Les relations entre la République ougandaise et la Banque mondiale sont loin d’être au beau fixe ces derniers jours. Et pour cause : le durcissement de la loi anti-homosexuels par le Président Yoweri Museveni, la semaine dernière, alors que le pays reste fortement dépendant de l’aide internationale.
En durcissant la loi anti-gay, le Président de la République ougandaise a attiré contre son pays la colère de la communauté internationale et celles des institutions financières qui l’accompagnaient depuis de nombreuses années dans son combat pour sortir de la pauvreté dans laquelle des millions de ses concitoyens croupissent. En effet, bien que faisant déjà l’objet de quelques réprimandes voire d’un certain nombre d’avertissements, Yoweri Museveni a promulgué, lundi 24 février 2014, une loi qui rend passibles de la prison à perpétuité des faits dits d’«homosexualité grave» en Ouganda. Un texte de loi fortement controversé par plusieurs leaders des pays occidentaux qui évoquent en outre la non-dénonciation de relations homosexuelles comme un «crime» passible de condamnation.
Toute chose qui a fortement déplu à certains pays tels que le Pays-Bas, le Danemark, la Suède et la Norvège qui, dès l’annonce de la nouvelle loi, ont tenu à manifester leur mécontentement en annonçant le gel d’une partie de leur aide bilatérale. De leur côté, les Etats-Unis, dont l’aide annuelle pour l’Ouganda est estimée à 400 millions de dollars, ont dit souhaiter réexaminer leurs relations avec Kampala. Mercredi 26 février dernier, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a d’ailleurs comparé cette loi anti-gay à celles en vigueur en Allemagne sous la domination nazie, quand, selon le site du journal Le Monde, certains sénateurs américains ont, eux, menacé de réduire leur aide au pays qui devrait atteindre 456 millions de dollars (333 millions d’euros) en 2014.
Pis, la Banque mondiale, sans qu’on n’y comprenne grand-chose dans cette volonté de dynamiter le principe de neutralité prôné par cette institution financière, a décidé de revoir les termes de leur coopération. En effet, jeudi 27 février, l’institution a reporté sine die le versement d’un prêt de 90 millions de dollars promis à l’Ouganda, ainsi que l’a annoncé un porte-parole de l’institution. «Nous avons reporté le projet pour mener de nouvelles consultations et s’assurer que ses objectifs de développement ne seront pas négativement affectés par l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi», a déclaré ce porte-parole dans un courriel relayé par Le Monde. Une position qui pose tout de même la question de l’immixtion d’une institution de ce genre dans les affaires et les choix d’un Etat indépendant et plus ou moins autonome. La Banque mondiale voudrait-elle tenir l’Ouganda en laisse pour l’aide qu’il souhaite recevoir d’elle ? Qu’à cela ne tienne, pour des observateurs, l’attitude de la BM laisse présager que d’autres pays du continent pourraient se retrouver dans la même situation pour avoir fait des choix contraires à «l’éthique» de l’institution financière internationale.
Pour sa part, l’Ouganda a réagi en fin de semaine dernière, en assurant que l’Occident pouvait «garder son aide» et que le pays pourrait «continuer à se développer» sans son soutien. Pour Drissa Traoré, le Vice-président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), les pressions étrangères sont «contre productives» et ne feront que grandir la suspicion et la colère d’autres pays africains ouvertement contre l’homosexualité. Toutefois, indique-t-on, la Banque mondiale continue de collaborer sur certains projets avec l’Ouganda, rappelant que le prêt, qui devait être approuvé jeudi dernier, consistait en l’amélioration du système de santé de ce pays considéré comme l’un des plus pauvres du monde.