Mesdames et Messieurs les responsables et représentants des confessions religieuses,
Mes Chers compatriotes,
C’est avec un réel plaisir que je me retrouve à nouveau à Oyem aujourd’hui.
Je vous remercie encore pour votre accueil Ô combien fraternel et chaleureux. Une fois de plus, le Grand Nord n’a pas dérogé à sa tradition d’hospitalité et d’accueil enthousiaste.
En ce jour de Pâques et au moment où vient de s’achever la longue période de pénitence symbolisée par le carême, il me plait de souhaiter à l’ensemble de la communauté chrétienne d’Oyem et, à travers elle, à la communauté chrétienne du Gabon, une joyeuse fête de pâques.
La ferveur des chrétiens en ces moments de célébration, rend compte de la profondeur et de l’authenticité de votre foi.
Elle rend également compte de l’espérance qui habite en ce jour particulier, tous les chrétiens du monde.
Jésus Christ, que nous les musulmans appelons Issa, représente chez les chrétiens le symbole du renouveau, le retour de la lumière, l’espérance et le don de soi.
Cette espérance trouve un écho particulièrement favorable dans notre pays.
Le Gabon constitue en effet une particularité dans un monde confronté à la montée des intégrismes religieux et politiques.
Alors que de nombreuses régions du monde et d’Afrique sont soumises à la haine et à la violence aveugle, au nom d’un Dieu pourtant miséricordieux, notre pays connait une situation particulière en ce sens que chez nous, chacun peut exercer librement sa foi, tout en respectant celle des autres.
Depuis des générations en effet, les croyants de toutes les confessions vivent en bonne intelligence dans la paix, l’harmonie et la concorde.
Nous avons certes des manières différentes de vivre notre foi. Mais nous la vivons dans l’amour et le respect de l’autre, dans l’amour et le respect de la différence.
Cette manière de vivre notre foi nous distingue de nombreux pays en Afrique ou ailleurs, où vivre sa foi peut vous exposer à des incompréhensions et des persécutions.
Mes chers compatriotes,
Je vous ai dit au début de mon propos que je suis venu à Oyem, en réponse à une invitation que m’a adressée Monseigneur Jean Vincent ONDO EYENE, mon ami.
Nous avons la grâce immense de vivre dans un pays où un musulman peut avoir pour ami un chrétien.
Nous avons la grâce de vivre dans un pays où les fêtes chrétiennes et les fêtes musulmanes sont célébrées par toute la communauté nationale, en toute fraternité et en toute convivialité.
Nous vivons dans un pays où il n’est pas rare de voir que frères et sœurs appartiennent à des confessions religieuses différentes.
Je suis né dans l’une de ses nombreuses familles gabonaises où la tolérance est un maitre-mot.
Cette capacité à nous accepter mutuellement, n’a été rendue possible que parce que nous avons appris très tôt à comprendre que nos différences sont des richesses.
Grâce à cette tolérance, nous avons également su établir dans notre pays, depuis des générations, un climat de paix et de stabilité.
Cette paix est une immense grâce que nous devons préserver pour nous-mêmes et pour nos enfants.
Le Gabon, notre pays, jouit des bienfaits de la paix, parce que nous en avons hérité de nos prédécesseurs qui en ont fait le ciment de notre société.
Il s’agit d’une véritable bénédiction que nous ne devons ni négliger, ni brader.
Si nous prenions le temps, en cette période de célébrations, de jeter un regard sur les souffrances et les affres que subissent nombreux peuples, nous pourrions mieux comprendre l’intérêt et la nécessité de préserver la paix.
Je suis donc venu à Oyem, mes chers compatriotes, pour manifester à nouveau cette tolérance qui ne doit jamais nous quitter.
Mais je suis également venu à Oyem pour souligner devant la nation tout entière, l’importance de deux exigences de civilisation fondamentales à mes yeux.
• La première de ces exigences, c’est l’exigence de l’inclusion. Nous devons en effet apprendre à pratiquer l’inclusion et non l’exclusion. L’inclusion est le fondement de la tranquillité, de la paix des cœurs, de la paix entre les citoyens et, en définitive, de la paix de toute nation.
Cette exigence de paix sans réserve est essentielle si nous voulons poursuive l’édification d’une nation forte et prospère ; une nation qui protège et rassure chacun.
Pour y parvenir, chacun de nous doit donner le meilleur de lui-même et éviter de se laisser entraîner à des comportements aux conséquences dangereuses et néfastes pour notre pays.
Je voudrais, à cet égard, paraphraser un grand penseur Chrétien, St François d’Assise pour dire avec lui que « Nous devons tous être des instruments de la paix, Pour que là où est l’offense, nous mettions le pardon, Pour que là où est l’erreur, nous mettions la vérité, Pour que là où est le désespoir, nous mettions l’Espérance.Pour que là où est la haine, nous mettions l’amour. » Fin de citation.
Le Prophète Mohammed, prônant l’Amour ajoute de son côté que « L’amour n’est possible qu’avec la confiance. L’Amour n’est possible qu’avec des gens vertueux, remplis de compassion et de pardon » Et je sais combien ces valeurs de confiance, de compassion et de pardon sont indispensables à la préservation d’un climat de paix pour nous tous.
• La deuxième exigence de civilisation que je voudrais évoquer c’est celle L’Egalité des Chances.
L’égalité des chances entre tous les Gabonais est la matrice féconde de l’ « inclusion » sociale, économique, politique et culturelle de chaque individu qui naît sur notre terre.
Au début de cette année, j’ai présenté à la Nation ma vision du Gabon de demain. Cette vision est déclinée dans le « Programme pour l’Egalité des Chances ».
Nous sommes tous conscients qu’il est nécessaire de poursuivre les changements que nous avons engagés dans notre pays.
L’un des défis majeurs auquel nous devons faire face est la mise en place d’une société plus juste, plus équitable. D’une société qui ferait de l’Egalité des Chances une réalité pour chacun de ses enfants.
L’égalité des chances, peut être résumée en quelques grands traits :
• La prospérité du Gabon n’est possible que si l’on tire profit des talents de tout un chacun sans exclusion ;
• On ne peut pas exclure un individu à cause de son parti politique, de sa famille, de son ethnie, de sa condition sociale, de son genre ou de sa religion ;
• L’égalité des chances veut dire que chaque enfant qui vient au monde, grandira dans une situation où il est correctement nourri, soigné, instruit, éduqué et qui, devenu adulte, il trouvera un travail selon son mérite et où il s’accomplira pleinement ;
En tout état de cause, L’Egalité des Chances signifie l’inclusion.
Mes Chers Compatriotes,
Ma présence parmi vous, à l’appel d’un ami, d’un frère, Monseigneur Jean Vincent ONDO EYENE, est donc une caresse d’espérance réaliste que je viens vous partager. Une espérance et une foi pour une société de justice sociale, une société de tolérance et de prospérité, une société de paix.
Dès lors, peut-être comprendriez-vous mon inquiétude en tant que citoyen d’abord, puis en tant que Chef de l’Etat, lorsque j’entends s’élever des voix de haine.
Des voix qui incitent les populations à emprunter des chemins dangereux ; des chemins différents de ceux qui ont préservé la paix dans notre pays.
Chacun comprendra mon inquiétude et ma profonde préoccupation face au torrent de violence verbale qui émaille certains discours et propos.
Comment rester indifférent, lorsqu’on entend proclamer des choses à l’opposé des deux exigences majeures de civilisation que je viens de rappeler : L’exigence de la Paix pour notre nation et l’exigence de l’Egalité des chances pour tous ?
La charge que le peuple gabonais m’a confiée pour la conduite de la Nation me fortifie et m’oblige à étouffer souvent ma tristesse d’homme, lorsque je découvre et que j’entends certaines choses.
Il y a ici et là des appels récurrents à l’intolérance et à l’exclusion, en négation absolue des valeurs que nous partageons ensemble, chrétiens comme musulmans.
J’entends de plus en plus de personnes clamer des incitations à la haine et à la violence.
J’entends des appels pour favoriser une province au détriment d’une autre.
J’entends et je perçois des replis identitaires, en totale contradiction non seulement avec ce que nous sommes, mais aussi avec le contexte de la mondialisation actuelle, où seuls les grands ensembles survivent dans le monde où la compétition est la règle non seulement pour les individus, mais aussi pour les Etats.
Certains appellent à favoriser une ethnie au détriment des autres. Ils empruntent là une voie qui, non loin de chez nous, a conduit à une horreur abominable, avec le massacre de centaines de milliers de personnes, au nom de l’ethnie.
Il y a des appels à stigmatiser l’autre sur la base de sa pratique religieuse.
Comment en est-on arrivé là ?
Faut-il que certains compatriotes manquent à ce point de projet pour notre pays, que leur seule issue semble désormais de chercher à détruire ce que nous avons mis des générations à bâtir ?
Certains manquent à ce point de patriotisme qu’ils en viennent à souhaiter le pire pour notre pays ?
Mes Chers Compatriotes,
En ce jour béni de pâques, je vous invite à rejeter toute forme de violence car la haine ne construit pas, la haine détruit. Et comme j’aime à le rappeler, nous n’avons pas de pays de rechange.
De son vivant, le Président Omar BONGO ONDIMBA, mon Illustre prédécesseur avait le choix de la paix. Il avait toujours su placer le Gabon au-dessus de toute autre considération.
C’est ce que fit également le Président Léon MBA lorsqu’il proclama « Gabon d’Abord »
Je m’associe à eux pour dire que nous ne construirons notre pays que dans la paix.
Nous devons donc rejeter la haine, la division, le tribalisme et la xénophobie.
Nous devons rejeter tout discours fondé sur l’exclusion pour embrasser l’inclusion, seule voie pour un Gabon de Paix, de tranquillité et de solidarité.
Certains diront que ce ne sont que des paroles en l’air. NON ! Les mots ont des conséquences très lourdes. Cela a été vécu ailleurs. Ceux-là mêmes qui instrumentalisent les populations aujourd’hui seront demain les premiers à se mettre à l’abri.
Il est évident qu’on ne connait la valeur d’un bien que lorsqu’on l’a perdu. Car, comme l’enseignait St Augustin dans le livre XIX de la cité de DIEU : « un objet auquel nous étions attachés vient-il à nous manquer, son absence devient pour nous l’occasion de nous rendre compte combien nous l’aimions »
Ainsi en est-il de la PAIX.
L’intolérance appelle l’intolérance, la haine appelle la haine, la paix appelle la paix. Faisons ensemble le choix de la paix pour notre pays.
Ceux qui incitent à la discrimination aujourd’hui pourraient réaliser demain, si rien n’est fait, qu’ils auront participé à la création d’une société intolérante et, éventuellement, à la création d’une société qui discrimine un enfant dont la seule faute serait d’être né de la mauvaise ethnie. Cela n’est pas acceptable.
Mes Chers Compatriotes,
En septembre 2012, devant les chambres du Parlement réunies en Congrès, j’avais appelé l’attention des parlementaires et de la Nation, sur l’impérieuse nécessité de rejeter la haine et l’urgence de préserver la paix.
Je m’adresse cette fois aux Hommes de Dieu, chrétiens et musulmans, pour vous dire qu’il n’y a rien de pire que l’indifférence.
Le devoir des autorités religieuses, c’est aussi d’être la sentinelle qui veille pour que la haine et l’obscurantisme n’est pas droit de cité.
Travailler à la survenance d’un monde meilleur c’est aussi dénoncer le mal, d’où qu’il vienne. L’indifférence est toujours le choix du pire.
Monseigneur,
Mon cher Frère Jean Vincent, vous avez ce matin rappelé que Dieu ne nous a pas enseigné la haine, Dieu ne nous a pas enseigné la violence. Cet enseignement profond mérite d’être amplifié afin que tous ensemble, chacun en ce qui le concerne, nous travaillions à construire une nation forte, rassemblée et apaisée.
Nous devons donc, comme vous l’avez rappelé ce matin, changer individuellement et collectivement.
En tant que Président de la République est garant de la constitution, je m’emploie à protéger toutes les libertés, y compris la liberté de culte.
Je voudrais vous convier à faire en sorte que personne ne serve de cette liberté pour semer dans le peuple le poison de la haine et de la division.
Tout en vous remerciant à nouveau pour votre invitation, je voudrais également exprimer ma gratitude à toutes les autres autorités religieuses catholiques, protestantes, musulmanes et charismatiques ici présentes ou représentées, pour avoir accepté de passer avec nous ces moments de fête et de convivialité ici à Oyem.
Bonne fête à tous,
Que Dieu bénisse le Gabon,
Je vous remercie.
Visite d’Oyem : Allocution du Président Ali Bongo Ondimba