Le nouveau positionnement de l’ancien président de la Commission de l’Union Africaine continue de semer le trouble. Et ce jusque dans les rangs de l’Union nationale. Tentative de lecture d’une posture et de plans presqu’indéchiffrables.
Jean Ping par-ci, Jean Ping par là. Depuis l’annonce de sa rupture avec le pouvoir, l’ancien président de la Commission de l’Union Africaine, fait la «Une» de tous les journaux. Ses faits et gestes sont surveillés alors que sa seule et unique sortie est analysée sous tous les angles, sous toutes les coutures. Si la classe politico-médiatique s’enflamme, la toile n’est pas en reste. «On assiste à une véritable pingmania» sur le forum d’échange Info Kinguélé, note un observateur. Au-delà de ce ramdam médiatique, les intentions de l’homme ainsi que sa stratégie manquent encore de lisibilité. Lors de sa sortie publique, Jean Ping avait essentiellement axé son propos sur des considérations personnelles, familiales et carriéristes, insinuant au passage qu’il n’en dirait pas plus avant la sortie prochaine de son livre «Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kaddhafi ?», annoncée pour mars prochain. Pour l’heure, la rumeur enfle. Il se dit que l’homme consulte beaucoup.
L’un de ses fils étant consul honoraire du Tchad au Gabon, on apprend qu’il aurait ses entrées auprès d’Idriss Déby quand la Lettre du Continent laisse entendre que Denis Sassou Nguesso l’aurait reçu. Son épouse ayant des origines ivoiriennes, certains y voient les fondements de liens privilégiés avec Alassane Ouattara dont on le dit proche. Le sujet de son prochain livre laissant à penser que la politique africaine de Nicolas Sarkozy n’a pas toujours été de son goût, les uns s’empressent de décrire des cordiales relations avec la gauche française.
Joseph John-Nambo, un proche parmi les proches d’André Mba Obame, étant son cousin, il n’en fait pas plus pour que les autres parlent d’un soutien de l’Union nationale à Jean Ping. On apprend ainsi que l’homme est très proche de Casimir Oyé Mba et qu’il fut le seul dont ce dernier s’enquît du sort quand il lui fallut composer le gouvernement de la transition au sortir de la Conférence nationale de 1990. Il se dit aussi que d’autres ténors tels Zacharie Myboto ou Jean Eyéghé Ndong auraient de façon directe ou non pris langue avec lui. Et pourtant, à ce jour, Jean Ping s’est contenté du minimum syndical. Lucide, il a laissé sous-entendre que sans organisation, l’opposition n’aurait pas de chance de faire bouger les lignes.
En face, le PDG se prend les pieds dans le tapis. Après avoir qualifié la défection de Ping d’ «épiphénomène qui le (les) concerne pas», les ténors du parti présidentiel se sont tous sentis obligés de donner de la voix, comme si la réaffirmation de leur soutien au président de la République passe nécessairement par une prise de position tranchée sur cette question. D’Alain-Claude Billie By Nzé à Faustin Boukoubi en passant par Gabriel Tchango ou Vivien Amos Péa Makaga, ils se sont tous exprimé sur la question. Généralement ses prises de positions tournaient autour du passé de l’homme et de son rôle dans la galaxie Bongo.
Tractations et bruits de couloir
Si Jean Ping s’est jusque-là refusé de répondre à ces attaques ou à clarifier ses relations avec l’Union nationale, de nombreux observateurs estiment cependant que la série de causeries organisée les Souverainistes (ndlr, courant politique né au sein de l’Union nationale) bénéficie de son soutien. «En bon diplomate Ping est un adepte du risque calculé et maîtrisé, note un ancien journaliste au quotidien L’Union qui a pratiqué l’homme. Il laisse aux Souverainistes le soin de répondre indirectement à sa place». Et d’ajouter : «C’est aussi à eux qu’il laisse le soin de clarifier sa relation avec l’Union nationale. En fonction de leur positionnement, de la fortune que connaîtront leurs actions actuelles et futures, il avisera». La clarification aura bel et bien lieu. D’ici là ce «sera le règne de la suspicion, le clair-obscur généralisé mais tout porte à croire que Ping et l’Union nationale peuvent se compléter», souligne le même observateur.
L’amorce des discussions entre les deux camps pourraient donc se faire par le biais des Souverainistes. Le président de l’Union nationale, Zacharie Myboto, qui ne s’était jusque-là pas prononcé sur Jean Ping autant qu’il n’a pas non plus condamné publiquement les initiatives des Souverainistes, a récemment pris acte de la démission de ce dernier du PDG, affirmant apprécier «à sa juste valeur (sa) déclaration» qu’il inscrit dans «cette volonté commune de (se) mettre au service du peuple (gabonais)». Les jours à venir s’annoncent riches en tractations et bruits de couloir….