La garde à vue du directeur de cabinet du président de la République pourrait avoir des raisons inavouées.
Controversé, critiqué, mais généralement craint, Maixent Accrombessi a tout connu depuis maintenant six ans. Bien qu’il ait constamment été soumis au feu nourri de la presse, l’épreuve actuelle est manifestement la pire de toutes. Bénéficiant de la confiance du président de la République, présenté comme la plaque tournante de la présidence de la République, il a été gardé à vue pour «corruption d’agent public étranger» et «blanchiment». L’affaire se déroule en France où la présomption d’innocence est un sacro-saint principe juridique. Mais, être publiquement mis en cause par la justice d’une grande démocratie ne doit pas être facile. Qu’on le veuille ou non, c’est une mauvaise passe pour celui que l’on présentait jusque-là comme un passe-muraille. A un an de la prochaine élection présidentielle c’est aussi un coup dur pour le président de la République. Quand bien même Maixent Accrombessi a fini par être libéré et même si l’enquête venait à le blanchir, tout cela laissera inévitablement des traces. Il subsistera toujours des soupçons sur sa moralité, son rapport à l’argent et naturellement sur la gouvernance d’Ali Bongo.
Derrière l’arrestation du directeur de cabinet du président de la République, trois destins se jouent en même temps. D’abord, celui du principal concerné. Ensuite celui de son patron et mentor. Enfin celui des relations entre la majorité au pouvoir et l’Etat français. Ayant été de toutes les combinaisons, de toutes les négociations depuis 2009, Maixent Accrombessi peut toujours compter sur ses soutiens traditionnels. Il peut espérer qu’il se trouvera toujours un avocat rompu aux procédures pour enrayer l’enquête en cours. Mais, il pourrait bien être confronté à la jurisprudence Oyiba. «Jean-Pierre Oyiba ayant dû démissionner de son poste de directeur de cabinet quand il fut mis en cause dans l’affaire BEAC, Accrombessi aura du mal à ne pas faire de même», analyse un enseignant de droit à l’UOB, poursuivant : «Cette affaire a tout d’un message. Visiblement, il y a autre chose derrière».
Causes insoupçonnées
Au-delà du mis en cause, l’onde de choc pourrait effectivement atteindre Ali Bongo. A un an de la fin de son mandat, alors que certains de ses proches fourbissent déjà leurs armes pour la prochaine présidentielle, le président de la République a de quoi s’interroger. A travers son directeur de cabinet, c’est sa personne qui pourrait être visée. Comment croire au soutien de la France quand son bras droit se trouve ainsi traité ? Peut-il y voir un avertissement et, pourquoi pas, une mesure de rétorsion ? Si son mandat a été marqué par une ouverture tous azimuts à d’autres horizons, il a aussi été celui durant lequel la major pétrolière française Total, entreprise emblématique s’il s’en trouve, a été accusée de fraude fiscale au Gabon. Et, en dépit de la mise en œuvre de l’accord de conversion de dette pour la protection de la forêt gabonaise, la fin de l’exportation du bois en grumes n’a pas toujours été du goût des forestiers, principalement les opérateurs historiques à capitaux français. En clair, sous Ali Bongo, l’influence de la France dans les milieux d’affaires au Gabon est allée déclinant. Ceci pourrait-il expliquer cela ? On ne saurait être définitif…
N’empêche, en privé, de nombreux opérateurs économiques Français n’ont pas de mots assez durs pour fustiger les choix économiques actuels : «On ne peut, dans le même temps, exiger une transformation du bois sur place et remplacer les traverses en bois du chemin de fer par des blocs de béton», peste un cadre de Rougier, qui ajoute : «Nous sommes des éleveurs et pas des bouchers. Nous ne pouvons pas nous reconvertir du jour au lendemain. A l’allure où vont les choses, bientôt ce sera la clé sous le paillasson».
«Il y a comme un acharnement de la France contre le pouvoir gabonais», note un journaliste à la retraite qui rappelle la séquestration, en avril dernier, du Boeing 777 du président de la République gabonaise par les autorités judiciaires françaises ; les écoutes et retranscriptions, de juillet 2013 à octobre 2014, par la police française, des conversations entre Ali Bongo et Michel Tomi ; la traque en France par des magistrats anticorruption et les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), des acquisitions en tout genre de la famille Bongo, et la fouille «anti-diplomatique» de certaines personnalités gabonaises proches du pouvoir, à l’instar du secrétaire général de la Présidence ou d’un membre du cabinet de la Première dame du Gabon, dernièrement fouillés à la loupe dans des aéroports français.
Au sujet de la fâcheuse péripétie de Maixent Accrombessi, la présidence gabonaise qui a protesté «vivement contre cette manière de faire qui devient récurrente et viole les principes fondamentaux et les pratiques du droit international» n’a d’ailleurs pas manqué de dénoncer «une mise en scène dont le seul but était d’humilier l’intéressé, et, par delà sa personne et sa fonction, de porter atteinte à la République Gabonaise.»
Manifestement, la garde à vue du directeur de cabinet du président de la République pourrait avoir des causes et sous-causes insoupçonnés. Dans tous les cas, elle a nécessairement des implications politiques. Quelle image la majorité au pouvoir donne-t-elle et renvoie-t-elle quand des télévisions internationales, principalement françaises, diffusent en boucle une telle information ? Désastreuse dans l’opinion nationale, cette information l’est aussi au plan international. Si la garde à vue a été levée, le 3 août courant aux alentours de 21 h, il n’empêche que le sort de Maixent Accrombessi dépend désormais des autorités et instances françaises. Pas de quoi réjouir Ali Bongo, à un an de la présidentielle…