Prédicateurs des taxis ! C’est sous cette nouvelle appellation qu’on désigne désormais tous les prêcheurs de la parole de Dieu, avec des messages aussi imprécatoires qu’évangéliques qui professent leur foi dans les transports en commun. Un phénomène gagnant du terrain ! Seulement, la pratique indispose bon nombre d’usagers de ces transports en commun.
Il est exactement 10 heures du matin. Nous sommes au carrefour SNI en cette matinée ensoleillée du mardi 2 février 2016, dans la commune d’Owendo. Comme d’habitude, le mouvement des piétons et des véhicules qui traversent la route, conjuguée aux sonorités des buvettes et autres vendeurs de CD produisent un effet bruyant, qui donne une certaine ambiance au milieu. Nathalie, commerçante, estime que prêcher à bord d’un bus : « est une façon d’évangéliser les autres. Car Dieu lui-même a demandé à chaque chrétien de prêcher sa parole aux autres en tout lieu ». Point de vue que partage également Jacques, un autre chrétien attendant un taxi. « Tous ceux qui prêchent à bord des taxis ne le font pas parce qu’ils veulent se faire voir. Ils ne font que respecter l’ordre que le Seigneur nous a donné, notamment dans le livre de Mathieu au chapitre 28, versets 19 à 20, lorsqu’il a demandé à ses disciples d’aller répandre partout la bonne nouvelle, en faisant de toutes les nations des disciples, et en leur enseignant les voies du salut », clame Jacques, tout fier.
Une question qui fait polémique
Si pour les uns, les prédicateurs des taxis ne font rien d’autre qu’obéir aux recommandations de Jésus Christ, qui a enjoint ses disciples à aller partout dans le monde dire sa parole salvatrice, il reste que pour d’autres, notamment les païens et même certains croyants, ce prêche, n’est rien d’autre qu’une fanfaronnade, une indisposition sans gêne des autres passagers, surtout si l’on considère la tonalité avec laquelle elle est proférée.
C’est d’ailleurs ce que pense Flavie, lorsqu’elle parle de « gêner les autres ».Pour Flavie, « même si l’évangélisation à l’intérieur des bus répond au besoin d’annoncer le message de Dieu aux autres, qui ne le connaissent pas, il y a aussi certains frères et sœurs qui abusent. Surtout lorsqu’ils se mettent à crier comme s’ils étaient en transe, parfois en postillonnant sur les autres passagers, comme s’il n’y avait pas une autre façon de parler de Dieu aux autres ». Ainsi s’insurge Flavie, avant de rajouter : « moi par exemple je suis chrétienne, mais je me vois mal en train de prêcher en criant comme ça dans un bus comme si c’était ma maison ». Point de vue également soutenu par Martin, chauffeur de taxi. Martin, lui, contrairement à Flavie n’est pas chrétien. Il lui arrive de transporter des prédicateurs de taxis. « Ce sont des gens parfois calmes au départ, assis dans un coin comme tous les autres passagers. Mais une fois que le bus démarre c’est là qu’ils commencent leur délire. Parfois je confonds leur évangile à une demande d’arrêt d’un client. Il m’est arrivé de m’arrêter comme ça, plusieurs fois en route. Mais on fait avec puisque ce sont des clients comme les autres et même quand ils montent dans ton taxi tu ne peux pas savoir que ce sont des pasteurs qui vont vous crier le message de Dieu en route », avoue Martin au volant de son bus.
Le phénomène des prédicateurs des taxis gagne chaque jour des dimensions de plus en plus importantes et il est temps que le zèle de la foi prenne la mesure de l’indisposition et de la gêne des autres passagers à bord, afin de concilier vulgarisation de la parole de Dieu et prise en compte du respect des autres occupants du taxi. Car la foi c’est aussi l’amour du prochain, et l’amour du prochain c’est aussi le respect qui lui est dû.