«Qu’est-ce que Libération vient faire à Libreville ?» L’étudiant qui pose la question a l’air surpris. Les débats du Forum citoyen viennent de démarrer au stade de l’Amitié, celui de la finale de la Coupe d’Afrique des nations 2012. Pourquoi organiser un forum au Gabon, plus connu pour sa rente pétrolière que pour son alternance démocratique ? Dans la salle, la question est d’emblée lancée avec force à l’attention des intervenants. Manifestement, l’expression s’annonce libre. A l’origine du projet, la volonté d’offrir une tribune à des citoyens peu habitués à interpeller leurs élites. Laurent Joffrin, directeur de la rédaction, n’a cessé de le rappeler : «C’est le pluralisme d’idées qui fera évoluer les choses et fera en sorte que la situation sur le plan politique, social, et économique s’améliore.» Dans les avenues de Libreville, impossible de rater l’événement, les affiches sont partout. Sur place, sous une tente géante, neuf tables rondes, une cinquantaine d’intervenants et à chaque débat, près d’un millier de spectateurs. Au menu, le Gabon mais aussi l’Afrique, un continent émergent, jeune, mais confronté à une démographie galopante, à la fragilité des Etats et de leur gouvernance.
Démocratie et alternance
Près de l’entrée, les vendeuses ambulantes font chauffer les maïs grillés. Dans la salle, des discussions vives démarrent et de fait, pendant deux jours, elles ne vont plus s’arrêter. Sur scène, des membres du gouvernement gabonais et des acteurs de la société civile dont Chantal Uwimana, directrice Afrique de l’ONG anticorruption Transparency International, partenaire du forum. Elle rappelle que pour aller vers la démocratie, il faut commencer par l’éducation, la santé, l’emploi, et un gouvernement honnête et responsable.
Au Gabon, l’actuel chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba, devrait être candidat à sa réélection en 2016. Le candidat d’opposition, lui, n’est pas encore connu. Mais qu’importe. Pour l’activiste Marc Ona Essangui, présent à la tribune, pas de démocratie sans alternance.
Le public n’est pas habitué à voir à la même table le gouvernement - représenté par le ministre de la Communication, Alain-Claude Bilie Bi Nzé - et l’opposition. Dans la salle, nombreux sont les jeunes, encartés ou pas, qui profitent de l’occasion pour exprimer leurs revendications. Ils veulent exister dans les instances de décision et obtenir davantage de formation.