Alors qu’une mission d’information de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) séjourne actuellement au Gabon en vue d’apprécier le contexte politique ainsi que les préparatifs du prochain scrutin présidentiel, le Front uni de l’opposition a rendu public ce jeudi la déclaration issue de sa rencontre avec l’équipe de l’OIF conduite par l’ancien ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de la Mauritanie, Ahmedou Ould Abdallah.
Dans un réquisitoire construit autour de l’impossibilité d’élections transparentes au Gabon "sans dialogue franc et constructif", le président de l’Union du peuple Gabonais (UPG, opposition) Jean de Dieu Moukagni Iwangou, a dressé un tableau plutôt sombre de la réalité électorale actuelle gabonaise. Le magistrat qui a lu la communication de l’opposition au nom du Front, a étayé cette analyse en s’appuyant sur 4 arguments :
- la loi électorale qui ne participerait aucunement à l’avènement d’un vote honnête grâce notamment au système électoral présidentiel à tour unique ;
- l’éternel réélection de Madeleine Mbourantsuo à la tête de la Cour constitutionnelle depuis 1993 alors que les textes structurels ne prévoient que deux mandats de 7 ans chacun et ses liens de parenté avec le régime au pouvoir ;
- le gouvernement gabonais "hors-la-loi" qui n’a pas révisé les listes électorales ces deux dernières années, sans compter l’inapplication depuis 4 ans de l’interconnexion des fichiers électoraux permettant de conjurer les votes multiples ;
- l’inapplication par le gouvernement des 10 points d’accord pour la mise en place de la biométrie dans le processus électoral adoptés pourtant depuis 2013.
Toute chose qui fait dire à l’ancien président du Front uni de l’opposition que "Sans un dialogue franc et constructif,(..) qu’il est impossible au GABON de réaliser l’alternance par la voie des urnes".
Voici l’intégralité de cette communication à l’endroit de la délégation de l’OIF :
LA COMMUNICATION DU FRONT DEVANT LA DELEGATION DE L’OIF
Je ne reviendrais sur l’élégance du Pr KOMBILA KOUMBA, Président du FRONT, qui tient à associer ses prédécesseurs à la conduite de sa charge, que pour rendre hommage à son humilité.
En prolégomènes à toutes choses, j’ai tenu d’entrée, à fixer mes interlocuteurs sur l’environnement global en ces termes :
‘’Lorsque dans une république, un homme règne pendant 42 ans, qu’il est immédiatement succédé à la tête du pays par son fils, il tombe sous le sens, que l’hérédité préside aux procédures de gouvernance et de transmission du pouvoir.
Madame, Messieurs, C’est le modèle gabonais.’’
INTRODUCTION
La Déclaration universelle des droits de l’homme, en laquelle se fonde la constitution de la république gabonaise, proclame à son article 21 alinéa 3, que ‘’la volonté du Peuple est le fondement de l’autorité des Pouvoirs publics, cette volonté doit s’exprimer à travers des élections honnêtes.
La loi et la pratique des institutions n’offrent aucune garantie pour la tenue des élections honnêtes au GABON. Voici la trame.
I. LA LOI NE PARTICIPE PAS DU VOTE HONNETE
L’institution du vote à un tour, dans un état unitaire, de faible démographie et de faible étendue, ne postule pas du vote honnête. Il vise à enlever des victoires à la hussarde, et à renvoyer l’opposition devant la Cour Constitutionnelle, le juge du contentieux électoral.
II. LA PRATIQUE INSTITUTIONNELLE NE PARTICIPE PAS DU VOTE HONNETE
Le mandat au sein de la Cour Constitutionnelle est de sept ans, renouvelable une fois.
Depuis sa création en 1993, soit aujourd’hui 22 ans, la Cour constitutionnelle est dirigée par Madame Marie Madeleine MBORANTSOUO, dont le mandat n’arrête pas de se renouveler.
Madame Marie Madeleine MBORANTSOUO est liée au Président sortant et au Président en exercice, par une relation de parenté avérée, qui constitue une cause de suspicion légitime, et un motif de récusation prévu par la loi, motif toujours rejeté par le gardien de la loi.
III. LE GOUVERNEMENT NE RESPECTE PAS LA LOI
La loi électorale institue une obligation annuelle de révision des listes électorales. Depuis 2 ans, et à sa seule discrétion, le Gouvernement a pris la liberté de ne pas respecter la loi. Les listes actuelles, non révisées depuis 2 ans, sont illégales.
Pour conjurer le spectre des inscriptions multiples et des votes multiples, le GABON a décidé d’identifier l’électeur à partir de ses données à caractère personnel. Pour opérer toute son efficacité, l’interconnexion des fichiers doit être réalisée, afin de retracer l’électeur dans le bureau de vote. Quatre ans après l’adoption de cette loi, cette obligation légale n’est pas appliquée.
IV. LE GOUVERNEMENT NE RESPECTE PAS LES ENGAGEMENTS PRIS
Une Commission paritaire ad hoc présidée par Son Excellence Raymond NDONG SIMA, Premier Ministre de la République gabonaise au moment des faits, s’était réunie à Libreville, du 28 janvier au 15 février 2013, sur la mise en œuvre de la biométrie dans le processus électorale au GABON.
Cette Commission paritaire est parvenue à trouver 10 points d’accord. Depuis 2013 à ce jour, un seul point a fait l’objet de mesure concrète.
CONCLUSION
Sans un dialogue franc et constructif, la réalité des faits montre, à l’épreuve de la pratique, qu’il est impossible au GABON de réaliser l’alternance par la voie des urnes.