Le manque de compétences et l'inadéquation entre la formation et les besoins du marché expliquent le chômage des jeunes, selon des spécialistes participant à une conférence sur les innovations dans la gouvernance de l'emploi des jeunes tenue à Dakar.
"Les jeunes ne sont pas formés au montage de projets alors que beaucoup d'entreprises fonctionnent sur la base de projets", a soutenu le directeur du Fonds national de l'emploi du Cameroun, Pierre Tekapsso.
"Il faut savoir monter un projet parce que sans cette qualification il n'est pas possible d'avoir des financements pour son entreprise", a-t-il expliqué.
Selon lui, "il manque également aux chercheurs d'emplois des informations sur le fonctionnement du marché du travail".
"Il faut fournir aux jeunes de la documentation et développer une politique qui les rapproche des entreprises pour qu'ils aient plus de chances d'être recrutés", a-t-il suggéré.
Cependant, "le souci des entreprises n'est pas de payer des salaires", a-t-il relevé avant d'estimer que "les employeurs doivent bien rémunérer les employés pour les fidéliser et les motiver afin de sauvegarder les emplois".
De son côté, la représentante de Teranga Gold (société qui exploite l'or Kédougou, sud-est du Sénégal) a souligné qu'"il y a un problème de main d'œuvre qualifiée dans le secteur industriel" qui n'a besoin pas que d'ouvriers.
Pour elle, "il faut également revoir les contrats de prestations accordés aux employés qui devraient normalement aller à la retraite et qui prennent la place de nombreux jeunes à la recherche d'emplois".
Le sous-ministre adjoint à Emploi-Québec, Martine Bégin, a pour sa part considéré qu'"il est important d'utiliser l'ensemble des compétences des différentes générations, particulièrement les jeunes".
Toutefois, a-t-elle fait remarquer, "il y a une inadéquation entre les besoins des entreprises et les compétences de la main d'œuvre disponible".
"L'orientation professionnelle ne doit pas être négligée. Il est important de former les jeunes à des métiers où il y a des besoins", a-t-elle soutenu.
"Il y a des abandons dans la formation professionnelle et nous pensons qu'il faut accompagner les employeurs africains prêts à engager des jeunes sans diplômes", a-t-elle ajouté.
"Au Québec, on a des carrefours qui sont des plateformes de rencontre permettant de conseiller les jeunes à rester à l'école et même à entreprendre leurs propres affaires", a-t-elle expliqué.
"On essaie aussi de prévenir les décrochages scolaires en travaillant avec les établissements afin de faciliter l'insertion professionnelle des jeunes", a-t-elle ajouté.
"L'écart entre les besoins des entreprises et le nombre de diplômés sur le marché est aussi énorme en Afrique", a, de son côté, soutenu le vice-président de la Commission Emploi du Conseil national du Patronat du Sénégal, Abdoulaye Sarr.
"90% des diplômés chôment ou ont des occupations et non des emplois", a-t-il souligné, parlant de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
"Chaque année, il y a 6.000 étudiants orientés à la Faculté des sciences économiques et de gestion alors qu'il n'y a pas assez d'entreprises pour absorber autant de diplômés", a-t-il expliqué.
"Le Sénégal a certes besoin d'économistes mais ses besoins sont minimes par rapport à ce nombre important de diplômés", a-t-il précisé.
"Il faut aussi diminuer les heures de cours magistraux au profit de stages dans les entreprises et que ces heures de stage soient également homologuées comme faisant partie de la formation", a-t-il suggéré.
Selon M. Sarr, "le cadre législatif n'est pas également approprié dans les pays africains et la loi n'accorde pas de facilité fiscale dans certains secteurs pour permettre aux entreprises de recruter beaucoup de demandeurs d'emplois et de payer des salaires élevés".
"Il faut donc encourager l'auto-emploi, mais le passage par la formation et le stage dans une entreprise sont très importants", a-t-il conclu.