D’une discrétion presque maladive, Seydou Kane sait se faire petit voire totalement invisible, au point de s’attirer les critiques de certains de ses collaborateurs qui aimeraient bien le voir plus souvent sur la scène publique, aussi bien pour leur propre intérêt que pour lui donner l’occasion de se défendre contre toutes les accusations dont il fait l’objet depuis l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir. Peu intéressé par le spectacle, comme pour mettre en pratique l’adage populaire gabonais selon lequel «l’argent n’aime pas le bruit», l’homme d’affaires d’origine malienne ne se montre que rarement. Mais pour beaucoup, il apparaît comme «un modèle d’intégration», qui sait se rendre utile. Pour Seydou Kane, dit-on, «l’homme passe avant l’argent, et son amour pour le Gabon est égal à celui qu’il porte pour Madina Alahery, son village natal».
En effet, à en croire un sujet malien vivant au Gabon depuis peu, la survie de plusieurs de dizaines de ses compatriotes dépend de l’homme d’affaires, dont il a entendu parler avant de décider de venir tenter sa chance au Gabon. Une mère de famille du quartier N’kembo, dans le 2e arrondissement de Libreville, raconte : «Chaque fois qu’il le peut, notamment tous les vendredis, M. Kane nous exprime sa générosité à travers de nombreux dons en produits alimentaires, sans que ce geste soit relayé par les médias, parce qu’il l’interdit». Si son côté altruiste et philanthrope force la reconnaissance et le respect, un doute subsiste toutefois. Outre sa discrétion, qui le rendrait presque coupable de toutes les accusations, d’aucuns lui reprochent quelques initiatives. «L’erreur de M. Kane a été d’avoir consenti, en 2013, à se présenter aux élections locales dans le 2e arrondissement de Libreville pour le compte du PDG (Parti démocratique gabonais, ndlr). En le faisant, il a donné l’occasion à ses détracteurs de le détester de plus bel, alors que le parti au pouvoir est l’un des plus critiqués dans le pays malgré le nombre de membres et de sympathisants qu’il dit compter», estime un des proches de Seydou Kane. L’homme est en effet l’objet de pires fantasmes de la part de l’opinion, qui ne semble pas beaucoup apprécier ses accointances avec Maixent Accrombessi, directeur du cabinet du président de la République, avec lequel il est cité dans l’«affaire Marck», pour «corruption d’agent public étranger, abus de bien social, blanchiment en bande organisée, recel, faux et usage de faux».
Pourtant, Seydou Kane, présenté comme un «bon musulman, respectant scrupuleusement les préceptes du Coran», a amassé beaucoup d’argent. Patron de la Société des travaux et d’équipements de construction (Sotec), appartenant au non moins puissant Consortium international des travaux publics, on le présente comme l’un des premiers investisseurs du secteur des BTP dans le pays. On le dit adjudicataire de marchés tels que la construction du gymnase et de l’internat du prytanée militaire de Libreville, qui lui ont valu de recevoir d’Ali Bongo la médaille de chevalier de l’ordre du mérite gabonais. Entre le soutien financier en faveur de la lutte contre le terrorisme sur le continent et le soutien à de nombreuses activités sportives, éducatives et religieuses au Gabon, Seydou Kane a finalement consenti, il y a peu, à créer une fondation éponyme, par le biais de laquelle il entend intensifier ses actions humanitaires.
La Fondation Seydou Kane compte à ce jour plusieurs actions, notamment le soutien à l’éducation des jeunes apprenants de Kinguélé, un des quartiers les plus défavorisés de Libreville, où il a contribué à la réfection de l’école publique et à l’offre de kits scolaires complets pour l’année 2014-2015. Pour ses gérants, la structure entend «engager les Gabonais à bâtir une société plus inclusive, plus viable, plus résiliente et plus novatrice». Elle ambitionne notamment de «promouvoir l’éducation, la formation et l’insertion des jeunes accompagner les initiatives sportives et culturelles, d’encourager le principe d’excellence chez les jeunes, d’initier et accompagner les initiatives sociales et d’encourager et accompagner les projets entrepreneuriaux». Tout un programme !