Faisant mine de dénoncer, avec une rare violence, le mode de gestion de Zacharie Myboto, le secrétaire exécutif adjoint de l’Union nationale a affirmé qu’une sorte de régime «autocratique» et «patrimonial» s’est installé au sein de ce parti, avant de s’afficher quelques heures plus tard aux côtés de Jean Ping. De quoi semer doute, trouble et de nuire à l’unité de l’opposition…
Quatre mois seulement après le décès d’André Mba Obame, l’Union nationale (UN) traverse une zone de turbulences et l’opposition semble manquer de cohérence. Accusations, invectives à peine voilées, manquements à la discipline, entêtement des uns et silence coupable des autres, l’image de l’opposition et de sa principale force n’est pas la meilleure qui soit. Pour cause : après l’épisode désobligeant de Bitam lors des législatives partielles, celui du soutien douteux de Jean Eyeghe Ndong à Jean Ping, place à celui mettant en scène Gérard Ella Nguema.
Comme si le ridicule n’avait pas déjà atteint son paroxysme, celui qui se prévaut encore du titre de secrétaire exécutif adjoint, s’est fendu d’un discours à charge contre la principale autorité de son propre parti : Zacharie Myboto, dont il récuse aujourd’hui le mode de gestion. «Plutôt que de construire démocratiquement le parti par des fondations que sont les cellules de base, conformément aux dispositions, le président a fait le choix de le construire par le haut et en violation flagrante des dispositions pertinentes et clairs des textes», a-t-il accusé le 5 septembre dernier, à la faveur d’une conférence de presse, avant de s’afficher aux côtés de Jean Ping pour le lancement de la «Dynamique gabonaise des femmes». (lire par ailleurs Désiré Clitandre)
Des initiatives que l’auteur prétend assumer pleinement, quitte à risquer le conseil de discipline voire la suspension de son parti ou à semer la zizanie au sein du Front de l’opposition pour l’alternance. Pour l’heure, Gérard Ella Nguema se dit préoccupé par les nominations au sein de son parti. Des nominations, dont le procédé, a-t-il dit, «indique un état d’esprit et la volonté de mettre le parti sous tutelle, [d’autant que] les personnes nommées doivent leur position au chef et non à la base ou au congrès». Or, lui, demande et exige qu’un congrès soit organisé dans les plus brefs délais. «Je dis haut et fort que je conteste ces nominations», a-t-il lancé, disant ne reconnaître comme vice-présidents que Jean Eyeghe Ndong, Casimir Oye Mba et Jean Ntoutoume Ngoua, «qui ont la légitimité de l’assemblée générale constitutive». Pour lui, il y a comme «une volonté de reconstruire l’UGDD [Union gabonaise de la démocratie et du développement, ancien parti fondé par Zacharie Myboto et dissous à la faveur de la création de l’UN, ndlr.], au détriment d’autres groupes, qui ont contribué à créer l’Union nationale». Il en veut pour preuve la nomination de Paul-Marie Gondjout à la tête de la commission chargée de l’administration.
Feignant de croire en sa démarche, Gérard Ella Nguema estime que cette nouvelle commission «n’avait pas sa raison d’être au milieu des quatre autres commissions thématiques», parce que, pense-t-il, «l’administration du parti relève de la responsabilité du secrétaire exécutif». Les instances de l’UN songeraient-elles à écarter petit à petit l’adjoint du défunt André Mba Obame, que d’aucuns trouvent intenable et irrespectueux de ses aînés ? C’est dire que l’épisode de la friction avec Jean Eyéghé Ndong aux locales de 2013 est resté gravé dans les mémoires, et Gérard Ella Nguéma vient de conforter le jugement de ses contempteurs, non sans entacher au passage la réputation de son parti, jusque-là restée relativement intacte. Pis : au regard du timing et de son agenda du jour, sa sortie laisse songeur et ne contribue nullement à la quête d’unité de l’opposition.
Mais Gérard Ella Nguema tente de se le convaincre : des gens veulent l’évincer. Aussi, a-t-il tenu à rappeler que «l’opposition n’a pas de propriétaire. Ce n’est pas un titre foncier, c’est une posture que l’on adopte librement pour un idéal. Ce n’est non plus une mafia avec le parrain ou des parrains vers qui on doit aller chercher la bénédiction ou l’autorisation pour une action». Tout reste à savoir si sa «posture» est la plus appropriée, alors que le parti qui a subi une lourde perte en avril dernier, tente de se reconstruire et que l’opposition essaie de se rassembler. De même, le silence affiché par le président de l’UN à moins d’un an de la présidentielle de 2016, les agissements pour le moins suspects des uns et des autres, portent à croire que la vie de ce parti et de l’opposition n’est pas un fleuve tranquille. Une bonne chose pour certaines formations et personnalités, qui doivent bien attiser le feu en sous main, comme en témoigne l’agenda de Gérard Ella Nguéma ce même 5 septembre. Fallait-il vraiment s’en prendre avec autant de violence à son parti en matinée pour s’afficher quelques heures plus tard aux côtés de Jean Ping ? La question reste posée et laisse libre cours à toutes les interprétations.