Démissions au sein du parti au pouvoir, guerre d’égos dans l’opposition: à quelques mois de la présidentielle au Gabon, petits calculs et grandes manœuvres ont déjà commencé à Libreville.
Rien ne va plus au Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir). L’annonce mardi de sa candidature à la présidentielle par le patron démissionnaire de l’Assemblée nationale gabonaise, Guy Nzouba Ndama, figure politique bien connue dans le pays, est un coup de massue, même si beaucoup s’y attendaient depuis sa démission du perchoir la semaine dernière.
L’ex-numéro trois du régime sera donc l’un des principaux rivaux du président Ali Bongo Ondimba, candidat à un deuxième septennat.
Autres concurrents affichés: l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, qui bat campagne depuis des mois, et le deuxième Premier ministre d’Ali Bongo, Raymond Ndong Sima.
Le scrutin à un seul tour, dont la date n’a pas été officiellement annoncée, devrait se tenir fin août, selon des sources proches de la présidence.
La semaine dernière, M. Nzouba Ndama, suivi par neuf députés, avait démissionné avec fracas de ses fonctions pour protester notamment contre la destitution de trois parlementaires à l’origine d’une branche dissidente au sein du PDG baptisée "PDG Héritage et Modernité".
-’conflit de générations’-
Ce courant, rassemblant une quinzaine de députés et d’anciens ministres, dénonce "le bilan calamiteux" d’Ali Bongo.
"Une sorte d’asthénie s’est progressivement installée dans l’action", a accusé M. Nzouba Ndama, malgré les espoirs suscités par le président Bongo lors de son élection en 2009 après la mort de son père.
Il a également tiré à boulets rouges contre les membres du premier cercle du chef de l’Etat, les accusant de "mépriser les faibles et les moins nantis par une exhibition indécente des signes extérieurs de richesse" et de "pratiquer des transferts immenses de capitaux vers d’autres pays".
Par leur "impertinence irrévérencieuse", a-t-il ajouté, ce premier cercle - des quadragénaires apparus après la mort d’Omar Bongo - a aussi contribué à créer un "conflit de génération" en "désacralisant les rapports entre les aînés et les cadets".
Au Palais du bord de mer (palais présidentiel), on relativise. "C’est un putsch interne raté. Il espérait pouvoir imposer des primaires (pour désigner le candidat du PDG, ndlr) mais le président a pris tout le monde de court" en annonçant sa candidature dès le 29 février, assure une source proche de la présidence: "maintenant, c’est trop tard pour lui, (...) il est fini".
"Regardez les opposants gabonais: ils ont tous passé au moins 20 ans au parti, ont été ministres... Si le pays va mal c’est en grande partie leur faute, alors quelle est leur crédibilité?", ironise cette source.
-éviter de mauvaises surprises-
Signe que le sérénité n’est pas totale, Ali Bongo a tout de même reçu lundi une centaine de députés PDG - presque tous excepté les frondeurs- pour éviter d’autres mauvaises surprises et s’assurer le soutien de sa majorité jusqu’à l’élection.
"Il y a beaucoup de mécontents, de gens qui regrettent le temps d’Omar, au Parlement comme dans les instances dirigeantes du Parti, ou au gouvernement", explique un observateur averti de la politique gabonaise. "Mais beaucoup savent aussi qu’ils ne doivent leur poste qu’au PDG, et n’osent pas claquer la porte".
Du côté de l’opposition, l’ambiance n’est pas vraiment à l’unité non plus, malgré les promesses d’’"Union sacrée". En janvier, l’annonce de la candidature de Jean Ping, ancien ministre d’Omar Bongo, a fait voler en éclats la "candidature unique" prévue par le Front uni de l’opposition.
Depuis, les divisions n’ont cessé de se creuser. L’Union nationale (UN), l’un des principaux partis du Front, n’a toujours pas annoncé de candidat même si circule le nom de Casimir Oya Mba, un ancien Premier ministre d’Omar Bongo.
La liste de prétendants à la magistrature suprême devrait encore s’allonger, avec les opposants Pierre Claver Maganga Moussavou, ou Jean de Dieu Moukagni-Iwangou.
Dans le cadre d’une élection à un seul tour, "plus il y a de candidats, plus ça profite à Ali... Mais les opposants sont pour l’instant incapables de s’unir, ils se connaissent bien et la plupart se détestent", souligne l’observateur: "c’est une guerre d’égos".