Qu’il s’agisse de ceux constituant la galaxie présidentielle ou de ceux de l’opposition, les partis politiques au Gabon résistent mal à la tentation de l’ethnicité. On y milite, non pas parce qu’on partage forcement l’idéologie, mais simplement parce qu’il s’agit du parti d’un fils de la région, ou de la même ethnie. Militantisme identitaire.
De l’opposition à la majorité, soit cinquante six (56) partis au total, les appareils politiques échappent difficilement au diktat de l’ethnocentrisme et du régionalisme. Et ce même si on peut relever quelques cellules de militants balkanisées ça et là à travers quelques grandes villes du pays. Mais la tendance identitaire semble fortement ancrée dans la culture du militantisme politique au Gabon.
De l’Union du peuple gabonais (UPG), souvent définie comme parti des Bapunu, d’ailleurs la tendance semble le confirmer avec toutes les quatre factions dissidentes, qui s’étripent pour le contrôle du parti (factions toutes constituées uniquement de Punu), au Parti social démocrate (PSD), qui lui aussi échappe difficilement à la règle, le constat est presque le même. Ici, le gros des militants semble être constitué des Punu au Sud-ouest du pays, notamment dans les provinces de la Ngounié et de la Nyanga.
Situation presque identique avec l’Union nationale (UN), bien que la dénomination renvoie à l’unité de la nation, la majorité des militants étant constitué de Fangs du nord et dans une moindre mesure du centre du pays. En particulier dans les provinces du Woleu Ntem, Estuaire, Ogooué Ivindo, foyers de concentration des compatriotes fangs.
Le Centre des libéraux réformateur (CLR), lui non plus n’échappe à la donne. Même si son fondateur, Jean Boniface Asselé, natif d’Akieni peut se targuer de siéger à la mairie de Libreville avec quelques conseillers.Ce sont plutôt les Batéké qui tiennent le haut du pavé dans le Haut-Ogooué, au Sud-est du pays.
Même chose pour le Parti démocratique gabonais (PDG). Bien qu’ayant son implantation dans presque tout le pays, le PDG est à la base un parti de Batéké et de Ndzébi au sud-est, dans les provinces du Haut-Ogooué et de L’Ogooué Lolo. Parce que tout simplement crée par Omar Bongo à Koulamotou. D’ailleurs la composition des provinces Haut-Ogooué-Lolo illustre bien cette collusion « identitaire » dans leur dévouement pour le parti. Et son enracinement au plan national pourrait s’expliquer par son maintien prolongé au pouvoir, et donc à l’opportunisme des uns et des autres à s’arc-bouter aux privilèges sous le paravent militantiste. Militantisme de privilèges.
C’est donc comprendre que globalement les partis politiques, en tant qu’instruments de conquête de pouvoir dans notre pays, restent fortement imprégnés des tendances d’ethnicité et de provincialisme. Militantisme identitaire, démocratie de l’ethnicité.
Une démocratie inflammable ?
Le vote identitaire. Voilà la caractéristique de plus en plus prégnante de l’élection présidentielle au Gabon. La conséquence manifeste du militantisme identitaire à l’échelle des partis politiques. Et le clivage de 2009, preuve flagrante du vote ethnique dans notre pays est un souvenir qui reste encore vivace dans les esprits. Un vote de la manipulation érigé en stratégie de campagne par certains politiques, jouant sur les fibres aussi sensibles que celles du régionalisme et de l’ethnicisme pour la conquête du pouvoir. Ce qui rend volatiles les notions d’unité nationale et de cohésion sociale, tant clamées à tord et travers, mais qui ne tardent pas à voler en éclat à la moindre élection présidentielle. Ce qui d’ailleurs donne raison à tous ceux qui pensent que l’élection présidentielle au Gabon est un facteur de risque d’embrasement du pays. Et qu’il suffit d’une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres du régionalisme en sommeil. Démocratie inflammable.