Derrière le récent appel lancé à Ali Bongo par les membres de «Héritage et modernité», certains voient une remise en cause de la qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature accolée au président de la République.
Qu’on se le dise : l’«affaire Mabiala» est incontestablement un des multiples flops du régime, au regard des vives critiques qu’elle suscite. Surtout que de sérieux soupçons pèsent désormais sur l’implication du président de la République dans certaines affaires judicaires mettant en cause des personnes pas toujours en phase avec sa conduite des affaires publiques. Dans les rangs du Parti démocratique gabonais (PDG), l’on s’en est vite rendu compte, au point que le discours s’y fait de plus en plus tranché. «Si Serge Maurice Mabiala est en prison depuis près de quatre mois sans qu’aucune instruction des autorités du pays n’ait été donnée en faveur du lancement d’une procédure conforme aux règles, c’est que le président de la République y est pour quelque chose. La conduite calamiteuse de cette affaire laisse d’ailleurs penser que c’est pour faire un exemple à l’endroit des insoumis de «Héritage et modernité» qu’il souhaite que l’ancien ministre de la Fonction publique continue d’être détenu, alors même que la légèreté des accusations, et la vacuité du dossier, qui le visent ne font plus aucun doute. Dans cette affaire, comme dans d’autres, Ali Bongo est juge et partie», estime un élu du PDG, sous couvert de l’anonymat.
Pour les membres du groupe «Héritage et modernité», notamment Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et Michel Mboumi, qui ont récemment réitéré leur volonté de parvenir un véritable Etat de droit, une réflexion s’impose à propos d’une séparation «nette» des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Selon ces élus PDG, cette réflexion devrait conduire à reconsidérer la qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature, ses pouvoirs et leurs limites. «Vaudrait-il mieux retirer au président de la République son statut de président du Conseil supérieur de la magistrature pour qu’enfin la justice soit véritablement libre au Gabon ?», s’interrogent-ils. Si cette question se pose de plus en plus, c’est parce que, plus que jamais, la supposée partialité du président de la République entache le fonctionnement de la justice. Plutôt que de jouer son rôle de «garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire», ainsi que stipulé dans l’article 68 de la Constitution, Ali Bongo donne l’impression de faire de la justice une «arme» contre ses adversaires. Or, «les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi», rappelle la loi fondamentale. Est-il besoin de rappeler que le président du Conseil supérieur de la magistrature est simplement chargé de veiller à la bonne administration de la justice, sans chercher à la contrôler ? Est-il besoin de rappeler qu’il n’a, en l’espèce, d’autorité que dans les nominations, les affectations, les avancements et la discipline des magistrats qui, in fine, ne sont pas tenus d’exercer selon son bon vouloir ? Pour certains, la solution au problème serait la suppression du Conseil supérieur de la magistrature. Et le récent appel d’un groupe de députés du PDG, en vue de l’intervention du président de la République pour la libération de l’ancien ministre la Fonction publique dit tout du message implicite porté par ces parlementaires. Gageons qu’il soit passé.