vient à se souvenir de Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien «La Croix» et fondateur de «L’Autre Afrique», intervenant sur RFI, le 18 octobre 2014, après que Richard Attias eut déclaré, le même mois lors d’une interview sur la radio française France info, son «désaccord» avec l’opposition gabonaise critiquant son évènement. «Les opposants peuvent-ils critiquer les choix coûteux des chefs d’État pour leurs pays, sans subir le mépris de ceux qui sont en affaires avec eux ?» interrogeait Jean-Baptiste Placca.
Du mépris, la presse africaine en aura en tout cas eu de la part de sieur Attias, lançant en 2014 lors de la clôture de son forum à Libreville : «Les journalistes Africains n’ont pas le niveau», mieux par paresse, manque de rigueur et de professionnalisme, ils inondent les journaux du continent de rumeurs. «50% de l’info venant d’Afrique est tronquée», avait asséné Richard Attias. Écoeurée, Dounia Ben Mohamed, journaliste et directrice associée de l’Africa News Agency (ANA), écrivit : «Quand nos confrères interrogent Richard Attias sur ses activités sur le continent et mettent en doute son «mécénat» quand il assure, face caméra, que «le NYFA ne rapporte pas d’argent», ils manquent de professionnalisme assurément… Pourquoi en douter ?». Il ne serait donc pas étonnant que Mays Mouissi soit accusé de faire de l’intox.
Si le bilan de la 4e édition du Nyfa comporte quelques conventions (achat de 475 bulldozers pour la Sotrader ; accord sur 18 millions d’euros entre le Gabon et l’AFD pour la préservation de la biodiversité, entre autres) qui auraient bien pu être signées dans d’autres cadres plus formels, on reste toujours marqué et abasourdi par le rapport final de la toute première édition. Pour celle-ci, on peut croire, selon le mot de Bilie-By-Nzé, qu’«il fallait acheter plusieurs choses» et donc, logiquement, que son budget dépassait largement les 4,7 milliards de la dernière édition. Il reste que le rapport final de cette 1ère édition, si coûteuse, était digne du travail d’un élève de Terminale B (Lire «Les propositions désuètes du New York Forum Africa»)
Le bilan des autres éditions est du reste toujours attendu, tout comme la réalisation des différentes promesses d’investissement. «Aux organisateurs qui défendent l’idée que ce forum est un lieu de rencontre privilégié entre hommes d’affaires de différents pays, il conviendrait de leur faire accepter de recourir à des financements privés pour financer le Nyfa. Puisqu’il serait favorable au monde des affaires, les dirigeants de société ne trouveraient aucun inconvénient à financer un événement qui leur apporte tant», lance Mays Mouissi, visiblement moqueur ou provocateur.
Avec cette piqûre d’appel à la lucidité, on ose croire que le président de la République, Ali Bongo, ne cèdera plus et rejètera, en cette année électorale, les chants de sirène de certains rastaquouères qui n’ont fait que participer pleinement au ternissement de son image et à l’altération de son bilan. D’ailleurs, l’élection présidentielle ayant lieu en août prochain, on doute que le New York forum Africa soit encore organisé cette année. La nature régule toujours les choses et le «temps est l’autre nom de Dieu».
PS : C’est peut-être notre dernier article. Si d’aventure, avec son souci d’e-réputation, Richard Attias faisait des pressions sur nos hébergeurs pour la disparition de cet article, nous ne nous plierons pas. Plutôt Gabonreview disparaître à jamais. Il n’a jamais ainsi agit pour les artistes au vitriol publiés sur lui par Charlie Hebdo et L’Express et qui sont toujours sur les sites de ces journaux.