La rencontre organisée les 9 et 10 octobre prochain à Libreville par le journal Libération suscite quelque peu la polémique, notamment sur l’origine des fonds.
A mesure que l’on s’approche de la date du 9 octobre, prévue pour l’ouverture du forum citoyen organisé par le journal Libération, le mécanisme de financement de cet événement suscite des interrogations. «Mais pourquoi le quotidien, dont le lectorat est presque exclusivement français, organise-t-il des forums sur un autre continent ?», interroge-t-on. Après des éditions lucratives à Rennes, Le Havre ou encore Nanterre, notre confrère a décidé de s’exporter vers l’Afrique, précisément au Gabon, avant le Maroc. «Une première piste est à chercher du côté de la raison d’être des forums : les revenus substantiels qu’ils assurent pour le journal», avance le média en ligne arretsurimages.net.
Ces forums sont, en effet, très rentables en France : non seulement les collectivités locales prennent en charge toute la logistique, mais elles versent en plus de coquettes sommes sous la forme «d’achats d’espaces publicitaires». Pour le forum de Rennes, facturé 300 000 euros (près de 200 millions de francs CFA) par exemple, Libération avait empoché un peu plus de 200 000 euros (environ 130 millions de francs), sans compter les partenaires privés. Sauf que les collectivités locales françaises boudent désormais ces évènements, jugés trop coûteux. «La notoriété de la marque « Libération » a chuté au sein [des] collectivités, hypothéquant la reconduite de certains contrats. De surcroît, d’autres médias ont profité du vide laissé par Libé pour s’engouffrer dans la brèche événementielle», analyse Presse News. D’où la décision stratégique de mettre le cap sur l’Afrique, où les modes de financement font débat. «On a posé trois conditions principales à la direction [de Libération] : la transparence du financement, l’implication de la rédaction dans les débats et qu’il n’y ait, à terme, pas de partenaire qui finance à plus de 50% un forum», explique le président de la Société des journalistes et du personnel de Libération, interrogé par @si. «A terme, parce que la direction nous a expliqué que sur les deux premiers forums, ce ne serait pas possible. On a donc demandé à ce que ces deux premiers forums soient une opération blanche [que Libération n’effectue pas de bénéfices dessus, ndlr], ce que la direction a accepté», a poursuivi Lilian Alemagna, qui s’est dit non habilité à répondre à la question du financement.
Egalement interrogée à ce sujet, la directrice du développement de Libération, elle aussi, a botté en touche. «Sur le financement, je ne peux pas vous répondre. Comme vous le savez, il y a une concurrence assez forte sur ce type d’évènements. L’important c’est que toutes les conditions de transparence avec la rédaction et nos partenaires, comme RSF ou Transparency International, soient réunies», a déclaré Valérie Bruschini. Qui est donc le mystérieux partenaire qui finance l’opération à plus de 50% ? Pourquoi le choix du Gabon et du Maroc, pays où la liberté de la presse est loin d’être garantie ?
En effet, le Maroc se situe à la 136e place sur 180, juste devant le Zimbabwe, au classement 2014 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Le Gabon s’en sort à peine mieux, pointant à la 98e place, juste derrière le Kirghizstan. Sur le choix des villes, Valérie Bruschini parle des responsables des pays concernés qui ont approché le journal. «Ils étaient venus aux forums en France et ils s’étaient dit que ce serait génial d’exporter ça», a-t-elle affirmé. Selon La Lettre du Continent, il s’agit notamment d’Yves-Fernand Manfoumbi, haut fonctionnaire en poste à la présidence de la République.