La question, quoi qu’elle puisse affecter quelques sensibilités, mérite néanmoins d’être posée. Tant le pays s’apprête à vivre une élection présidentielle sous haute tension . Election qui, très souvent a le mérite de susciter un nombre pléthorique de candidatures de certains « ministres de Dieu », envoyés dit-on pour rétablir la justice sociale, la dernière en date étant celle du Pasteur Désiré Mounanga de l’Alliance Chrétienne et Missionnaire du Gabon. Se pose alors la question du rapport entre la religion et la politique. Font-elles bon ménage ?
Est-il recommandé à un homme de Dieu de briguer la magistrature suprême ? Ou encore Dieu permet-il à un membre du clergé, et spécialement dans sa parole, de concilier le sacerdoce apostolique et la politique ? Comment expliquer cette reconversion de vocations de certains Ministres de Dieu, qui longtemps après avoir « opéré des miracles » décident de faire irruption dans le marigot politique ?
Pour le pasteur de l’église de réveil de Nazareth, Georges Bruno Ngoussi, qui était candidat à la présidentielle anticipée de 2009, sa démarche avait été inspirée par Dieu. Même si le pasteur avoue ne pas savoir les raisons d’une telle vision du Très haut, car il n’avait jamais rêvé de se présenter à un scrutin présidentiel. S’est-il simplement plié à la volonté de son créateur ? Une thèse partagée par le Président du bloc démocratique gabonais (BDC), Guy Christian Mavioga, qui dit « diffuser la lumière de la parole de Dieu par son engagement politique ». Pour le porte-parole de la majorité républicaine pour l’émergence, en investissant l’arène politique, « les ministres de Dieu apportent de la lumière et plus de justice sociale ».
Un choix de plus en plus critiqué !
Si les intéressés disent être propulsés en politique par la voix de Dieu, il reste que cet appel est perçu comme une farce. De ce fait, de nombreuses personnes s’interrogent sur les réelles motivations de ces « Hommes de Dieu » et sur leur intrusion dans le landerneau politique. On se souvient qu’en 2005 le pasteur de l’église Jérusalem, feu Ernest Tomo dit « Zorobabel » avait, selon une vision divine posé sa candidature à la présidentielle, avant de se rétracter à quelques jours du scrutin.
D’ailleurs, certains observateurs en guise de boutade, soutiennent que Zorobabel est la seule personne à qui Dieu a parlé 2 fois. La première pour qu’il se présente et la seconde pour qu’il se retire au profit du défunt Omar Bongo Ondimba qui au passage, lui avait graissé la pâte à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes. Un revirement justifié par Zorobabel en personne par le fait que Dieu lui aurait dit de retirer sa candidature parce qu’il ne gagnerait pas contre Omar Bongo. Incompréhensible voire inimaginable ! En effet, toutes les religions s’accordent à reconnaître le côté omniscient de la divinité.
Autant d’actes qualifiés d’errements de quelques « Hommes de Dieu », au nom de leurs intérêts personnels, par bon nombre de fidèles. Car Dieu, pensent-ils n’envoie pas quelqu’un qu’il sait d’avance perdant. Mais au-delà de cette instrumentalisation de la religion à des fins politiques, il y aussi le problème de compatibilité entre les deux disciplines : religion et politique. Font-elles bon ménage ?
La religion suppose la morale, l’honnêteté, la justice, la droiture etc. Ce qui est loin d’être le cas en politique où seules la ruse, la force et le mensonge règnent en maîtresse absolues. La réalité du terrain politique (surtout telle qu’elle s’exprime chez nous) conduit à des choix et des actes parfois répréhensibles voire contre-nature. Lesquels actes relèvent de l’injustice et de roublardise. Le pouvoir politique fait naître des sentiments de concupiscence, d’orgueil et d’avidité.
C’est le primat de l’intérêt personnel. Tout le contraire de la religion qui doit préserver la justice, et donc le bien.Une incompatibilité qui fait craindre un changement ou encore une métamorphose négative des « Hommes de Dieu » qui envahissent chaque jour l’espace politique. Car la politique, dirait quelqu’un ‘’est un opium qui transforme les hommes politiques en véritables monstres’’.