Qu’elle est loin, l’année 2009 à laquelle Ali Bongo Ondimba accéda au pouvoir, battant par la voie des urnes, Pierre Mamboundou et André Mba Obame. Demain, 2016 qui s’annonce déjà dans un torrent de contestations sociales qui touchent l’essentiel de la société active, en dépit de la nouvelle grille de rémunération conçue, disent certains, à des fins électoralistes, car arguent- ils, pourquoi avoir attendu que l’on soit à l’aube de l’année qui arrive pour adopter un comportement visiblement populiste ?
Les erreurs managériales sans cesse observées et à imputer aux « Emergents », erreurs relevées lors de la présentation des vœux au chef de l’Etat par lui-même Ali Bongo Ondimba l’an dernier encore, militent en faveur du pessimisme ambiant qui gagne ses compatriotes, las d’attendre la mise en musique véritable de l’ambitieux projet de société « l’Avenir en confiance », à savoir, lorsque l’on se place dans une posture pratique, la traduction dans les faits du triptyque « Gabon vert, Gabon industriel et Gabon des services ».
En d’autres termes, plus d’un Gabonais parmi ceux qui refusent d’être ironiques et préfèrent la vérité à la fausseté, se demande comment est gérée la forêt, la faune et la flore ? Qu’est-ce qu’il en est de la zone économique spéciale, ZES, de N’Kok ? Quand les « ailes du perroquet vert » voleront- elles encore dans le ciel ?
Certes, leur répondra-t-on, cette situation est héritée d’Omar Bongo Ondimba et ses compagnons dont certains sont désormais blottis dans l’Union nationale, mais force est de reconnaître qu’au travers des promesses faites et des moyens dont le pays disposait en 2009, des réalisations auraient pu voir le jour si les gouvernements qui se sont succédés étaient essentiellement composés d’hommes pragmatiques au fait des réalités gabonaises.
Car il se susurre que beaucoup de membres des différentes équipes depuis celle de Paul Biyoghe Mba à celle du Professeur Daniel Ona Ondo en passant par celle de Raymond Ndong Sima, pour technocrates qu’ils puissent être, n’ont pas l’habitude du terrain et se demandent même visiblement pour certains que sont- ils réellement venus faire dans cette « galère » qui les éloigne tant de leurs vieilles habitudes.
C’est qu’il n’est pas facile de s’improviser ministre si l’on tient compte de l’étymologie du mot qui renvoie à une connotation religieuse et à la notion de serviteur. D’aucuns parmi eux avanceront, comme cela se dit dans les quartiers, qu’ils n’ont aucune marge de manœuvre.
Pourquoi alors acceptent- ils de se taire sans revendiquer quand on sait le pays démocratique ? Faute de connaissance ou de caractère ? Ali Bongo Ondimba n’est pourtant pas Omar Bongo Ondimba qui avait pour coutume de confondre ses collaborateurs, même si… On entend dire ci et là que sa méthode diverge de celle de feu son père, mais qu’est- ce qui finalement constitue un facteur bloquant ? Des langues confessent qu’il est aujourd’hui plus qu’hier, comme l’a été son père avant lui, prisonnier de son système, créateur comme Omar Bongo Ondimba de « roitelets » dont les projets essentiellement égoïstes menacent l’équilibre de l’Etat au sens où il est constitué d’un territoire, d’une population et d’une organisation, mais aussi de la nation qui recouvre l’idée du « vivre ensemble dans l’harmonie». C’est parce qu’il était conscient, sagesse africaine aidant, que le mal ne vient pas de loin qu’Omar Bongo Ondimba comprit comme Guy Nzouba Ndama qu’il avait pendant de longues années élevé des souris dans ses sacs d’arachide. D’où son amertume au soir de sa vie traduite dans ce propos « Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire ». Lui, qui croyait si bien faire en invitant et associant toutes les énergies à son action sans souvent en tirer les dividendes. Sinon la bataille pour sa succession, en dehors du fait qu’il ait su mettre en place des dispositions constitutionnelles, ne se serait pas posé avec acuité. On se souvient du scandale né au sujet de l’investiture d’Ali Bongo Ondimba comme candidat PDG à la présidentielle de 2009.
L’opinion gabonaise attend une sorte de retour d’ascenseur, elle, qui milite en faveur de la paix en tant que facteur de développement. C’est pourquoi elle s’oppose à la politique des castes ou des clans, privilégiant celle des nationalismes en tant qu’attitude adoptée par ceux des leaders qui emboitent le pas au père de la nation Léon Mba dans son credo de « Gabon d’Abord ».
Omar Bongo Ondimba s’était essayé en intégrant dans sa dynamique des femmes et hommes qui émettaient et pourtant des points de vue différents des siens, qui avaient, à les entendre parler, une autre vision du Gabon : « l’école cadeau, l’hôpital cadeau… » Le tout cadeau de Paul Mba Abessole par exemple sans succès malheureusement puisqu’au lieu de peser de tout leur poids lorsqu’ils ont été associés aux affaires pour que naissent des outils comme la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale, CNAMGS, c’est plutôt à une personnalité controversée Maître Louis Gaston Mayila que l’on doit la naissance de cette institution.
Comment presser le développement du Gabon ?
Cependant, Omar Bongo Ondimba avait coutume de dire qu’il était pour la critique lorsqu’elle était suivie de propositions. Et c’est justement ces propositions dont doit avoir besoin ce Gabon qui aspire à l’Emergence. La sagesse africaine nous apprend que ce ne sont pas les hommes que l’on hait, mais les mauvaises habitudes.
Fort de cela, il serait souhaitable que sur la base du Dialogue, de la Tolérance et de la Paix, le Gabon navigue dans le sens du respect et de la défense de ses institutions, mais aussi dans celui de la valorisation de son élite.
D’où l’admiration que suscitent en nous des œuvres telle celle du Professeur Patrick Mouguiama Daouda « Un silure dans la nasse » qui est une réfutation scientifique et méthodique des « Nouvelles affaires africaines » de Pierre Péan qui vise à édulcorer l’image de tout un pays en partant d’une peinture orientée de personnalités expressément choisies. La même posture, nous l’adoptons face aux œuvres de l’ancien ministre, homme politique de l’opposition Professeur Pierre- André Kombila Koumba, éminent cardiologue qui dans « Une autre vision du Gabon » part d’un constat amer et sans complaisance peignant la réalité gabonaise dans son ensemble pour ensuite se projeter vers l’avenir, souhaitant à l’occasion à son pays de s’inspirer de ses écrits et de son expérience pour se « reconstruire ». Que dire de « Quel renouveau pour le Gabon ? » de l’ancien Premier ministre Raymond Ndong Sima, spécialiste d’économétrie qui pose un diagnostic sur la gestion de son pays qu’il demande à être dirigé autrement que par des méthodes plus que jamais décriées si tant est que ses dirigeants ou tous ceux qui se sentent investis du devoir de lui apporter leur savoir- faire tiennent à le voir retrouver les cinq BRICS, pays émergents.
Pour ce faire, le Gabon a besoin des toutes les intelligences de quelque bord politique qu’elles soient et quelque soit l’âge de chacun, la sagesse africaine nous apprenant que ce que le vieux voit assis, le jeune le voit debout.
Tout cela passe par un toilettage des esprits au sein du PDG dans lequel la sérénité doit être de mise si l’on veut éviter qu’il ne soit ce monstre à plusieurs tentacules que l’on décrit, n’observe-t-on pas par exemple que parce qu’il est victime de la transhumance, son mode de pensée se retrouve ailleurs que dans le parti même si là où ils sont, ils se proclament d’un autre bord politique. C’est qu’ils sont peut- être prêts à revenir dans la maison du père dont les portes sont restées malgré les scissions, grandement ouvertes, dixit Ali Bongo Ondimba.