Sous le coup des décisions du Conseil national de la Communication (CNC), l’hebdomadaire La Griffe a disparu des kiosques et Sikka TV du bouquet Satcon. Ce qui relance le débat sur la liberté d’expression, l’étendu du pouvoir de l’institution et son inclination à fermer des espaces de libertés, certains espaces de liberté.
e milieu politico-médiatique vient de passer des jours passablement agités. Entre la mise en cause de la sincérité de la présidentielle de 2009 par le Premier ministre français, la plainte déposée au tribunal de Nantes au sujet de l’acte de naissance du président de la République, les propos de deux journalistes Béninois qualifiant le président de la République de «guignol» sur la chaine de télévision Sikka TV, la réplique «démesurée» de La Griffe à Léon Paul Ngoulakia… il y a du grain à moudre et matière à réflexion. Dans ce brouhaha médiatique, le plus remarquable a été le fait que le Conseil national de la communication (CNC) ait demandé le retrait de Sikka TV des bouquets diffusés au Gabon et la suspension de l’hebdomadaire La Griffe pour une durée d’un mois.
Si les écrits de La Griffe sont blâmables, on peut toujours se demander s’il n’y a pas d’autres sanctions possibles. Car, cette tendance du CNC à suspendre très souvent lorsqu’il y a «dérive» interpelle plus d’un dans la corporation des journalistes et même dans l’opinion publique. Elle donne d’ailleurs raison à Reporter sans frontière (RSF) qui place le Gabon parmi les pays comptant des «prédateurs contre les médias». En 2015, l’organisation de lutte pour «la liberté de l’information» plaçait en effet le Gabon au 95ème rang de son classement mondial de la liberté de la presse, sur 180 pays évalués. Pour RSF, «les peines doivent être proportionnées et il ne devrait jamais y avoir de peines privatives de liberté pour des délits commis par voie de presse». Par extension, pourrait-on dire, la fermeture, même d’un mois, du satirique La Griffe est résolument une privation de la liberté d’informer. Certes, ainsi que l’estiment certains, cette coercition vise à amener les journalistes à la mesure et à la retenue, mais d’autres y voient une incitation à l’abstention voire à l’autocensure.
Si la chaine Sikka TV est toujours visible sur le bouquet Canal, elle n’en a pas moins disparu du package de Satcon, l’un des opérateurs locaux de distribution des chaînes en TNT. On pourrait donc penser qu’ici l’injonction du CNC a été suivie et que les distributeurs locaux des bouquets Canal en ont fait fi ou alors que les choses se décident ailleurs, loin de l’influence gabonaise du CNC. Ce qui amène à d’autres interrogations : pourquoi le CNC ne s’en est-il jamais pris à France 24, RFI, Youtube ou Dailymotion qui ont de tout temps diffusé ou relayé des propos fâcheux sur le Gabon et sa classe politique. Dailymotion a d’ailleurs mis en ligne tous les débats, les plus farfelus compris, sur l’état-civil du président de la République. Et pourquoi donc le CNC n’a-t-il jamais demandé à Sogapresse, le distributeur local de la presse imprimée, de suspendre les journaux étrangers iconoclastes, importuns ou injurieux pour ce qui concerne le traitement de l’information sur le Gabon ? Le pouvoir du CNC ne s’étend-il donc pas sur tous les médias publiés ou diffusés sur le territoire gabonais ? Pourquoi les éditeurs locaux doivent-ils toujours être les seuls à trinquer ? Liberté de la presse. Vous avez dit, liberté de la presse ?