Les antagonismes en période électorale sont devenus monnaie courante au Parti Démocratique Gabonais, PDG. Lesquels antagonismes résultent bien souvent du mode de désignation du porte-étendard de cette formation politique. Un mode jugé discriminatoire et éveillant les appétits étouffés du pouvoir de certains membres. Après les départs d’André Mba Obame, Jean Eyeghe Ndong, Casimir Oye Mba, Paulette Missambo et d’autres en 2009, le tour revient à Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et tous les autres députés « frondeurs » du mouvement Héritage et Modernité.
« Le PDG n’est pas un patrimoine privé, mais un héritage commun auquel nous tous avons contribué à bâtir », ont clamé comme un seul homme les membres du courant dissident « PDG Héritage et Modernité », (PDG H&M), lors du grand meeting qu’ils ont animé jeudi 10 mars dernier, au domicile Ossengue, dans le quatrième arrondissement de la commune de Libreville. A en croire les tenanciers de cette aile du parti, les valeurs fondatrices du PDG, Dialogue, Tolérance, Paix, telles que prônées par Feu Omar Bongo Odimba, fondateur du parti ne sont plus respectées. Ce qui participe d’une dégradation de la situation au sein du parti, et de la flambée d’un « déni de démocratie » et attise des mécontentements et oppositions internes.
L’élection présidentielle, facteur d’implosion
On est tenté de le dire ! Tant le parti montre des signes d’affaiblissement depuis la disparition d’Omar Bongo Ondimba en 2009, année de la présidentielle anticipée. Laquelle présidentielle a causé la première salve des départs des ex « camarades », André Mba Obame, ancien Ministre de l’intérieur, Jean Eyeghe Ndong, ancien Premier Ministre, Casimir Oye Mba et Paulette Missambo, tous deux anciens Ministres d’Etat, pour ne citer que ceux-là. Des anciens Ministres ayant claqué la porte du parti, en signe de protestation contre la procédure de désignation de l’actuel Chef d’Etat, Ali Bongo Ondimba.
Une désignation jugée « illégale » par ces barons, qui ont vu là une ingéniosité des certains « camarades » à maintenir coûte que coûte le système Bongo, à travers l’imposition de son fils comme successeur direct du « patriarche ». Des départs loin d’être les seuls, car depuis plus de deux ans, le parti connait une hémorragie interne, marquée par des démissions en cascade telles celles de Jean Ping, ancien patron de la commission de l’union africaine, Jacques Adiahenot, ancien secrétaire du parti, Jean François Ntoutoume Emane, ancien Premier Ministre, René Ndemezo’o Obiang, également ancien Ministre. La liste est loin d’être exhaustive.
La notion de candidat naturel en cause
Une notion jugée « antidémocratique », selon les critiques de certains militants qui pensent que le mode de désignation du candidat à la présidence de la république, tel qu’en vigueur ne garantit pas l’ « égalité » des autres membres, qui nourrissent des ambitions personnelles. Ce qui donne l’impression que le « PDG est une affaire de famille et de clan » dont seuls, les membres de la famille ou du clan peuvent tirer le plus grand profit. Si l’on en croit Jacques Adiahenot.
Fort de cela, le courant « Héritage et Modernité » a été porté sur les fonts baptismaux. Ses acteurs réclament d’ailleurs la tenue d’un congrès dit de « clarification » pour remettre à plat les statuts querellés, aux fins d’asseoir une gouvernance démocratique du parti. Ces frondeurs veulent aussi l’organisation des primaires au sein du PDG, pour désigner en toute transparence le candidat du parti. Pour ces mutins qui se réclament de l’héritage d’Omar Bongo, « le PDG est tout sauf un parti démocratique », a déclaré Michel Menga, un des parlementaires dissidents. Ils soupçonnent Ali Bongo, qui les a exclus du parti pour « indiscipline notoire », de s’imposer par la force comme candidat du parti, en expédiant toutes les voix discordantes au sein de l’appareil.
Mais eux, n’accepteront jamais une telle expédition. C’est pourquoi ils ont crée une aile dissidente au sein du PDG, car « notre lutte », ont-ils dit, « elle est interne ». Une situation que les responsables du parti jugent de « non événement ». Notamment la Secrétaire Générale Adjointe 2 du parti, chargée de la mobilisation, Annie Chrystel Limbourg Iwenga s’exprimant au nom des femmes du parti, lors du Congrès d’investiture d’Ali Bongo, le 12 mars dernier a clamé : « nous n’accepterons jamais de PDG bis ». Non sans accuser les frondeurs d’avoir violé les statuts du congrès de 2013. Lesquels statuts disposent en leur article 19 que « le Président du parti est le seul candidat à la présidence de la république ». Mais pour les dissidents, ces statuts sont sans effet puisqu’ils « n’ont jamais été discutés et adoptés ». Prenant la parole, lors de son investiture, Ali Bongo n’a pas manqué d’égratigner ses adversaires, en les traitant de « faux prophètes et de perfides menteurs qui sèment la haine et la peur ».
Le ciel n’est donc pas prêt à s’éclaircir au-dessus du « parti de masses ». Et il ne serait pas étonnant de voir d’autres caciques franchir, eux aussi le Rubicon, à mesure que le blocus perdure et que les appétits pour le pouvoir s’aiguisent davantage.