Que l’expérience soit capitalisée pour le bien commun est louable. Que le savoir-faire des uns soit récompensé et sollicité au détriment de l’amateurisme des autres, est encore plus justifié. Mais que certaines personnalités soient maintenues de façon injustifiée et anti-démocratique à des postes sensibles est un choix pour le moins incompréhensible, qui cache mal le primat de la magouille et des manigances électorales. Or, à la 6è année du mandat en cours, l’on est forcé de constater qu’une bonne frange de l’opinion n’a cessé d’appeler à un renouvellement au sein des institutions chargées de gérer les élections.
La Cour constitutionnelle et la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) sont toujours gérées par des personnalités, qui passent pour «indéboulonnables». Sans nul doute des militants du Parti démocratique gabonais (PDG), gratifiés pour leur fidélité au «Distingué camarade».
En effet, en maintenant à leurs postes Marie Madeleine Mborantsouo et René Aboghe Ella, le président de la République envoie un message clair : rien ne sera fait pour rendre leur crédibilité aux deux institutions que ces personnalités dirigent, comme rien ne sera fait pour que les résultats d’élections politiques, particulièrement ceux de la présidentielle de 2016, soient conformes à ceux issus des urnes. Et ce message, les acteurs de la société civile, notamment Marc Ona Essangui, l’ont parfaitement compris. Dans un récent courrier adressé à la présidente de la Cour constitutionnelle, le secrétaire exécutif de Brainforest rappelle la nécessité de parvenir à une refonte, et surtout au changement de certains responsables. Dans son viseur : le président de la Cenap et le secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Si le premier a été coopté par la Cour constitutionnelle en 2006, avec l’engagement qu’on lui connaît lors de la présidentielle de 2009, huit ans après, il est loin d’égaler la longévité du second, collé à son poste depuis près de 20 ans.
Si cette réalité est rare dans d’autres pays se voulant «démocratiques», au Gabon, le fait est tout à fait banal. Et le fait que Lambert Noel Matha ait été éclaboussé par l’échec du projet Iboga géré par l’entreprise française Gemalto ne semble pas avoir entamé la confiance de la présidence de la République, qui tient à tout prix à le maintenir à son poste.
«La longévité (du secrétaire général du ministère de l’Intérieur), soit 20 ans, commence à laisser perplexe et dubitatif quant au rôle de ce dernier dans le déroulement des élections au Gabon et son rôle supposé dans la fraude électorale qui sévit depuis trop longtemps maintenant», a fait remarquer Marc Ona Essangui à Marie Madeleine Mborantsouo, non sans ajouter : «Au niveau de la société civile, nous disposons de quelques informations inquiétantes sur le rôle joué par ce dernier dans le projet de la biométrie. Puis, nous sommes également au courant de la tournure que prend en ce moment le processus d’enrôlement avec la technologie de la biométrie. Toutes ces informations ne sont pas de nature à rassurer les citoyens que nous sommes et le caractère paisible que nous recherchons pour les futures élections».
Dès lors, plusieurs interrogations surviennent, qui portent sur la réelle volonté des pouvoirs publics à s’assurer d’un climat paisible au terme de la prochaine présidentielle. N’existe-t-il donc pas d’autres personnes qui puissent diriger la Cenap et l’administration du ministère de l’Intérieur que René Aboghe Ella et Lambert Noel Matha ?