Alors qu'il a été inhumé mardi 29 décembre dans le cimetière familial, Léon Mébiame, personnalité publique par les fonctions qu’il a occupées, restera dans la mémoire collective des Gabonais, un homme foncièrement réservé, et pourtant chaleureux et convivial qui s’est fait remarquer tout au long de sa vie par ses plaisanteries de bon goût plutôt, dont l’une des plus célèbres est « je n’ai jamais gouverné !». Avec lui, disparaît une autre image du Gabon, celle du parti unique avec ses travers et ses bons côtés.
Arrivé aux affaires après avoir occupé maintes fonctions dans l’administration de son pays après les indépendances surtout, puisqu’au sortir de sa formation de commissaire de police à Brazzaville avec feu Théodore Kwaou dans les années 50 finissantes, il regagne le pays pour le servir du mieux qu’il pouvait.
Léon Mébiame Mba qui vient d'être conduit à sa dernière demeure était un homme attachant et d’abord facile qui se faisait remarquer par ses boutades qui resteront à jamais gravées dans les mémoires de ses compatriotes qui les répètent pour en rire, mais aussi pour se convaincre de leur profondeur dans un univers où l’on a souvent recours à l’allégorie, à l’usage de l’image, pour dévoiler sa pensée. Parmi les plus courantes : « Je n’ai jamais gouverné », « l’Argent n’aime pas le bruit », « Premier- ministre, moi- même » et « Il a déjà boxé qui ? » formulée lors d’une émission à la télévision nationale en réponse à une question des journalistes qui voulaient lui apprendre que le président Omar Bongo Ondimba aimait la boxe.
Après sa longue carrière politique et administrative, l’homme a également été Maire de Libreville et président de la Chambre de commerce, Léon Mébiame s’est replié sur ses affaires personnelles, d’où il n’était pas rare de le voir derrière un comptoir au restaurant « L’Hippocampe » en plein centre ville ou encore dans celui jouxtant le « petit village » à l’aéroport international « Léon Mba », l’une de ses créations selon certaines indiscrétions, prenant soin de la clientèle quelque soit sa coloration, quand il n’était pas carrément reclus chez lui, s’adonnant à des travaux champêtres comme ne l’ont jamais fait des hommes de son rang beaucoup plus enclins à être servis, quitte à ce qu’ils subissent ce que le philosophe Hegel traduisait par « la théorie du maître et de l’esclave » qui les rend même dépendant de leurs filles et garçons de salle. Au point qu’ils ne puissent plus s’en passer sans traverser des moments de déséquilibre intense.
Fidélité et sobriété, deux de ses traits de caractère
Malgré le fait qu’il ait affirmé qu’il n’avait jamais gouverné, Léon Mébiame est jusqu’à ce jour le chef de gouvernement gabonais qui se sera fait remarquer par sa fidélité, sinon qu’est-ce qui aurait expliqué sa longévité au poste de Premier-Ministre tant convoité, de surcroît à une époque où la traitrise et la roublardise étaient de mise et pouvaient être utilisées à souhait par ses pourfendeurs pour le faire chuter en présentant de lui une image édulcorée auprès du chef de l’Etat qui passait maître dans l’art des improvisations et de la rancune comme il le laissait transparaître dans son : « Si l’oiseau oublie le piège, le piège n’oublie pas l’oiseau ».
On peut sans crainte d’être contredit avancer que « petit papa » est mort comme il a vécu dans une sorte de simplicité contrastant énormément avec l’idée que l’on s’est souvent faite des grandes personnalités publiques. Il ne manquait visiblement pas de modestie au point de déconcerter certains parmi ses proches qui racontent encore une scène pour le moins surprenante vécue à l’arrivée au Gabon du général Jeannou Lacaze lorsqu’alors qu’on lui demandait de revêtir ses galons de général qu’il était devenu, les forces de police nationales ayant intégré celles de défense, il manifestait du recul par rapport à cette offre qu’il jugeait tendancieuse, l’officier français portant bien à ses yeux ses attributs et lui peut- être pas, si l’on tient compte de son attitude. Bref ! Des pans de l’histoire qui rappelle qui était Léon Mébiame, si proche, si loin de nous aujourd’hui.