Auteur de la proposition de loi pourtant sur la modification du Fonapresse, Franck Rebela Rogombe, par ailleurs ancien sénateur, livre, à travers la tribune libre ci-après, son opinion quant aux dernières sorties du nouveau ministre de la Communication, Alain-Claude Billie-By-Nze.
Ce texte est suscité par deux «faits divers» qui se sont produits dans l’espace médiatique national ces derniers temps. La suspension ou la suppression des antennes de Gabon Télévision d’une émission débattant des «sorties» de la presse écrite par le ministre de la Communication (information qu’il n’a jamais démenti) et la montée au créneau du même ministre, relative aux écrits du journal «La Loupe», accusé entre autres d’appel au meurtre (?). Le tout sur fond de menace par l’État de museler une certaine presse hostile au pouvoir en place.
S’il est avéré que l’interdiction de diffuser l’émission sur la «revue de la presse écrite» émane du ministre de la Communication, il y a violation de l’article 64 du code de la communication qui stipule que «les services et entreprises publiques sont placées sous l’autorité des présidents et/ou des directeurs généraux, nommés par décret du président de la République pris en conseil des ministres». Point à la ligne. Donc toute immixtion d’un ministre dans le fonctionnement d’un média public est illégale et même condamnable au sens de l’article 8 du même code qui précise que : «toute censure de la presse en dehors des cas prévus par la loi est une violation des droits de l’homme.» Mieux, l’article, 9 est plus pointu en affirmant que «toute intervention tendant à restreindre ou à suspendre directement ou indirectement, la liberté de la presse, constitue, un délit d’entrave à la liberté de la presse».
Selon des informations qui restent à vérifier, la raison de l’interdiction ou de la suspension par l’autorité de tutelle serait due au fait que les journalistes qui y étaient invités passaient le temps à «taper» sur le pouvoir et sortaient largement du cadre de l’émission. En plus d’être souvent plus nombreux que les journalistes défenseurs du régime.
Le ministre avait peut-être raison de faire ce constat, car il défend sa chapelle politique. Mais, là où le ministre se serait mis hors la loi, c’est le fait d’avoir interdit l’émission au lieu de saisir le CNC qui est le gendarme chargé de réguler aux fins, d’obtenir une sentence.
Sur la tonalité de la montée au créneau du ministre en rapport avec les épitaphes du journal «La Loupe», on peut lui reprocher la forme intimidante du ton utilisé, mais personne, ne peut arguer que le fond n’y est pas, lorsqu’il dit saisir le CNC et les tribunaux payés pour juger des délits qu’il invoque. Par contre, ce qu’on peut lui reprocher en termes de puissance publique, c’est son aphonie, face à l’inaction du CNC qui est incapable d’imposer les articles 45 qui 46 du Code de la communication qui proclament le pluralisme dans la presse et dans les services publics de radio et de télévision conformément à la constitution. En fait, chargé de «réglementer», ce principe, le gouvernement ne s’est jamais pressé d’en définir les règles. Préférant nager à contre courant du progrès démocratique dans le but de maintenir un seul parti au pouvoir.
Ce n’est d’ailleurs pas un secret pour tout observateur de la vie sociale du Gabon, qui a vite fait de constater que dans notre pays, les médias du service public sont confisqués par l’État, alors qu’en démocratie, tous les acteurs politiques et publics doivent y accéder équitablement.
Sous le prétexte de veiller sur l’ordre public, l’État est en train d’établir un rapport de force médiatique qui lui est largement favorable; alors que ce dernier (État) n’existe que par le fait du suffrage universel, auquel tous les citoyens sont soumis. Autrement dit, s’il n’y pas de parti politique et d’élection, il n’y a point d’Etat. Ce qui veut dire plus précisément, que bien que manageant au quotidien le pays, les gérants officiels de l’État, ne sont pas moins des compétiteurs potentiels qui doivent être logés à la même enseigne que tous les autres citoyens. Sont-ce là, les règles à observer en démocratie. Dans toutes les vraies démocraties !
C’est pourquoi, le législateur Gabonais de 1991, a imaginé un arbitre, qu’il a nommé, le Conseil National de la Communication, dont la mission est essentiellement de «réguler». Cette régulation qui s’applique en principe à tout le monde, y compris à l’Etat, qui lui, est en charge de la réglementation, réside dans le contrôle du respect des règles déontologiques : respect de la dignité humaine et de l’ordre public, du pluralisme, de l’honnêteté de l’information, de la protection de l’enfance et des mœurs, etc. Ce contrôle s’exerce toujours a posteriori, lors de la diffusion et non pas avant, le Conseil ne disposant en conséquence d’aucun pouvoir de censure. Aussi, en cas de non-respect, des règles, il a des pouvoirs de sanction qui vont de l’amende jusqu’à la suspension de l’autorisation d’émettre, voire au retrait des licences pour les chaînes privées.
Bien ne que disposant pas d’un texte spécifique en dehors du Code de la communication, le CNC a également pour mission, de garantir le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion. Dans ce cadre, il vérifie le respect du principe de référence adopté par la Constitution. Ce principe est le pluralisme consacré par la mère des Lois. Le CNC, devrait veiller à ce que les chaînes respectent un équilibre entre le temps d’intervention des membres du gouvernement, celui des personnalités appartenant à la majorité parlementaire et celui des personnalités de l’opposition parlementaire et leur assurer des conditions de programmation comparables.
En outre, il devrait veiller à assurer un temps d’intervention équitable aux personnalités appartenant à des formations politiques non représentées au Parlement. Et aujourd’hui à la société civile.
Exactement comme, il le fait en période électorale. Au lieu de laisser le Gouvernement et le PDG Seuls s’approprier le bien de tous.