Dans son discours de fin d’année, Ali Bongo reconnaît les insuffisances de son action et dit son insatisfaction sur divers domaines. Le chef de l’Etat, souvent présenté par ses adversaires comme un as dans la pratique de la démagogie, semble s’être converti à la religion de la vérité, du «parler vrai» ?
La dernière fois qu’il s’était exercé au langage de vérité remonte à avril 2010. Ali Bongo avait reconnu, à ce moment-là, qu’en formant son premier gouvernement et en bouleversant la haute administration six mois plus tôt, des «erreurs de casting» avaient été commises. Depuis six ans, ses compatriotes ont quand même observé qu’après ce constat, rien n’avait changé : les erreurs de casting se répétaient encore et toujours, la tribalisation excessive de l’administration et des cabinets ministériels s’est poursuivie sous son «bienveillant regard», le choix des responsables des entreprises publiques est demeuré surprenant et n’aura mis en avant que certaines ethnies et provinces.
Le chef de l’Etat reconnaît que de nombreux domaines restent insatisfaits
Ce 31 décembre 2015, Ali Bongo, reconnaissant des insuffisances et des difficultés et faisant presque un mea culpa, a affirmé qu’il n’y a «pas de honte à tomber, mais il y a de honte à ne pas se relever». «C’est pourquoi nos difficultés ne sauraient paralyser notre action». Il a ajouté «je reste fortement insatisfait des résultats que nous avons enregistrés dans certains domaines dont le plus manifeste reste celui du logement». Et puis, un peu surprenant de la part de celui qui est aux commandes du pays depuis six ans et quatre mois et à qui ni autorité, ni pouvoir de décision n’ont manqué : «je vis comme une injustice insupportable le fait que nombre de nos compatriotes éprouvent encore des difficultés à se loger décemment» ! Déclaration d’autant plus surprenante que nombreux se demandent qui devait donc permettre à ces compatriotes, si ce n’est lui, de se loger dans des conditions décentes ?
Ensuite, dans ce dernier discours de fin d’année du septennat, le président de la République reconnaît qu’il y a encore «beaucoup à faire car la précarité et l’injustice sociale brutalisent encore de nombreux compatriotes, (beaucoup à faire) pour lutter davantage contre le chômage, la pauvreté, l’insécurité, l’impunité, la dilapidation des deniers publics, (beaucoup à faire) pour offrir un habitat digne et décent à nos compatriotes, (beaucoup à faire) pour renforcer l’Etat de droit, la justice et la démocratie».
Humilité ou reconnaissance d’un échec
Enfin, un peu surprenant aussi qu’Ali Bongo appelle les Gabonais à œuvrer tous ensemble «pour que les échéances électorales (prévues cette année) se déroulent dans les délais constitutionnels», comme si cela ne paraissait pas évident. A propos de la vie politique, le chef de l’Etat n’a pas appelé – comme on aurait pu s’y attendre – au dialogue politique, mais il reconnaît que «beaucoup reste à faire pour renforcer l’Etat de droit, la justice et la démocratie». Tout donne donc à penser que ce dialogue destiné à apaiser notre «démocrature», ce dialogue tant attendu par diverses couches du pays et par la communauté internationale ne se tiendra pas – en tout cas pas avec la bénédiction du Palais du bord de mer.
Ali Bongo a saisi l’opportunité de ce discours pour faire également quelques annonces, notamment le début imminent de la route Lébamba-Koulamoutou en assurant que le financement de ces travaux est disponible, et le chantier qui doit permettre de «relier Port-Gentil au reste du pays par la route n’est plus un rêve», car «ce chantier arrive à grands pas» entre la capitale économique et Omboué.
En espérant toutefois que, pour Ali Bongo, l’heure n’est pas aux petits calculs politiciens. Les calculs politiciens, ces cousins germains de la démagogie !