En prélude au séjour qu’il effectue au Gabon du 27 et 28 novembre 2015, le directeur exécutif de l’Onudisa et secrétaire général adjoint des Nations-unies a commis une Tribune libre dans laquelle il appelle à l’effort commun, à l’accélération de la riposte et à n’oublier personne dans la lutte contre le VIH/Sida. Ci-après, le texte intégral parvenu à Gabonreview par le soin d’Inge Tack, directrice pays de l’Onusida pour le Gabon.
En ce 1er décembre, journée mondiale du Sida, nous sommes à un tournant historique de l’épidémie. Depuis quinze ans, un engagement international, politique et financier nous fournit les moyens de venir à bout du Sida. Ne baissons pas les bras. Avec la mise en place d’un nouveau plan d’action, nous avons les moyens d’en finir avec cette menace mondiale d’ici 2030. Sinon, l’épidémie pourrait reprendre de plus belle, avec des conséquences catastrophiques.
Depuis 2000, la réactivité au niveau international a permis d’éviter 30 millions de nouvelles infections et presque 8 millions de décès liés au Sida. Dans les cinq pays les plus touchés par le VIH (l’Inde, le Mozambique, le Nigéria, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe), le cours de l’épidémie a été inversé. Il faut savoir qu’il y a quinze ans, moins de 700 000 personnes avaient accès au traitement antirétroviral. Elles sont plus de 15 millions à en bénéficier aujourd’hui. Elles sont la preuve que nos objectifs de soins ont été atteints.
Mais cette réussite pourrait être de courte durée car aucune région au monde n’est épargnée par le Sida. Saviez-vous que le Sida reste la première cause de mortalité chez les femmes en âge de procréer? Et qu’à l’échelle mondiale, les adolescentes et les jeunes femmes de 15 à 24 ans sont deux fois plus touchées par le virus que les garçons et les jeunes hommes du même âge?
On observe même une reprise des infections dans des pays qui maitrisaient l’épidémie, notamment dans des pays à revenus élevés. Sur les 36,9 millions de personnes qui vivent avec le VIH à l’heure actuelle, la moitié ignore qu’elle est séropositive, et plus de 22 millions n’ont pas accès à des traitements antirétroviraux qui prolongeraient leur durée de vie et empêcheraient la transmission du virus.
Accélérer la riposte
L’Onusida a mis en place un programme pour éliminer le Sida d’ici 2030. Cette initiative, caractérisée par l’accélération des efforts sur les 5 prochaines années, a pour objectif de traiter 90% des personnes touchées par le Sida d’ici 2020. Ce qui signifie que 90 % des personnes vivant avec le VIH sauraient qu’elles sont séropositives, et que 90 % d’entre elles auraient accès aux soins. Sur ces 90%, 90% sous traitement empêcheraient la propagation du virus. Cet objectif de « 90-90-90 » s’applique à tous : enfants, adultes, adolescents, hommes, femmes, qu’ils soient riches ou pauvres. Cette approche accélérée réduirait également 75% des nouvelles infections et mettrait fin à la discrimination contre les personnes atteintes du Sida.
Si, d’ici cinq ans, ces objectifs sont atteints, moins de fonds seront nécessaires pour éliminer l’épidémie d’ici 2030. Un accroissement annuel des investissements actuels de l’ordre de 10 milliards d’euros garantirait un retour sur investissements de seize euros pour chaque euro placé.
Depuis 2000, les investissements sont passés de plusieurs millions d’euros à plusieurs milliards en 2015. La riposte au Sida est d’ailleurs un exemple dans le domaine du développement car un nombre croissant de pays est autonome dans leur financement de l’épidémie.
N’oublions personne
La riposte au Sida s’est construite sur une approche humanitaire. En plaçant les personnes atteintes du VIH au cœur de cette démarche, l’attention s’est déplacée de la maladie vers les besoins individuels. Notamment en levant le voile sur la discrimination subie par les personnes qui vivent avec le virus. Là aussi, il reste encore beaucoup d’inégalités. Trop souvent, les adolescentes, les homosexuels, les professionnels du sexe, les migrants, les consommateurs de drogues injectables et la population carcérale se voient refuser l’accès à la santé. Nous avons affaire ici à une véritable injustice sociale qui touche en premier lieu les femmes.
Sur les 620 000 nouvelles infections de VIH, tous pays confondus, qui ont touché les adolescents en 2014, 56% étaient des jeunes femmes. Ce chiffre passe à 62% pour la catégorie d’âge 10-19 ans, alors qu’en Afrique sub-saharienne 71% de filles sont plus touchées que les garçons du même âge. L’inégalité des rapports de force dans les relations sexuelles ainsi que l’absence d’accès à l’information et aux services de santé exposent les femmes, et tout particulièrement les jeunes filles à l’infection du VIH.
On oublie trop souvent que le Sida est la première cause de décès chez les jeunes Africaines aujourd’hui, car trop de jeunes ne connaissent pas les risques d’infection ni les moyens de s’en protéger.
Tous Ensemble contre l’Epidémie
Au mois de septembre 2015, dans le cadre des objectifs de développement durable, l’Onu et les états membres ont réitéré leur engagement à éliminer le Sida d’ici 2030. L’Onusida a mis en place un plan d’action sur 5 ans qui inclut l’expansion de programmes axés sur les populations les plus vulnérables et leurs besoins.
La réaction mondiale au cours des 5 prochaines années va donc être cruciale : verra-t-on une nouvelle génération grandir avec l’épidémie ou celle-ci disparaîtra-t-elle dans les 15 ans à venir ?
En adoptant le plan d’action de l’Onusida, nous pouvons éviter ensemble 21 millions de décès liés au Sida et 28 millions de nouvelles infections d’ici 2030.
Aujourd’hui, engageons-nous ensemble à mettre fin à ce fléau.
NB : Michel Sidibé a été nommé au poste de Directeur exécutif de l’Onusida et de Secrétaire général adjoint des Nations Unies par le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon en 2009. Sa vision, Zéro nouvelle infection à VIH, zéro discrimination et zéro décès dû au Sida, a trouvé un écho dans le monde entier.