Alors que le montant de cette subvention avait déjà été réduit, passant de 500 millions à 390 millions CFA, la Commission mise en place pour la distribution de cet argent public destiné aux organes de presse s’est octroyée 18 millions de francs CFA au titre des per diem pour ses membres. Selon les spécialistes de la finance publique, il ne s’agit ni plus, ni moins, que d’un détournement de fonds !
Au terme de la session annuelle de la Commission d’attribution de la subvention à la presse, on retient que 372 millions ont été attribués aux organes de presse. La part du lion (248 millions de francs CFA) étant revenue à L’Union pour 98 millions de francs CFA environ, et, on ne sait sur la base de quel critère, 150 millions de francs à Gabon Matin. Ce quotidien n’a pourtant paru que pendant quatre mois tout au long de l’année 2015, et il n’a pas publié un seul numéro depuis le début de cette année ! Les 124 millions de francs restants ont été attribués à neuf autres journaux, là aussi sur des critères vraisemblablement basés sur la proximité avec les gouvernants actuels. Un choix sectaire et une décision marginaliste qui font beaucoup de tort à l’ensemble de la classe dirigeante du Gabon, et notamment au gouvernement tout entier, qualifié par une certaine opinion de «gouvernement irresponsable guidé par la seule envie de plaisir à ceux qui lui paraissent proches».
A côté de cette décision largement déploré par de nombreux observateurs, il y a le «grisbi» que se sont offerts les membres de la Commission sur la subvention : 18 millions de francs CFA partagés par la dizaine de membres de cette commission. «C’est un scandale, un vrai scandale !», peste le directeur d’un hebdomadaire à la périodicité irréprochable, ajoutant : «c’est un détournement de fonds publics !» Des sources concordantes soutiennent que le secrétaire général du ministère de la Communication, Clarisse Ditona, serait à l’origine de la décision, «conformément à des instructions de sa hiérarchie», de «se servir ainsi sur la bête», pour reprendre le bon mot de Florent Pagny, le chanteur français. 18 millions CFA, soit 5% de la subvention, soustraits par Jean-Chrisostome Mbadinga Christaut, président de la Commission, et ses amis !
«Retrait» de 18 millions de la subvention : «un détournement»
Cette soustraction de l’argent destiné aux organes de presse est la preuve, selon l’hebdomadaire Gabon d’Abord, que «certains Gabonais se plaisent à détruire les élans de démocratie en gestation dans le pays», et cela constitue, toujours selon ce journal, «un véritable coup de poignard dans le dos des valeurs de la démocratie et de la République». Pour Moussavou Mouckagni, spécialiste de la finance publique, il s’agit d’un détournement de fonds, «même si c’est un arrêté ministériel qui l’a décidé». Même réaction de la part de Thierry Mba Bé, économiste et chargé de cours à l’Institut de Management, «on ne peut soustraire de l’argent commis à une action publique, et en profiter pour s’en mettre une partie dans la poche ; ce n’est ni plus, ni moins, qu’un détournement de fonds ; en tout cas, cela doit être considéré comme un acte d’enrichissement illicite». Par ailleurs, selon certaines indiscrétions, «les 150 millions CFA destinés à Gabon Matin n’iront pas totalement à l’Agence gabonaise de presse ; il devrait y avoir des mains noires pour se servir aussi». Accusation vraie ou fausse ?
En tout cas, il va pourtant falloir rembourser cette somme (les 18 millions de francs CFA) dans les caisses du Trésor, car des groupements d’éditeurs de presse s’apprêtent à porter plainte contre ceux qui ont pris cette décision. «Afin que plus jamais cette subvention ne soit attribuée à quelqu’un d’autre qu’à des organes de presse», comme le souligne un membre de l’un des groupements.