Ces derniers temps, le ton des syndicalistes monte au point de lasser plus d’un. Une histoire de lutte et de revendication qui ne convainc plus, tant les méthodes et le langage employés par certains ressemblent à des règlements de comptes.
S’il est vrai que syndicalisme rime quelques fois avec impertinence, il est aussi vrai qu’il n’est notifié dans aucun manuel que le syndicaliste doit user d’une impertinence à la limite de la «délinquance», pour faire passer ses revendications. C’est de bonne guerre, dira-t-on. Mais l’on sait que le syndicaliste est d’abord vu et présenté comme un facilitateur, un médiateur, le porte-parole, le rapporteur d’un groupe. En d’autres termes, celui qu’on appelle aussi le délégué syndical est l’une des interfaces entre les salariés et l’employeur. Il a pour rôle, entre autres, de faire part des revendications des salariés mais aussi de toujours tenter d’améliorer les conditions de travail. Ce qui implique que les syndicats assurent la défense collective et individuelle des intérêts des salariés, au niveau national et à l’échelle de l’entreprise.
Si donc ces syndicalistes se livrent à des abus cela n’est-il pas finalement pour nuire aux causes défendues ? Cela dit, la pratique du syndicalisme au Gabon a de plus en plus tendance à s’éloigner de l’origine même de ce combat noble dont le but était de rétablir la dignité des classes ouvrières. Sinon comment comprendre que chaque réunion d’un groupe syndical dans le pays devienne automatiquement un lieu où les uns et les autres déversent leur bile sur ceux avec lesquels ils sont censés discuter pour rétablir les équilibres perdus ?
Des analystes répondent en relevant trois choses : l’impunité, la corruption et la politique. «Au Gabon, vous verrez qu’il y a des ministères qui n’ont de problèmes que lorsqu’ils ont de nouveaux chefs», a lancé un observateur, se demandant ce qui pouvait justifier cela. Pour lui, «la corruption vient le plus souvent à bout des téméraires et de ceux qui affichent des positions syndicales respectables dans leur ligne de revendication. Ils se retrouvent alors happés par le gain facile, au détriment de la cause commune». Il explique que parfois le groupe est démantelé par des nominations. L’autre élément relevé est la proximité avec certains patrons. Dans ce contexte, ces syndicalistes font tout pour ramer à contre-courant, amenant leurs collègues à toujours atermoyer sur leurs revendications.
Pourquoi lever ce débat aujourd’hui ? Récemment, le ministre du Commerce, des PME, de l’Artisanat, du Tourisme et du Développement des services, voulant terminer l’année en communion avec ses collaborateurs, a essuyé les «menaces» des syndicalistes de son département. Loin des convenances, ils se sont exprimés comme «dans la cour du roi Pétaud», dira un cadre de ce ministère ayant relevé que les «applaudissements nourris relevaient simplement de l’ironie et du folklore». Ces syndicalistes en sont allés dans tous les sens, jusqu’à pointer du doigt les deux ministres et en leur promettant une grève pour le 4 janvier 2016. Etait-ce une bonne manière de défendre les intérêts des salariés ? S’il est admis que les syndicalistes peuvent engager toute sorte d’action de protestation (grèves, manifestations, pétitions…), est-il dit que cela doit sortir du cadre du respect mutuel, de la convivialité, du respect même de la personne humaine ?
Cette façon de faire n’est pas le seul apanage des syndiqués du ministère du Commerce, de l’Artisanat, de PME. Elle sévit dans tous les secteurs d’activités. Loin de nous la volonté de frustrer les uns et les autres. Il s’agit ici de lever le voile sur ce que doit être la pratique du syndicalisme dans un pays comme le Gabon. Il est juste de bon aloi de revenir à des fondamentaux qui honore tout le monde. Ceci d’autant plus que les syndicats sont aussi des acteurs du dialogue social.