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Au Gabon, l’Etat veut reprendre en main l’exploitation artisanale de l’or
Publié le mercredi 17 fevrier 2016   |  AFP


Exploitation
© Autre presse par DR (Photo d`archive)
Exploitation artisanale de l`or


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Profond de quatre mètres, le trou a été creusé à la force du poignet comme des dizaines d’autres alentour. Sous les coups de pelles des chercheurs d’or, une clairière défigurée évoque un morceau de gruyère en plein coeur de la forêt équatoriale gabonaise.

L’Etat gabonais veut reprendre en main l’activité aurifère échappant à son contrôle en obligeant les orpailleurs artisanaux à lui vendre leur production. Mais cet interventionnisme tombe mal, alors que le minerai se fait rare et qu’arrivent de nouveaux concurrents chinois.

Au pied des monts Belinga (nord-est du Gabon), dans l’une des régions les plus sauvages de l’Afrique centrale, les hommes travaillent sans relâche du point du jour à la tombée de la nuit. En sueur, ils soulèvent le sable aurifère, le chargent sur des brouettes et l’expédient dans de larges batées.

"On vient le matin à 7h, on finit à 18h (...) La production n’est pas aussi bonne que ça", explique Aboubakar Coulibaly, Malien aux bras robustes qui transporte jusqu’à 200 brouettes par jour. Les bons jours, son équipe récolte 9 à 10 grammes d’or.

Ces journées harassantes sont rythmées par le roulement monotone des moto-pompes chargées de rendre le sable à la rivière, une fois les fameuses paillettes récupérées. Quand ce ne sont pas les arbres qui obstruent le passage, il n’est pas rare de tomber sur des serpents.

Çà et là, on entend le souffle rauque d’un orpailleur. "On n’a pas le choix, c’est pénible mais on fait avec", explique William M’bouma, un Gabonais de 31 ans revenu dans son village natal après avoir tenté en vain sa chance dans la capitale.

A Libreville comme en province, "il n’y a pas de société qui peut former ou embaucher des jeunes. Pour ne pas rester sans rien faire, on est obligé de trouver des occupations, comme l’orpaillage", explique cet homme qui emploie 5 ou 6 journaliers payés 10.000 francs CFA (15 euros).

Alors que le Gabon tire l’essentiel de ses revenus de l’exploitation du pétrole, le chômage frappe plus de 30% des jeunes et beaucoup finissent dans le secteur informel comme l’orpaillage artisanal.

- ’Une question de survie’ -

Dénonçant une situation "anarchique", l’Etat a lancé en 2014 un système de collecte pour acheter leur production aux petits exploitants.

L’objectif: avoir "une meilleure visibilité et un meilleur contrôle de l’activité", explique Wesbert Moussounda, le directeur du Comptoir Gabonais de Collecte de l’Or (CGCO), une filiale de la Société équatoriale des mines (SEM).

Six comptoirs ont ainsi été créés dans le pays, que parcourent les collecteurs jusque sur les sites les plus difficiles d’accès, comme celui du camp 6, à près de trois heures de piste escarpée de la ville.

En 2015, le Comptoir a collecté 55 kg d’or. Un bilan modeste, alors que l’orpaillage fait travailler environ 10.000 personnes dans le pays, selon l’ONG World Wildlife Fund (WWF) Gabon.

L’encadrement de l’Etat va "améliorer les conditions de vie de nos compatriotes", avec à terme le développement de "petites mines mieux organisées et semi-automatisées", assure M. Moussounda.

Mais les orpailleurs obligés de revendre leur production à l’Etat se disent perdants: "Avant on était à 20.000 francs le gramme mais maintenant, depuis qu’ils sont là, ça descend à 17.000", déplore le chef de village du camp 6, Simon Pierre Matamaya.

Pourtant, les orpailleurs n’ont pas le choix. "Ce n’est pas un business, c’est une question de survie", explique un vieillard en montrant les habitations en planches de fortune du camp. Sans eau, ni électricité, les familles dorment à même le sol en terre.

Le contexte n’est cependant pas très porteur. L’or, dont l’exploitation a commencé dans les années 40 à l’époque coloniale, se fait rare et les Gabonais travaillent aujourd’hui sur des sites "de repasse". Pour trouver un seul gramme, "tu peux même y passer toute une journée", se plaint André Raponda.

- L’arrivée des Chinois -

Les Français sont partis depuis longtemps. Mais il y a quelques mois, des pelleteuses ont fait irruption pour défricher de nouveaux pans de forêt. La SEM, qui espère découvrir de nouvelles réserves aurifères, a signé un partenariat avec une société chinoise, Myanning, pour prospecter dans la zone.

Si l’orpaillage reste essentiellement artisanal, le Gabon possède de nombreuses richesses minières non exploitées (manganèse, fer, uranium, diamants...) qui attirent de plus en plus de sociétés chinoises, surtout présentes pour l’instant dans l’exploitation du pétrole, du bois, et dans le BTP.

Le projet d’exploitation dans les monts Belinga d’un des plus gros gisements de fer au monde, estimé à plus d’un milliard de tonnes, a ainsi été confié au groupe China Machinery Engineering Corporation (CMEC), même s’il est resté au point mort depuis 2008.

L’Etat gabonais vient par ailleurs d’annoncer, au titre de la coopération sino-gabonaise, l’octroi d’un prêt de 60 milliards de FCFA par la banque chinoise Eximbank, pour la construction de trois centres de formation professionnelle au Gabon.

La société Myanning est censée embaucher des orpailleurs locaux. Mais au camp 6, beaucoup se disent sceptiques. "Depuis qu’ils sont là, (...) on ne sait pas trop ce qu’ils font, confie un orpailleur. Qui nous dit qu’ils ne vont pas prendre l’or et s’en aller ?"

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