Réservé par l’organisation de la tournée de Jean Ping dans le Woleu-Ntem, l’hôtel Le Minkébé à Oyem lui a été refusé au dernier moment, une ONG très proche du pouvoir l’ayant coiffé au poteau. Un scénario transpirant le trafic d’influence, dans une province truffée d’agents des services de renseignement.
Achevée le 29 août dernier, la tournée marathon de Jean Ping dans le Woleu-Ntem n’aura pas été une ballade de santé. Outre qu’il lui fallait s’ébranler aux aurores pour rallier l’étape suivante, la caravane ne s’arrêtait que la nuit tombée après les meetings, causeries et consultations des notables des villes et villages traversés. Scruté par le pouvoir, l’évènement était tout de même évité par certains, forts de ce que tous les agents de renseignement, en mission dans le Septentrion pour la supervision du double scrutin partiel du 8 août dernier à Bitam et Medouneu, avaient été priés de rester dans la province pour «espionner les gens» à l’arrivée de Jean Ping, selon l’expression d’un élu municipal d’Oyem.
Organisée en période de vacances, de nombreux cadres de l’administration, du parapublic et du secteur privé se trouvaient dans la province. Disséminés dans les foules, les agents des services spéciaux «notaient et filmaient tous ceux qui sont proches ou doivent quelque chose au PDG (Parti démocratique gabonais – ndlr) et osaient aller à la rencontre de Ping», raconte le même élu du chef-lieu du Woleu-Ntem, poursuivant : «certains cadres de la province sont restés coincés dans leurs maisons pour ne pas être vus autour de la visite de Jean Ping dans leurs villages. On ne sait jamais à quelles représailles on s’expose dans ce pays où nombreux de ceux qui avaient soutenu André Mba Obame lors de l’élection présidentielle de 2009 ont été mis au chômage et le sont encore six ans plus tard». L’ancien président de la Commission de l’Union africaine ferait-il donc si peur pour causer une telle psychose dans les cercles du pouvoir ?
Un fait des plus truculents ayant marqué cette tournée est la tribulation vécue à Oyem par Jean Ping et les personnalités politiques qui l’accompagnaient : alors qu’ils avaient réservé, depuis près d’un mois, l’hôtel Le Minkébé, ils n’ont pu y séjourner. Arrivé dans la capitale provinciale du Woleu-Ntem, selon un militant de l’Union nationale, «pour créer un contre-évènement à la tournée de Jean Ping», Hervé Ndong Nguéma, leader et principal animateur de l’ONG Convergence pour l’unité, a effectué une descente dans le même hôtel, indiquant à son promoteur, Barnabé Mebaley Mba Menié, que les hautes autorités du pays lui intimaient l’ordre de ne pas y recevoir la délégation de Jean Ping. Embarrassé par la situation et ne voulant pas fausser l’engagement pris avec les organisateurs de la tournée de Ping, sieur Barnabé Mebaley, au demeurant inspecteur général au ministère de l’Economie, a vite été ramené à l’ordre par une intervention téléphonique du gouverneur de la province. L’ancien ministre des affaires étrangères et les siens se sont donc vus refuser un hôtel qu’ils avaient fait réserver et ont dû aller voir ailleurs. «Il n’est pas question que Jean Ping dorme dans l’hôtel d’un membre du PDG», aurait-on signifié au patron du Minkébé, selon un pensionnaire de l’hôtel qui aurait tout suivi.
L’ONG Convergence pour l’unité, qui organisait dans la province, du 21 au 23 août 2015, une caravane médicale sous le thème «Woleu 2015, Merci Ya Maixent», a ainsi pris ses quartiers dans un hôtel pourtant réservé bien avant par Jean Ping. Dur dur d’être opposant !
Tout aussi déplorable est la situation du promoteur de l’hôtel disputé : il est toujours dans l’attente du règlement d’une facture relative à l’occupation de l’établissement lors des obsèques, dans la province, de Sullivan Bongo Ondimba en septembre 2013. L’on ose croire que le directoire de l’ONG Convergence pour l’unité, qui comptait pour cette mission dans le Septentrion, Samuel Ngoua Ngou, directeur adjoint du cabinet du président de la République, et Eloi Nzondo, conseiller politique du président de la République, ne traînera pas elle aussi l’ardoise de cette occupation au forcing du Minkébé qui sonne comme un trafic d’influence. Jean Ping aurait, assurément, payé comptant.