S’il y a un endroit où la crise pétrolière se ressent avec acuité, c’est bien la capitale économique du Gabon. Là-bas, les grincements de dents et autres cris de détresse des anciens pétroliers s’entendent à des kilomètres. Pour rendre leur quotidien moins difficile, certains ont trouvé une parade : exercer l’activité de transporteur. Deuxième acte de cette série de reportage « spécial POG ».
« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », apprend-on des écritures bibliques. Une maxime, mieux un commandement qu’appliquent désormais à leurs dépens plusieurs anciens pétroliers à Port-Gentil, frappés de plein fouet qu’ils sont par l’actuelle crise mondiale de l’or noir. Du coup, les combinaisons, casques et autres équipements de protection individuelle ont été rangés aux calendes grecques.
Désormais, ils gagnent leur pitance en sillonnant les coins et recoins de la capitale économique, qui à bord d’un taxi, qui à bord d’un « clando ». C’est le cas de Vincent, ancien « médoc » (Ndlr : Agent de santé exerçant dans les infirmeries) dans l’une des sociétés pétrolières locales que nous avons rencontré aux abords de l’hôpital de Ntchengue à bord de son véhicule (pick-up), venu livrer des caisses de vivres alimentaires pour les commerçantes établies au sein du marché de fortune de ce quartier périphérique de la capitale économique.
Ce dernier, sourire jaune, affirme : « la majorité des gens vivant ici n’ont plus confiance, la crise est passée par là ». Ce jeune retraité, fort heureusement propriétaire d’une maison, est obligé d’exercer une activité de transport pour continuer à subvenir aux besoins de sa famille, surtout ceux de sa fille résidant en France où elle entreprend des études universitaires. Le cœur lourd, Vincent s’exclame : « la crise se lit sous vos yeux ! ». Les exemples de reconversion, comme celle de Vincent dans le secteur des transports urbains à Port-Gentil sont légion. Une confidence faite par ce jeune évoluant dans le secteur depuis trois ans : « Beaucoup de pétroliers ont acheté des taxis et vivent maintenant de çà ».
Au-delà de la crise…
La capitale économique du Gabon a longtemps reflété l’image d’une ville « de fêtards ». Une ville dans laquelle l’ambiance ne connaissait pas de pause. Du coup, alors que le pétrole se comportait bien sur le marché, des milliers de travailleurs de l’or noir étaient loin de s’imaginer une telle chute drastique du prix du baril. Bon nombre d’entre eux, n’ont aujourd’hui que leurs yeux pour pleurer et se remémorer la belle époque, surtout ceux qui ne possèdent pas de maison.
Pour survivre, ils se lancent à pieds joints dans le transport d’usagers ou de vivres, quand ils ne sont pas dans le pire des cas, réduits à être de simples HTM, (homme de tous métiers), au stade de Ntchengue ou encore ne saisissent pas la moindre opportunité de travail s’offrant à eux. Ne dit-on pas qu’ « à défaut de ce qu’on veut, on se contente de ce qu’on a » ? Finie la vie à cent à l’heure ! En fait, l’actuelle crise traduit de fort belle manière, l’immaturité et l’inconscience dont ont fait montre des milliers de pétroliers, jadis gracieusement payés
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Lesquels pétroliers ont oublié la morale de « La cigale et la fourmi », cette fable de Jean de la Fontaine. Une fable dans laquelle la cigale passait le plus clair de son temps à faire bombance au temps chaud, alors que la fourmi préparait des provisions pour le rude hiver. Pour paraphraser Jean de la Fontaine, on est tenté de demander aux pétroliers en détresse : « Que faisiez-vous au temps chaud » ?