Déjà surendettés du fait des efforts de parution fournis jusqu’à ce mois de février 2016, de nombreux médias écrits pourraient disparaître des kiosques, privés de moyens d’impression.
Mise en place par arrêté du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, pris le 22 janvier 2016, la commission de répartition du soutien à la presse siège depuis le 12 février 2015 pour identifier les journaux éligibles. Au vu des critères établis par ledit texte, publié au journal officiel, sauf indulgence de dernière minute, très peu de médias écrits accèderont à la subvention de l’année 2015.
Les travaux de la commission remettront leur rapport au ministre Bilié-By-Nzé d’ici fin février. Il lui reviendra de décider en dernier ressort. Mais, de sources proches de cette commission, peu ou presque aucun média écrit ne remplit les 14 critères exigés.
Ces critères vont de la production juridique de l’organe de presse à la publication du bilan annuel, conformément à la loi portant Code de la Communication de 2001. On y relève la présentation des quittances d’impôts, la déclaration du personnel à la CNSS ou encore la prise en compte des sanctions prononcées par le CNC.
Pour le ministre de la Communication, l’Etat doit appliquer la loi et dans toute sa rigueur. Il assujettit, par ailleurs, l’accès à cette subvention, à la demande préalable des postulants. Le fait de ne pas solliciter cette aide signifiant que l’organe de presse n’en éprouve aucune nécessité.
Ces critères, qui figurent dans l’arrêté n°00014/MCPPG/SG/DGCOM/DR du 22 janvier 2016 fixant les modalités et conditions d’éligibilité à la subvention de soutien à la presse écrite exercice 2015, de source proche de la commission, seraient tous exclusifs. Ce qui voudrait dire que le manquement à l’un quelconque d’entre eux exclut automatiquement le média de la subvention.
Les responsables des sociétés d’édition de presse gabonaises sont si remontés par rapport aux exigences du ministre qu’au moment du démarrage des travaux, quatre dossiers seulement étaient enregistrés. Ce nombre s’est accru du fait des actions de communication initiées par la tutelle, notamment l’envoi par mail d’une copie de l’arrêté à ceux dont les adresses sont disponibles. Mais beaucoup effectuent la démarche sans être certains de quoi que ce soit, assurés qu’ils ne rempliront pas les critères concernant, par exemple, le fait d’être à jour au niveau des impôts ou d’avoir fait la déclaration de son personnel auprès de la CNSS. Un éditeur affirme même qu’il aurait été content qu’on prélève une partie de ce soutien, pour la verser au fisc ou pour payer la redevance au CNC.
Cette position a été exprimée, il y a quelques jours au Premier ministre, chez qui les éditeurs, humant le danger, sont allés se plaindre. Dans la même logique, les responsables des journaux et agences en lignes se sont, eux aussi, mis dans la danse, parce que totalement exclus cette année de la subvention. Bilié-By-Nzé est resté inflexible : la loi 12/2001 portant Code de la Communication ne prend pas en compte cette catégorie d’acteurs, on ne peut donc leur distribuer l’argent du contribuable. Une interprétation qui marque un recul par rapport à la réflexion de son administration, ainsi que de ses prédécesseurs, qui estiment que c’est la loi qui est en retard sur l’évolution du secteur. Même, ils sont convaincus que la notion de presse écrite méritait un élargissement du sens, parce que les agences et journaux publiant sur Internet sont des médias écrits. Aujourd’hui, il serait plus logique de parler de presse écrite papier et de presse écrite en ligne.
Pour le reste, la subvention de soutien à la presse écrite, chiffrée en 2015 à près de 390 millions de francs CFA, en deçà des 500 millions d’antan, précède la mise en place effective du Fonds national de développement de la presse et de l’audiovisuel. Toutes dispositions qui procèdent de l’engagement de l’Etat gabonais à soutenir la démocratie, plus qu’à aider la presse. De l’expression démocratique consignée dans la Constitution, comme dans loi n°12/2001 portant Code de la Communication, en vigueur, découle le pluralisme des médias. L’Objectif étant de mettre à la disposition des citoyens tous les moyens nécessaires à une expression libre. Que recherche donc le ministre de la Communication qui ne tient pas compte des diverses jurisprudences établies et accumulées par ses prédécesseurs ? En cette année électorale ne risque-t-il pas de se mettre la presse écrite à dos et par ricochet la rendre hostile à l’action gouvernementale ?