Il faudra batailler dur pour conquérir les cœurs des habitants de la capitale économique, une ville quasi-sinistrée.
Pendant son séjour dans la province de l’Ogooué-Maritime, le président de la République a pu se faire une idée du vécu quotidien des populations dans la cité pétrolière. Si des chantiers, à l’instar des logements sociaux, ont été lancés, leur évolution se fait à pas de tortue du fait d’un manque de financements.
Le chantier du stade devant accueillir la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2017 de football avance à pas de géant. On parle de financements chinois et d’une main d’œuvre chinoise, qui travaille jusqu’à des heures indues. Il en va de même pour le chantier du pont Port-Gentil-Omboué, également financé en partie par la Chine. Pour le reste, la ville de Port-Gentil affiche un tableau sombre. Elle serait, selon ses habitants, la ville la plus touchée par le chômage. L’on indique que les sociétés pétrolières, qui faisaient tourner l’économie locale, fonctionnent désormais à mi- régime, licenciant à tour de bras. La crise, consécutive à la chute du cours international du pétrole, frappe donc de plein fouet Port-Gentil. Les voiries de la cité économique sont toutes défoncées, de même que sont engorgés les canaux permettant l’écoulement des eaux usées. Ce qui cause régulièrement de graves inondations.
Aujourd’hui, Port-Gentil vit au rythme des victimes de la vaste escroquerie de B.R. Sarl, cette entreprise de micro-finance qui a floué plus de 6 000 personnes. A Port-Gentil, on parle en milliards de francs. «Rien n’est fait pour aider ces gens qui ont tout perdu», entend-on régulièrement. Surtout que les personnes flouées passent désormais leurs journées sur le site abandonné par cette entreprise. De temps à autres, elles organisent des marches dans la ville pour se rappeler au bon souvenir des pouvoirs publics. «J’ai perdu 11 millions de francs dans cette affaire et personne ne nous dit rien», tempêtait une commerçante de Grand-village, qui n’a plus les moyens de rembourser ses crédits, de poursuivre ses affaires et de s’occuper de sa famille.
Après la marche organisée pour l’acceuil du président de la République, les tee-shirts à l’effigie d’Ali Bongo ont été jetés le long des artères de la ville. Une façon de protester contre les organisateurs, qui avaient promis des sommes d’argent dont les montants pouvaient aller de 5 000 à 50 000 francs par tête de pipe, sans pouvoir réaliser.
En tous les cas, les Portgentillais semblent ne pas être emballés par la politique. Du coup, la bataille s’y annonce rude. Si Jean Ping semble y avoir les faveurs des pronostics, il est davantage considéré «comme le moindre mal». «Lui aussi, il a été aux affaires pendant longtemps non ? Il a fait quoi pour Port-Gentil et même pour Omboué», a lancé un client de B.R. Sarl. «Mais on le préfère à Ali Bongo», a tranché un habitant du quartier La Balise. «Regardez comment Port-Gentil est devenue : les gens souffrent, il n’y a plus de travail. Qu’est-ce qui s’est passé ces six dernières années ?», s’est-il interrogé.
Réputée frondeuse, Port-Gentil risque de donner le tournis aux hommes politiques pendant la prochaine présidentielle. Un vrai casse-tête…