En marge du forum citoyen de Libération, le porte-parole du gouvernement a expliqué que les réformes institutionnelles réclamées par l’opposition sont de nature à modifier le calendrier constitutionnel.
Gabonreview : Vous sortez d’un échange sur le thème des «défis de la démocratisation». Quel en était l’enjeu ?
Alain-Claude Billie-By-Nzé : On discute parfois de sujets qui font polémique. On discute parfois avec passion, mais c’est l’essence même de la démocratie. C’est un forum sur lequel les gens ont beaucoup dit. La difficulté que nous avons aujourd’hui, c’est que très peu de gens prennent le temps de s’arrêter, de réfléchir avant de donner une opinion. C’est un forum qui permet aux uns et aux autres d’échanger entre eux. C’est plutôt une bonne chose. Nous avons échangé sur la démocratie, sur la lutte contre la corruption. Et sur tous ces éléments, le Gabon avance, même si nous ne sommes pas encore à 50% pour ce qui est de Transparency International. Mais nous avons gagné plusieurs points dans le classement de lutte contre la corruption. Donc, c’est important de continuer à travailler, à avancer et à faire en sorte que, de plus en plus, notre pays soit un Etat véritablement démocratique.
On a compris que ce n’était pas une question d’animosité entre vous et les représentants de la société civile. C’était un débat d’idées… qui a pourtant un peu débordé.
Nous avons une difficulté à situer la société civile. Aujourd’hui, elle a clairement reconnu qu’elle est dans l’opposition. De ce point de vue, pour nous ce sont des acteurs de l’opposition. Ils l’ont reconnu publiquement et pour la deuxième fois. Cela veut donc dire que lorsqu’ils s’appellent société civile, pour nous, ce n’est plus une société civile. C’est un parti politique qui a du mal à se situer et ils ont des ambitions politiques. Le débat s’instaure, nous discutons entre Gabonais, avec des compatriotes. Il faut simplement que chacun fasse des propositions. Il ne s’agit pas de renverser la table. Il s’agit de construire un pays et ça prend du temps.
Ne faut-il pas finalement pousser les discussions pour que le consensus que tout le monde réclame soit véritablement établi ? Parce qu’il faut avouer que le climat n’est pas très serein.
Mais quel est le climat qui n’est pas serein ? Vous êtes à Libreville. Est-ce que Libreville est sous les émeutes ? Vous êtes à Libreville, est-ce que les gens ne travaillent pas ? Ce n’est pas parce que quelques acteurs réclament quelque chose que vous allez dire que le climat n’est pas serein ! Nous sommes entre acteurs politiques. Nous discutons de quoi ? D’améliorer la démocratie. Mais est-ce que parce que François Hollande était à 14% d’opinion favorable qu’il a fallu faire une conférence nationale en France ? Est-ce que parce que les gens sont insatisfaits dans les rues qu’on doit faire une conférence nationale ? La conférence nationale avait un objet en 1990 : le retour au multipartisme. Nous sommes maintenant dans un pays qui a reconnu le multipartisme et la démocratie. Il faut améliorer. Il faut aller de l’avant mais avec la contribution des uns et des autres. Il n’y a pas besoin pour cela besoin d’une grand-messe. La grand-messe va mener à quoi ? Au partage du gâteau ? Mais quand est-ce qu’on va parler de développement ? Quand est-ce qu’on va parler économie ? Quand est-ce qu’on va parler emploi ? Vous voyez qu’on appelle à un forum pour parler de questions politiques. Les jeunes qui sortent des écoles n’ont pas d’emploi. Le chef de l’Etat essaie de résoudre ces problèmes là et personne n’en parle. On parle des questions politiques et ils vous disent : vous avez entendu Marc Ona, il ne sera jamais du coté de la majorité quand bien même il y aurait alternance, il sera toujours dans l’opposition. Quel est ce postulat ?
Vous avez dit tout à l’heure qu’il faut améliorer les choses. D’accord ! Et vos interlocuteurs ont, tous pratiquement été contre ce qui se fait. Alors, comment faire pour améliorer et qu’est ce qu’il faut améliorer ?
L’amélioration, elle se fait. Elle se fait dans la mesure où un processus électoral a été engagé. Ce processus électoral est relancé par la révision des listes électorales. On implique tous les acteurs pour réviser les listes électorales et vous lisez un matin que l’opposition n’y participera pas. A partir de là, comment voulez-vous que l’on avance et qu’on essaie d’améliorer ? Il ne s’agit pas non plus de méconnaitre les difficultés qui existent : tout processus est à améliorer. Aujourd’hui, nous avons une échéance dans moins de 11 mois. Est-ce qu’il faut s’arrêter pour que cette échéance soit repoussée ? Parce que si on s’arrête aujourd’hui, c’est pour repousser l’échéance. Nous ne voulons pas repousser l’échéance : nous voulons respecter la Constitution. Nous ne voulons pas tomber, comme dans d’autres pays qui ne tiennent jamais les élections et qui sont forclos et finissent par modifier la Constitution. Nous sommes là pour respecter la Constitution.
Vous allez respecter la Constitution et les délais d’organisation des élections ?
La Constitution et les délais sont respectés. Dans toutes les élections au Gabon, on les tient dans les temps prévus par la Constitution. Et la présidentielle aura lieu dans ces temps-là. Maintenant, il y a des gens qui ne veulent pas aller à la présidentielle et qui cherchent des subterfuges pour, en réalité, faire du désordre pour qu’on appelle les uns et les autres à s’asseoir et à se partager le pouvoir. Nous ne sommes pas dans cette option.
Pensez-vous que toutes les conditions sont réunies pour que cette élection puisse effectivement se tenir ?
Quelles sont les conditions qui ne seraient pas réunies ? Les Gabonais sont prêts à aller aux urnes. Il y a une liste électorale : il faut donc faire en sorte que le processus soit engagé. Le ministère de l’Intérieur a lancé les hostilités pour la révision des listes électorales pour l’année 2015. En 2016, il y aura une autre révision et on ira aux élections.
On revient sur la démocratie qui est également tributaire du développement, de l’économie, de la politique etc. Qu’est ce qu’il faut concrètement améliorer ?
Vous savez, un processus de développement, c’est sur le long terme. L’opinion, c’est sur l’immédiat. Il faut donc faire la différence entre l’opinion que l’on peut avoir aujourd’hui et le développement à long terme. Le Gabon s’est engagé dans un processus de développement qui prend du temps : les réformes prennent du temps et commencent à produire quelques résultats. Mais il faut insister sur les réformes parce que, encore une fois, sans un peuple bien éduqué, bien informé qui est digne, qui a de l’emploi, on a du mal à établir une vraie démocratie, en lien avec l’économie et le développement. Donc, nous sommes axés sur le développement du pays et la démocratie qui vont de pair. Voilà les enjeux, il ne s’agit pas de s’arrêter avant de continuer. Il faut continuer ensemble.