L’homme est discret à Libreville, certains ne l’on jamais croiser mais son nom circule partout dans la capitale gabonaise, notre confrère Gabonreview revient sur ce personnage influent que le président de la République Ali Bongo Ondimba a fait de lui depuis 2011, son directeur de cabinet. Voyage de lecture autour de l’homme.
Le cas Accrombessi, aurait-on pu titrer. Â bientôt 49 ans, Maixent Accrombessi, troisième directeur de cabinet du président de la République après Jean-Pierre Oyiba (octobre – novembre 2009) et Patrice Otha (novembre 2009 – janvier 2011), cristallise critiques et frustrations de toutes sortes.
Que d’articles de presse, de chroniques, de commentaires et d’analyses sur celui qui est considéré par certains comme «l’homme le plus puissant de la République», et par d’autres comme «l’homme le plus détesté du Gabon !» De bonne source, il y a quelques mois, des diplomates occidentaux avaient discrètement œuvré pour que l’intéressé fasse un «geste d’apaisement» -une démission- pour aider Ali Bongo. Sans succès.
Conflits et rapports difficiles avec les collaborateurs du Président
Dans certaines hautes sphères de l’Etat, Maixent Accrombessi est accusé d’avoir pris «le pouvoir que les Gabonais ont donné à Ali Bongo». Même au palais du Bord de mer -le palais de l’indiscrétion-, que de faits reprochés au directeur de cabinet ! En dehors d’un Conseiller Politique qui a laissé entendre que «les informations dont je dispose sont en contradiction avec ce que disent les médias, Accrombessi est tout juste rigoureux et méthodique», de nombreux collaborateurs relatent, dans le menu détail, les humeurs, les colères, les décisions prises par le directeur de cabinet pour se débarrasser de tel ou tel collaborateur, de marginaliser tel autre, de mettre au placard tel autre encore. Selon ces indiscrétions, ses rapports avec le Premier ministre Raymond Ndong Sima étaient exécrables.
On comprend dès lors pourquoi le chef de l’Etat a déclaré à l’hebdomadaire Jeune Afrique qu’il cherchait, depuis six mois, une «perle rare» pour le poste de Premier ministre. Ses relations avec le Secrétaire général sortant de la présidence de la République, Laure Olga Gondjout, n’étaient pas faciles non plus. En public, elles relevaient de la simple courtoisie, mais en privé, Maixent Accrombessi disait à ses interlocuteurs tout le mal qu’il pensait de celle qui est devenue Médiateur de la République -ce qui l’oblige à sortir du Comité permanent du Bureau Politique du PDG et à démissionner du Conseil municipal de Libreville. Est-ce lui qui a voulu, en la faisant nommer à la Médiature, mettre Laure-Olga Gondjout définitivement sous l’éteignoir ? Beaucoup, à la présidence de la République, en sont convaincus. En tout cas, dans le journal en ligne Financialafrik.com, Maixent Accrombessi laisse dire qu’il travaille dix-huit heures par jour ; ce qui n’était pas le cas de Laure-Olga Gondjout. Alors, Laure-Olga Gondjout, une paresseuse ? C’est en tout cas ce qu’il laisse croire. Ses rapports avec François Engongah Owono, le prédécesseur de Laure Gondjout, étaient tout aussi compliqués, tout comme l’étaient ses relations avec Guy-Bertrand Mapangou, alors porte-parole de la présidence. Il y aurait même eu un malentendu avec Sylvia Bongo Ondimba lorsque celle-ci avait décidé de révoquer l’épouse du dircab, Evelyne Diatta Accrombessi, de son poste de directeur de la communication de la Première Dame. Quelques semaines plus tard, Mme Accrombessi, d’origine sénégalaise, fut nommée Conseiller spécial du président de la République. «Même la Première Dame ne peut pas faire révoquer Accrombessi ou un de ses proches», s’indigne un Conseiller spécial du Palais.
Ses rapports avec d’autres personnalités ont aussi été conflictuels. On raconte qu’il avait voulu empêcher Vincent Lébondo Le-Mali, alors président de la Commission nationale de Lutte contre l’Enrichissement illicite, d’être reçu en audience par le chef de l’Etat, au motif que celui-ci n’était pas passé par lui pour obtenir cette audience. Des ministres en exercice ou récemment débarqués du gouvernement confient comment un jour, il leur a parlé au téléphone. Sans la moindre courtoisie. Des directeurs généraux convoqués au Palais pour «se faire remonter les bretelles» avouent avoir été surpris par son manque de retenue verbale. D’anciens collaborateurs de Léon Paul Ngoulakia, alors secrétaire général du Conseil national de sécurité, affirment avoir vu leur chef craquer après une rencontre un peu musclée avec le dircab. Léon Paul Ngoulakia finira par être nommé directeur général de la Caistab. Était-ce une démission ? Un renvoi ?
D’autres sources indiquent qu’il suscite des articles de presse contre certaines personnalités de la République. Il faut dire qu’il serait adossé sur au moins une demi-dizaine de publications. Ses visiteurs de jour et de nuit indiquent qu’il a toujours un mot, une confidence, sur telle ou telle personnalité, et que généralement, il ne s’agit que d’opinions négatives. Des journalistes qu’il a rencontrés, l’année dernière à Paris, disent qu’il est insensible aux articles de presse qui le dépeignent négativement. Ils disent aussi toute la haine que le dircab voue à Pascaline Mferri Bongo, sœur du chef de l’Etat, à Laure Olga Gondjout et à d’autres personnalités de l’entourage du président. En tout cas, très peu de collaborateurs osent l’affronter ouvertement, même lorsqu’ils sont en désaccord avec lui, comme ce Conseiller spécial qui voulait, chaque fois, déposer directement son parapheur au secrétariat particulier du président sans passer par le bureau du dircab pour y prendre son accord. «Rien ne va au bureau du président de la République sans passer par ici», l’a vertement recadré Maixent Accrombessi.
Quelques personnalités font partie de son «pré-carré»
On ne lui connaît que très peu d’amis. Le courant semble passer avec Liban Souleymane, le chef de cabinet du président de la République, Lee White, secrétaire permanent de l’Agence nationale des Parcs nationaux, Jean-Fidèle Adjahou Otandault, directeur général du Contrôle des Charges et des Ressources publiques, Clément Sossa Simawango, président de la Fédération Gabonaise de Boxe, Pacôme Moubélet Boubéya, Etienne Massard Kabinda, Magloire Ngambia et Yves Fernand Manfoumbi. L’actuel ministre du Pétrole et des Hydrocarbures ferait aussi partie de son «pré-carré», ainsi que quelques responsables d’entreprises publiques. Ces personnes occupent des postes de prestige dans l’Etat et dans la nation. «Tous ceux qui sollicitent des faveurs du Palais du Bord de mer veulent le rencontrer pour lui faire du rentre-dedans parce que c’est lui le boss», concède un chargé de mission qui ajoute que «quand vous êtes dans ses bonnes grâces, vous pouvez regarder l’avenir en toute confiance et avoir la vie en rose».
Le «Patrick Buisson» d’Ali Bongo Ondimba ?
On constate toutefois depuis six mois que le directeur de cabinet du président de la République qui conserve toute son influence à la présidence se fait discret. Ce changement de comportement, cette conduite toute nouvelle, lui ont-ils été dictés par Ali Bongo, ou, après tout ce qui a été dit sur lui, le dircab veut-il apparaître sous un manteau sympathique ? En tout cas, trois ans après son arrivée à ce poste, Maixent Accrombessi a, semble-t-il, décidé de changer. Mais face à toutes les critiques que semble concentrer sur lui l’intéressé, Ali Bongo ne se retrouvera-t-il pas, en août 2016, face à un «mur du refus» ? Car si tout ce qui se dit sur son dircab n’est pas vrai, tout n’est pas faux non plus. Maixent Accrombessi est-il le «Patrick Buisson» d’Ali Bongo ? Patrick Buisson est le Conseiller qui fit battre Nicolas Sarkozy pour lui avoir conseillé de «droitiser» sa campagne en mai 2012.