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Jean Ping candidat unique : Gare à l’effet boomerang
Publié le lundi 18 janvier 2016   |  Gabon Review


Jean
© Autre presse par DR
Jean Ping sillonne les quartiers de Libreville


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L’ancien président de la commission de l’Union africaine s’est frayé un chemin par sa prodigalité, son réseau relationnel supposé, une présomption de compétence et surtout, sa pugnacité. Mais, il pourrait très bientôt mesurer les dégâts des conditions de sa désignation comme candidat unique par une partie du Front de l’opposition pour l’alternance.

Réussite et déconvenue ont généralement les mêmes ingrédients. Malin comme un singe, Omar Bongo Ondimba sombra progressivement dans la malice. Au fil du temps, le président de la République fit place au président du PDG, le chef de l’Etat abdiqua devant le chef de clan et l’homme d’Etat se mua en homme politique. Tribun hors pairs, homme de réseaux, Paul Mba Abessole se laissa endormir par sa propre logorrhée, avant de se perdre dans les méandres des arrangements d’arrière-boutique. Réputé sagace et rigoureux, Pierre Mamboundou finit pas devenir aérien, suffisant et psychorigide, au point de ne pas anticiper le phénomène Mba Obame. Comptant sur son important carnet d’adresses, Casimir Oyé Mba se laissa ensuite influencer par ses amis et soutiens. Mal canalisé, un atout peut très vite devenir une faiblesse, au point de transformer les opportunités éventuelles en menaces.

L’unité se nourrit de la confiance

Jusque-là, Jean Ping a pu se frayer un chemin par sa prodigalité, son réseau relationnel supposé, une présomption de compétence et surtout, sa pugnacité. Mais, face à un régime corrupteur, la prodigalité ne doit pas virer en clientélisme. Face à un pouvoir né des liaisons incestueuses de la françafrique, le carnet d’adresses doit s’accompagner d’un réseautage politique national. Face à des dilettantes bénéficiant du soutien des institutions, la présomption de compétence doit se traduire par un alliage de savoir, savoir-faire et savoir-être. Face à une majorité assise sur la connivence institutionnelle et le soutien des forces de défense, la pugnacité ne doit pas virer à l’agressivité. Deux ans après son ralliement à l’opposition, l’ancien président de la commission de l’Union africaine pourrait bien l’apprendre à ses dépens. Si rien n’est fait, il risque de se retrouver esseulé. Membre-fondateur du Front de l’opposition pour l’alternance, il a cru devoir vaincre ses pairs au lieu de les convaincre, s’imposer au lieu d’en imposer, au point de se faire désigner candidat unique dans des conditions surréalistes.

Bien que contestée et contestable politiquement ou tactiquement, la candidature unique de l’opposition est une requête populaire. Seulement, l’unité se nourrit de la confiance, la confiance se manifeste à travers la loyauté et la loyauté se vivifie dans l’unité. De cela, Jean Ping n’a pas toujours tenu compte. Confondant rapport de force et épreuve de force, assimilant courage et témérité, il a trop souvent donné le sentiment de foncer tel un bulldozer, de faire fi des convenances, quitte à blesser ou outrager ses pairs. Là où il fallait faire preuve d’humilité, il a affiché une excessive assurance. Quand la finesse était requise, il a versé dans la brutalité. En lieu et place de la stratégie, il a misé sur la tactique. Naturellement, la sanction ne s’est pas fait attendre : sa récente désignation comme candidat unique est moquée par une bonne partie de l’opinion et le Front de l’opposition pour l’alternance est aujourd’hui scindé en deux.

Spécificités du Front et du régime électoral

La situation de Jean Ping tient à la fois du péché d’orgueil et d’un malentendu. Contrairement à une idée reçue, son apparent succès pourrait ne pas traduire une dynamique de fond mais juste un effet de surprise. Partout à travers le monde des candidats promis à la victoire près d’une année avant ont eu la désagréable surprise de voir le soufflé retomber. Edouard Balladur et Lionel Jospin en France, Casimir Oyé Mba au Gabon, peuvent en dire davantage. Jadis présenté comme un diplomate éloigné du peuple et pingre à souhait, l’ancien président de la commission de l’Union africaine se présente sous un jour différent. Se parant des atours du citoyen lambda, il se montre prodigue et généreux, affichant une simplicité déroutante. Tout cela semble plaire. Est-on pour autant en face d’une adhésion ? Est-ce suffisant pour gagner une élection ? Est-ce de nature à permettre une prise du pouvoir ? Doit-on, en conséquence, faire l’impasse sur les spécificités du Front de l’opposition pour l’alternance et du régime électoral ? Voire…

En réalité, une analyse froide du contexte politique, juridique et institutionnel est de nature à nourrir quelques réserves. Nonobstant les approximations des uns, mensonges des autres et demi-vérités de certains, le régime électoral national fait la part belle aux partis politiques. Or, Jean Ping est une personnalité indépendante. Pis, le Front de l’opposition pour l’alternance n’est pas un regroupement de partis, encore moins un parti politique. Au-delà, il ne bénéficie nullement de la reconnaissance juridique et administrative, contrairement à l’Union des forces pour l’alternance (UFA) ou l’Union des forces du changement (UFC). Ses décisions n’ont, en conséquence, aucune valeur juridique. Elles sont purement politiques. Mieux, elles reposent sur la confiance mutuelle. Elles puisent leur opposabilité dans l’autorité des signataires. Comment, dès lors, se passer des partis ? Comment prétendre faire sans les personnalités les plus représentatives ou les plus influentes ? Pourquoi camper sur une théorie du nombre ? Au risque de déplaire, un accord engageant la totalité du directoire de l’Union nationale, l’ancien vice-président de la République et l’ensemble des présidents en exercice du Front de l’opposition pour l’alternance aura politiquement toujours plus de résonance et de signification qu’un autre scellé avec des personnalités dont la notoriété s’est faite grâce Front, quand elle a du mal à franchir les limites de leurs fiefs supposés.

Une stratégie en phase avec sa personnalité

Finalement, Jean Ping est victime de ses amis. Le diplomate habitué aux arrangements politiques est tombé dans le piège tendu par des soutiens peu scrupuleux, pas habitués à se conformer à la loi et toujours prompts à construire des intrigues. Il avait pourtant la ressource pour se faire adouber par ses pairs. Par pure diplomatie, il aurait dû adhérer à un parti politique. Par stratégie, il aurait gagné à faire ce qu’il sait faire : avancer à pas feutrés, sans trop se dévoiler. Malheureusement, la finesse attendue a succombé devant les conseils des adeptes de la politique politicienne dont les carrières se sont parfois construites au prix de la violence, y compris physique. Au lieu de capitaliser son image de faiseur de paix, l’ancien président de la commission de l’Union africaine doit maintenant porter celle de trublion. Pour tout dire, il n’est plus à l’abri d’un effet boomerang.

Construite pendant plus de quatre décennies, l’image du diplomate tout en finesse, du politique courtois, est en passe de se fracasser contre une ambition mal canalisée. La tonalité de son propos, le 1er février 2014, lors de l’annonce de sa rupture d’avec la majorité au pouvoir, avait déjà fait craindre un virage peu avantageux. D’autres déclarations ont laissé entrevoir un glissement vers un populisme primaire. A cet égard, la fréquentation des dissidents de l’Union nationale (UN) et la course à la captation de l’héritage politique d’André Mba Obame n’ont pas toujours été porteurs (lire par ailleurs «De la stratégie de Jean Ping : La triple faute»). La confusion entretenue avec l’Union nationale a gêné le traitement de la question de son appartenance partisane. Le désir de se poser en continuateur du regretté secrétaire exécutif de l’Union nationale l’a contraint a affiché un radicalisme à la limite de la caricature. Fatalement, les tentatives de réajustements n’ont pas eu l’effet escompté. Sans doute, une stratégie en phase avec sa personnalité, son prestigieux curriculum vitae, son histoire personnelle aurait-elle permis d’éviter le vaudeville actuelle ? On ne le saura jamais…

Pour sortir de la situation actuelle, Jean Ping le politicard doit reculer devant Jean Ping le politique. Autrement dit, le diplomate doit prendre le dessus sur le manœuvrier. Les vrais partisans du changement en rêvent. Les démocrates sincères aussi. Eux osent encore croire en une désignation consensuelle du candidat unique du Front de l’opposition pour l’alternance.

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