En congé de la République depuis 2009, Jacques Adiahénot, ancien secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG) a effectué une sortie, ce jeudi 6 mars à Libreville, en vue d’annoncer, à l’instar de Jean Ping, sa démission du parti au pouvoir.
Annoncée par la rumeur depuis un peu plus d’une semaine, la sortie du bois de l’ancien ministre d’Etat d’Omar Bongo était l’événement le plus couru d’une journée dont l’actualité devait tout de même être accaparée par le séjour du roi Mohammed VI du Maroc au Gabon. Dans la même salle d’un immeuble du quartier huppé des Hauts de Gué-Gué où Jean Ping, qui était présent, a déclaré, le 1er février dernier, sa rupture de ban avec le pouvoir, Jacques Adiahénot, a annoncé qu’il rompait également avec le PDG.
Décor, acteurs et effets sonores
«En ce qui me concerne, j’ai pris la ferme résolution, eu égard à ce qui se passe et s’exécute sous nos yeux, de quitter définitivement le Parti démocratique gabonais. Mes convictions et l’amour que j’ai pour mon pays et mes compatriotes me l’imposent», a déclaré celui qui fut Haut représentant du chef de l’Etat, de 1994 à 1999, député à l’Assemblée nationale de 1996 à 2012, ministre d’Etat à la Communication de février à décembre 1994, ministre d’Etat à l’Habitat, au Logement et à l’Urbanisme de 1999 à 2007 et ministre de la Marine marchande de 2007 à 2009, à la mort d’Omar Bongo.
Le Mpongwè du 4e arrondissement de Libreville était entouré de la baronnie de l’opposition incarnée, entre autres, par Zacharie Myboto et fille, Jean Eyéghé Ndong, Pierre André Kombila Koumba, Albert Yangari, Paulette Oyane, Jean-Pierre Rougou, les membres du gouvernement dit du PNUD d’André Mba Obame, ceux du courant «Souverainiste» de la prohibée Union nationale, mais aussi d’anciens hommes politiques à la retraite, à l’instar de Paul Malékou (ancien ministre, haut cadre du PDG et fidèle parmi les fidèles d’Omar Bongo) ou du Dr Marcel Eloi Rahandi Chambrier (ancien président de l’Assemblée nationale). Il a tenu à «féliciter et à remercier (son) cher aîné, Jean Ping qui a eu le courage d’ouvrir dernièrement une voie. Cet acte est un appel patriotique et déterminant pour les jours à venir.» Adiahénot a également eu «une pensée particulière pour André Mba Obame à qui je souhaite de tout cœur un prompt rétablissement. »
L’homme qui avait disparu de la scène politique depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo, s’est livré à un long propos liminaire lui ayant permis de revenir sur les grands moments de l’histoire du mouvement démocratique gabonais, rappellent au passage : «j’ai été un acteur majeur et actif tant dans le PDG qu’au sein de l’Etat. J’ai toujours entretenu un dialogue critique et constructif avec le président Omar Bongo en vue d’accélérer la mise en place d’un Etat réellement démocratique et républicain (…) Evidement, tout ceci ne s’est pas fait sans l’opposition et la résistance de certains compatriotes dont l’intérêt était contraire aux nôtres.»
Jacques Adiahénot n’a pas manqué de rappeler qu’en 2009, après le décès d’Omar Bongo, il avait affiché son mécontentement avec la méthode utilisée pour choisir le candidat du PDG à l’élection présidentielle anticipée de cette année là. «Au moment où la transition s’amorçait en 2009, et ayant été au centre du débat politique, et compte tenu des lourdes responsabilités qui étaient les miennes, je ne pouvais pas, sans concertation, accepter qu’on m’impose un schéma préparé à l’avance. Je l’ai fait savoir de façon tout à fait explicite», a-t-il rappelé avant de déplorer le fait que, pour les nouveaux dirigeants du pays, ceux qui étaient aux affaires sous l’ère Omar Bongo n’ont rien fait : «C’est à peine si nous n’étions pas tous des incapables qui n’avons pas su donner à notre pays une consistance. Bref, à les entendre, c’était le calme plat ; tout a commencé ou va commencer maintenant».
Les déterminismes de la rupture
Le retrait d’Adiahénot de la scène politique gabonaise, lui a permis d’observer, a-t-il fait remarquer, que ceux qui ont pris le pouvoir en 2009 n’ont pourtant pas fait avancer les choses : «Malheureusement, depuis quelques années, le sectarisme, l’exclusion et l’argent facile prévalent sur les valeurs de solidarité et du vivre ensemble. (…) Depuis quatre ans, les actes posés dans la marche du Gabon auraient pu faire modifier mon jugement et ma posture. Ceux qui aujourd’hui gèrent le pays auraient dû avoir pour seul mobile de maintenir la cohésion du peuple et d’être des modèles de sincérité, de probité morale, d’amour pour le prochain et la patrie. Mais hélas, les modèles et méthodes proposés, les comportements affichés par les politiques, tant dans le PDG que dans l’exécutif qui gère l’Etat, n’ont pu me convaincre d’accompagner la nouvelle marche qui annonce l’émergence pour l’an 2025.»
Ce que l’on nomme communément «légion étrangère» n’a pas échappé à la diatribe du nouvel opposant «Dans cette stratégie s’impliquent et s’imposent des acteurs, pour la plupart venus fraichement d’ailleurs, qui ne s’intègrent pas et qui pensent que les Gabonais doivent perdre leur dignité. Ainsi, le cœur devient l’esclave du corps. (…) En effet, pour avoir une situation, ou mener une vie un peu meilleure, on n’a pas d’autres choix que de s’abaisser et de se prosterner (…) Avec vous, mes chers compatriotes, je voudrais partager cette maxime d’un autre sage «mieux vaut pour chacun comme pour chaque nation, sa propre loi d’actions, même imparfaite, que la loi d’autrui même bien appliquée. Mieux vaut périr dans sa propre loi que de suivre la loi d’autrui».
Jacques Adiahénot a également déploré l’exclusion des gérontes. «Un autre problème se pose dans notre pays. Passé 60 ans, il faut coûte que coûte vider le plancher. On est montré du doigt et exposé comme des reliques du passé parce que ayant appartenu à l’ère Omar Bongo, avec en prime, le mépris et l’humiliation. Aussi, je suis persuadé que la génération qui gère aujourd’hui l’Etat va très vite être rattrapée par le temps et l’âge, car comme disait un penseur : «la vie humaine n’est qu’un instant emprunté au temps», a-t-il clamé.
Indices pour l’avenir immédiat
Pour la suite, l’ancien député du 4e arrondissement de Libreville a invité ce qu’il nomme les forces de l’argent à «faire un choix pour un avenir moins sombre et ce choix, c’est celui de rejoindre massivement le mouvement déjà en marche, notre génération ne faisant que les soutenir, les guider et les accompagner dans cette marche.»
Et comme s’il annonçait, à demi-mots la création prochaine d’une nouvelle ligue de l’opposition, Jacques Adiahénot qui a indiqué qu’il est désormais un homme libre et assure faire dorénavant «partie de l’opposition, de celle qui réfléchit et agit», a proposé à ceux qui le voudraient bien «qu’ensemble, nous puissions proposer une nouvelle offre politique afin de redonner espoir aux Gabonais qui refusent la pensée unique et la gestion personnelle et solitaire de l’Etat. Je lance, de ce fait, un appel pressent en direction des Gabonais qui hésitent encore. Le pays a besoin de nous. C’est un devoir patriotique que de nous mettre à son service.»
Indiquant ne pas vouloir assister aux insinuations et autres déclarations empreintes de quiproquo de la part du parti au pouvoir, ainsi qu’il en a été le cas après la tonitruante sortie de Jean Ping, le néo-opposant a martelé : «Après ma déclaration, un huissier de justice se rendra à Louis à la maison du parti pour déposer ma démission du PDG. »