Des 5000 logements annuels promis, aucun n’a été livré. Au sujet de la facilitation de l’accès aux titres fonciers pour les Gabonais, la restructuration du cadastre n’a rien changé aux tracasseries et l’Agence nationale de l’urbanisme, de travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC) est loin d’être à la hauteur des espoirs fondés en elle. Six ans après, le secteur de l’habitat et du logement apparaît inéluctablement comme l’un des échecs retentissants du mandat en cours. Invité de la matinale de Radio Gabon, le 20 octobre 2015, le ministre de l’Urbanisme et du Logement, a tenté de s’expliquer.
L’urbanisme et le logement constituent un volet important dans la politique du président de la République, mais ce secteur est vivement critiqué aujourd’hui. Quelles sont les avancées enregistrées depuis 2009?
Désiré Guedon : Le ministère de l’Urbanisme et du Logement a connu beaucoup de réformes. Et, effectivement ces réformes ne sont pas bien appréciées par les populations. C’est peut-être ce qui, aujourd’hui, pourrait être à l’origine de la crise de confiance entre les populations et ce département ministériel, dont les activités n’ont pas connu une visibilité conséquente. Pourquoi ? La première raison est que dès l’arrivée du chef de l’Etat à la magistrature suprême, sa première décision a été de fermer ce ministère au regard des difficultés que traversait le secteur. Il faut savoir que le ministère renaît en 2011, et jusqu’à 2013, il a fallu recadrer tous les textes. Parallèlement, il avait annoncé un ensemble de mesures, dont la principale était d’engager un programme de 35 000 logements pendant le septennat. Les Gabonais s’étaient effectivement arrêtés à cette mesure parce qu’ils attendaient le lancement de la construction de ces logements. Or, pour arriver aux 5000 logements par an, il a d’abord fallu engager des réformes structurelles et, comme il s’agit d’un domaine technique, il a fallu engager des grands travaux pour des aménagements, qui coûtent beaucoup d’argent. Il fallait mobiliser les ressources financières et matérielles, identifier les espaces pour ensuite engager les travaux. C’est ce qui a pris beaucoup de temps.
Aujourd’hui, on peut dire avec beaucoup de fierté que le programme est bien lancé parce que sur le territoire national nous connaissons au moins 20 000 logements qui sont en cours de réalisation. Et il s’agit de projets menés par des promoteurs publics que sont la SNI et la SNLS, mais également tous les promoteurs privés, avec des projets liés à l’auto-construction qui passe par le financement par les banques. D’autant qu’une mesure prise par le chef de l’Etat indique que lorsqu’on fait un investissement de moins de 70 millions de francs, on est exonéré de toutes taxes. C’est une mesure forte initiée dans le secteur, mais il y a aussi la maturité: par le passé, pour accéder à un crédit immobilier, on avait des taux prohibitifs, les délais étaient assez courts, aujourd’hui lorsqu’on s’approche des banques on a une maturité d’au moins 10 années pour ne pas dire 15. Il s’agit donc de mesures qui son allées à l’endroit des populations, dans le but d’améliorer la comptabilité de l’offre de logement au Gabon. Et dans la zone de Libreville et ses environs, nous avons près de 1000 logements prêts à être habités, il reste à finaliser les aspects liés à l’accès et à la fourniture en eau et en électricité. Lors de notre dernière visite à Nkok et à Bikélé, nous avons apprécié les avancées. J’espère que les images que les uns et les autres ont pu voir, montrent que ces maisons existent et qu’elles sont viables. Il reste à mettre la dernière touche pour que nous puissions procéder à la mise à disposition de ces maisons.
A la suite de l’augmentation des salaires des agents publics en juillet dernier, certains bailleurs ont augmenté les prix des loyers. L’administration a-t-elle pris des mesures en vue de réguler ce secteur ?
Cette question rentre dans le cadre des mesures prises par l’Etat, qui visent à encadrer les prix de ce secteur. Mais déjà, il faut que l’on distingue les propriétaires des maisons: il y a ceux qui font de la location et commercialisation des logements leur activité, qui sont encadrés, mais pour ce qui est du privé, ce n’est pas évident dans le sens où il ne s’agit pas de leur principale activité. Certains, par zèle, se permettent effectivement d’augmenter les prix des loyers. Pour les sociétés civiles immobilières, le secteur est encadré. Il y a un bail qu’elles sont tenues de respecter.
La révision du cadre institutionnel avait pour but de faciliter l’attribution des parcelles de terrains, des titres fonciers et l’achat des maisons. Pourtant, jusqu’à lors, cette facilitation reste méconnue des Gabonais. Comment le comprendre ?
L’une des mesures phares engagées dans le secteur est la création de l’ANUTTC, l’agence qui devrait faciliter l’accès aux terrains viabilisés, et améliorer la procédure d’acquisition des titres fonciers. Or, c’est vrai que nous avons connu un retard, mais la réforme est en cours, et nous pensons que d’ici à la fin de l’année, la mesure annoncée par le chef de l’Etat, relative aux 180 jours, sera effective.
L’Hôtel de Ville a lancé, il y a quelques mois, l’adressage de Libreville. Pensez-vous que cette opération est compatible avec les difficultés d’urbanisation actuelles de la capitale ?
Ah, oui ! Vous convenez qu’une administration telle que la mairie de Libreville ne saurait s’engager dans un projet de ce genre sans avoir eu des assurances ou la collaboration de l’administration centrale. Nous avons effectivement contribué à ce qui est initié à Libreville avant d’aller dans les autres communes. Il est vrai qu’au lancement c’est difficile et que la réussite n’est pas encore perceptible comparativement à ce qui se passe ailleurs, mais nous avons déjà le mérite d’avoir lancé le projet. Il reste à œuvrer pour que les études arrivent à leur terme, pour avoir des noms et des numéros de rues. Et peut-être qu’ensuite nous nous attaquerons aux quartiers sous intégrés qui méritent ce type d’évolution.
Qu’en est-il de la situation des déguerpis des villes de Libreville et de celles de l’intérieur du pays, à l’instar de Port-Gentil? Plusieurs d’entre eux se plaignent à ce jour.
Lorsqu’on parle de l’habitat au Gabon, c’est souvent la question la plus abordée, notamment les difficultés auxquelles ces déguerpis font face. Mais il faut parfois qu’on aille à l’origine. Pour la plupart, ce sont des personnes qui viennent s’installer dans des zones non habitables ou réservées. Pour des mesures sociales il arrive que nous procédions à des déguerpissements avec un accompagnement pécuniaire, ou par l’attribution de parcelles de terrain. Pour la plupart, il n’y a donc jamais eu déguerpissement sans compensation pour ceux qui le méritent. Mais il se trouve que beaucoup de nos compatriotes ont trouvé en cela un fond de commerce. Il y a des gens qui, lorsqu’ils apprennent que l’Etat est en train de viabiliser une zone pour quelque type de travaux que ce soit, viennent s’installer en espérant être dédommagés. Aujourd’hui, il y a au moins 30 Gabonais qui ont eu livraison clé en main, il y a 200 parcelles affectées et disponibles.