Allusion à l’un des dix commandants de Dieu dans la Bible, « Tu ne tueras point » titre de la brochure éditée par l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels (ALCR) pour la sensibilisation de masse, est évocateur d’une situation qui perdure. Il est aujourd’hui banal d’apercevoir un corps mutilé ou d’en parler comme si la mort avec prélèvement d’organes devenait un fait normal.
Des histoires de ce genre nous étaient racontées par nos aïeux. Pour nous, ce n’étaient que des histoires pour nous empêcher de trainer dans les rues, jusqu’à ce que nous découvrions l’affaire Mba Ntem en 1988 » a déclaré Gérôme Dindama Boucka, septuagénaire à la retraite. Cette effarante histoire dont lr protagoniste principal avait reconnu avoir « mangé 6 personnes » a marqué l’histoire ! Pourtant, loin de s’arrêter à cette sinistre affaire, les autorités ont volontairement laissé s’établir un réseau de kidnapping d’enfants aux abords des établissements scolaires. La voiture dite ‘’noire ", enlevait et faisait disparaître des enfants.
Avec l’histoire Mba Ntem, les familles découvraient, ahuries, les raisons de ces multiples enlèvements et disparitions d’enfants. Sang, estomac, foie, poumons, cœurs, langues, yeux, organes génitaux humains font l'objet de convoitise, découvrait-on. Le phénomène a créé une grande psychose et pourtant le pouvoir et la justice restaient flegmatiques. Le phénomène s’est-il estompé entre 1990 et 2005 ?« Il se pratiquait surement dans la discrétion » déclare Jean-Paul Ebony.
En mars 2005, alors qu’il n’avait que 12 ans, le fils de Jean Elvis Ebang Ondo, président de l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels a été enlevé, tué et mutilé par des inconnus. Si le phénomène a connu un pic descendant dans cette période, l’inverse s’est produit en 2009 après l’arrivée aux affaires du régime émergent.
Où en est-on aujourd’hui ?
L’interrogation devrait pourtant susciter un intérêt particulier afin de mieux appréhender l’ampleur du phénomène. En l’absence de statistiques officielles, l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels (ALCR) collecte des informations sur ses crimes. Les statistiques sont éloquentes.
En 2011, 28 enfants, 20 femmes et 14 hommes ont été victimes de ces crimes « rituels ». L’année suivante, les statistiques indiquent que 23 enfants, 7 femmes et 12 hommes, ont péri L’année dernière, 14 enfants, 15 femmes et 11 hommes ont subi le même sort. Entre 2013 et 2015, 27 avis de recherches ont été émis sur l’ensemble du territoire national.
Faisant allusion aux responsables de la Commission Nationale des droits de l'Homme et de l’Observatoire Nationale des droits de l'Enfant, Jean Elvis Ebang Ondo, Président de l’ALCR a déclaré, lors de sa rencontre avec la presse, le jeudi 3 mars dernier, « les animateurs de ces structures ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. Lorsqu’une haute personnalité défend une cause à laquelle il doit lutter, il y a une contradiction. C’est un peu regrettable ! Si le phénomène persiste, c’est parce que nous n’avons pas de partenaires crédibles et responsables. Ceux qui doivent travailler dans le sens à laquelle la société gabonaise s’attend, ne le font pas ».
Mais comment éradiquer les crimes dits ‘’rituels " ou de sang lorsque les hommes censés accompagner cette démarche sont à la fois ceux qui défendent les commanditaires et les exécutants ? L’adoption par le gouvernement du nouveau Code pénal, assez répressif contre ceux qui sont à l’origine des crimes rituels et crimes de sang et la marche organisée par Sylvia Bongo le 11 mai 2013, est-ce une farce de mauvais goût d’un régime inique ?
Avec l’arrestation et la mise en détention préventive d’un sénateur il ya quelques années, l’on comprend aisément que les organes prélevés lors des crimes ‘’rituels’’ sont destinés à l’usage des politiciens et autres hommes du ‘’Pouvoir’’ ayant des ambitions démesurées. La pratique fétichiste est très répandue parmi eux. 11 ans après, le plaidoyer de l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels (ALCR) porte des fruits. L’on a observé quelques avancées dont, la loi de l’omerta, désormais brisée dans notre pays, l’église catholique du Gabon qui a consacré la journée du 28 décembre de chaque année, pour célébrer la mémoire de tous ceux qui ont été enlevés, assassinés et mutilés.
La reprise des sessions criminelle après 10 ans, le partenariat entre ALCR et le Gouvernement qui a mis en place la Commission Nationale des Droitsde l’Homme et l’Observatoire Nationale des Droits de l’Enfant. En cette période sensible où les hommes politiques de tous bords sont invités à concourir à une élection, les familles se doivent d’être vigilantes.