Dans un Gabon selon lui "pas très loin du chaos", Jean Ping, l’ancien patron de l’Union africaine qui a progressivement rallié l’opposition gabonaise, se dit "candidat à la candidature" d’une opposition jusqu’ici morcelée, pour une "alternance" à la famille Bongo dont il fut très longtemps intime.
Il est temps de mettre fin à une "situation inédite d’un demi-siècle de pouvoir pour une même famille", a déclaré à l’AFP lors d’un passage à Paris celui qui fut pendant un quart de siècle un des plus proches collaborateurs du défunt président Omar Bongo Ondimba avant de rejoindre l’UA (2008-2012) puis de rompre avec Ali Bongo Ondimba, élu en 2009 après le décès de son père.
"Ce n’est pas possible au 21e siècle, on ne peut pas entrer dans l’Histoire en reculant", martèle-t-il en estimant venu le temps de "l’alternance" à la famille Bongo Ondimba, dont il fut un intime. Il est le père des deux enfants de Pascaline, la fille ainée d’Omar Bongo Ondimba.
Selon lui, cette alternance est d’autant plus nécessaire que la Constitution gabonaise ne prévoit pas de "limitation du nombre de mandats".
La Loi fondamentale, adoptée du vivant d’Omar Bongo avec le soutien des barons du régime - dont certains passés depuis dans l’opposition réclament désormais la révision - prévoit un seul tour de scrutin.
Celui qui arrive en tête est élu et une multiplication du nombre de candidats jouerait contre l’opposition face au président sortant. L’élection est prévue au second semestre 2016.
- Unifier l’opposition -
Aujourd’hui, l’ancien ministre des Affaires étrangères (1999-2008) tente de se hisser à la tête d’une opposition fragmentée.
Il se dit "candidat à la candidature" comme une "cinquantaine de prétendants potentiels", issus des trois grandes composantes de l’opposition: le Front de l’opposition pour l’alternance (Fopa), l’Union des forces pour l’alternance (Ufa) et l’union des forces pour le changement (Ufc).
"Nous cherchons à ce qu’il y ait une candidature unique", déclare M. Ping. "La tâche n’est pas aisée mais elle n’est pas insurmontable".
"On ne fait des élections à un tour normalement que dans les pays bi-partisans comme aux Etats-Unis", déplore Jean Ping. "Dans un pays où il y a plusieurs partis, c’est deux tours".
"Commission électorale, listes électorales... tout est complètement biaisé", affirme l’opposant qui souhaite "tout remettre sur la table".
"Nous avons saisi les Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine pour instaurer les conditions de la transparence", rappelle-t-il.
Pour expliquer sa démarche, M. Ping dresse un sombre tableau de l’action d’Ali Bongo Ondimba.
"La situation politique, économique et sociale s’est aggravée: il y a des grèves partout, des manifestants, les élèves ne vont plus à l’école, les syndicats sont en grève, le chômage s’aggrave, les entreprises quittent le pays", accuse-t-il: "on n’est pas très loin du chaos. Et la société civile dit: ça suffit comme ça il faut que cela change".
"Dans un pays de 1,5 million d’habitants avec autant de richesses - pétrole, manganèse, fer, bois - comment comprendre que les Gabonais soient pauvres?", interroge-t-il.
Alors que les prix du baril de pétrole évoluaient "entre 9 et 25 dollars", dans les années 90 et 2000, "les prix ont grimpé jusqu’à 150 dollars" après l’arrivée d’Ali Bongo, avant de redescendre à environ 50 dollars, relève-t-il. "Où est parti tout cet argent, qu’en a-t-on fait?"
"En 52 ans, moins de 3.000 km de routes ont été construits dans le pays. Quand nos voisins, la Guinée équatoriale et d’autres, ont construit des autoroutes, il n’y a pas une seule autoroute au Gabon", énumère Jean Ping.
Omar Bongo a construit "un chemin de fer de 600 km. Depuis lors, il n’y a pas eu un km de voie ferrée". Le Transgabonais, qui relie Franceville à Libreville est entré en service en 1978.