Invité de la matinale de Radio Gabon, le 18 octobre courant, le ministre du Développement durable, de l’Economie, de la Promotion des investissements et de la Prospective, a eu bien du mal à sortir des schémas académiques pour illustrer son propos par du concret.
Quel bilan faites-vous de l’économie gabonaise depuis 2009 ?
Régis Immongault : En 2009 lorsque le chef de l’Etat accède au pouvoir il a la volonté de déplacer le curseur. Parce que jusqu’à présent nous cherchons à faire des efforts pour stabiliser le cadre macroéconomique, avec comme corollaire une insuffisance de croissance tournée aux alentours de 1 et 2%. D’ailleurs, en 2009 nous avions une décroissance de 2,9%/ La volonté du chef de l’État était d’aller davantage vers le haut, donc déplacer le curseur afin de sortir l’Etat d’une certaine léthargie économique, parce qu’il est vrai que beaucoup d’efforts ont été faits pour stabiliser le cadre macroéconomique, mais la croissance n’était pas aussi forte. Alors que pour avoir un développement assez conséquent il faut qu’il y ait croissance, ce qui a été fait en 2009 et en 2014. Le taux de croissance moyen a été de 5,9%, et cette croissance a été essentiellement portée par le secteur hors pétrole. Vous me direz que cette croissance n’a pas été forcément inclusive pour qu’il y ait des effets élargis qui puissent permettre de profiter aux différentes couches, de lutter contre la précarité et de permettre de créer des emplois pour les jeunes. Mais dans le but de renforcer ses aspects, en 2009 et en 2010, nous avons mis en place le PSGE, avec ses piliers : Le Gabon vert, le Gabon industriel et le Gabon des services, trois piliers de croissance du développement qui précisent exactement dans quel sens nous devons aller pour permettre cette croissance inclusive qui devrait aboutir à la prospérité partagée.
A ces trois piliers nous avons des fondements qui constituent le socle de cette stratégie économique. Le premier fondement, c’est le capital humain. Un élément essentiel pour permettre d’avoir un saut qualitatif dans le domaine industriel, qui implique qu’il faut avoir des Gabonais bien formés. Nous avons aussi le développement durable qui est un fondement qui apparaît au centre de la stratégie du chef de l’Etat, qui prend en compte les préoccupations environnementales, sociales et de durabilité. Nous avons le volet infrastructures. Il est clair que les pays africains, aujourd’hui, n’arrivent pas à augmenter de façon considérable leur croissance potentielle à cause des goulots d’étranglement. Et à ce niveau, résoudre les problèmes de l’infrastructure est essentiel pour booster l’économie. Nous avons aussi la gouvernance qui est essentiel dans le sens où la bonne gestion des finances publiques, du domaine social, économique et politique sont des éléments indispensables pour avoir une économie dynamique.
Durant ces années nous avons connu de très forts frémissements qui ont permis de commencer à renforcer la résilience de l’économie gabonaise, et vous verrez que l’économie a pu croître malgré la décroissance du secteur pétrolier. C’est donc qu’il y a eu une mutation des secteurs tels que celui de agro-industrie, l’industrie du bois qui est la traduction de la mesure prise par le chef de l’Etat d’interdire l’exportation des grumes. Il y a le secteur minier et le secteur tertiaire qui permettent de dire que l’économie gabonaise a renforcé sa résilience mais il faudrait poursuivre parce qu’il est clair qu’aujourd’hui, nous aurions pu être plus durement frappés par l’impact de la baisse du coût du pétrole si nous n’avons pas commencé par ces efforts. Et vous vous êtes certainement interrogés sur la capacité du Gabon à s’en sortir. En réalité, nous avons la volatilité des cours qui s’évalue à environ -58% de sa valeur par rapport au niveau que nous avion en juin 2014, en même temps que nous constatons une baisse du coût des matières premières, à l’exemple du manganèse qui a perdu 30% de sa valeur. L’autre élément qui assombrit davantage le contexte international, c’est le ralentissement de l’économie chinoise dont on sait qu’elle a des relations avec les économies africaines, à l’instar du Gabon. A cela s’ajoute la croissance molle au niveau des pays émergents avec lesquels nous avons des relations commerciales. Tout cela fait donc ressortir que le contexte économique mondial laisse percevoir une certaine médiocrité dans la croissance. Ce qui nous acontraint à prendre des mesures qui visent à maintenir cette dynamique observée depuis 2009. Nous nous en sortons mieux que d’autres pays, et dans nos prévisions de 2015, la croissance sera portée à 4,2%.
Vous l’avez dit, l’économie gabonaise ne repose pas uniquement sur les ressources pétrolières. Mais quelles sont concrètement les stratégies de diversification de cette économie depuis 2009 ?
Pour commencer, le volet infrastructure sur lequel repose l’industrialisation, parce qu’il est impossible d’avoir une économie qui marche s’il existe des problèmes de chemin de fer ou de routes. Aujourd’hui vous pouvez constater les efforts qui ont été faits dans le domaine routier pour faciliter les flux commerciaux. Un élément essentiel dans le domaine de la circulation sur le territoire quand le Gabon entend se lancer dans la production des biens échangeables. Dans le domaine énergétique les mêmes efforts ont été faits pour augmenter la puissance installée. Nous sommes passés d’un niveau de puissance d’environ 374 MW à près de 600 MW, cela signifie que nous sommes en voie de résoudre ces problèmes qui vont booster l’économie gabonaise. Mais il faudrait également renforcer l’attractivité dans le sens où le climat des affaires est un élément essentiel, d’autant que le Gabon ne vit pas en autarcie. Le pays doit avoir une politique plus attractive par rapport à la recherche de l’investissement direct étranger. Pour ce faire, nous avons pris des mesures pour créer l’Agence nationale de promotion des investissements. Nous sommes dans la phase du déploiement consacrée au regroupement des missions initialement dévolue au centre des entreprises, à l’Apiex, à Promo Gabon, afin d’avoir dans une même structure un guichet consacré à la création des entreprises, un autre à la promotion de l’investissement et enfin un guichet consacré à la promotion des PME. L’effectif des structures devrait s’évaluer autour de cent personnes, avec des tâches bel et bien définies. Nous bénéficions d’ailleurs de l’appui de la Banque mondiale, grâce aux résultats que nous affichons. Pour exemple, au niveau des investissements étrangers, nous sommes passés de 2,5 milliards de dollars en 2009 à des niveaux de 5 milliards de dollars en 2013 et 2014. Mais il faudrait poursuivre avec les réformes structurelles dans tous les secteurs pour appuyer notre politique de l’économie libérale qui laisse de l’espace à l’initiative privée.
Et où en est-on avec la création des zones économiques spéciales annoncée il y a quelques années?
Il y a eu des retards au niveau de Port-Gentil, je me focaliserai donc sur celui de Libreville, où nous avons des avancées notables. Mais il reste qu’à Port-Gentil nous sommes en phase de construction. Il y a des prérequis qu’il faut absolument résoudre pour permettre un démarrage effectif de cette zone. Sur la zone franche de l’île Mandji qui, à l’époque, était totalement gérée par l’Etat, nous sommes dans la phase de discussion et de bouclage du financement, d’autant que cette zone accueillera notre future usine d’engrais, en plus d’un nouveau port. Voyez donc que ce projet n’a pas été mis à l’écart. Certains travaux ont été faits mais c’est encore léger, et cela implique que nous accélérions la recherche des investissements privés.
Au sujet de la zone de Nkok, beaucoup a été dit. Mais les gens se rendent désormais compte qu’elle est en train d’avancer et c’est une réussite, au regard du classement mondial des zones franches par le fDi du Financial Times. Et la zone économique de Nkok arrive presqu’en deuxième position avec une zone du Nigéria. C’est la démonstration que les efforts qui ont été faits pour déployer les opérateurs économiques sur cette zone sont en train de porter leurs fruits, et nous travaillons à renforcer l’attractivité et de permettre que d’autres activités de transformation puissent s’y déployer, notamment dans le domaine de la troisième transformation. Nous sommes en train de voir comment déployer un cluster artisanal sur cette zone, qui devrait permettre aux PME de produire des meubles et par la même occasion de renforcer notre présence dans le secteur bois.
Source : interview réalisée par HassNziengui et KennieKanga pour Radio Gabon