La nouvelle application de la réforme du mode de gestion des agents de l’Etat est imparfaite, incomplète et insaisissable, mais elle est là. Le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, maître d’œuvre de cette réforme, a eu le mérite de la mettre en place. On peut le dire : il fait partie de la petite demi-douzaine de ministres qui se sont distingués depuis les «années Emergence». Et les autres ministres de l’Emergence ?
Cinq équipes gouvernementales cornaquées par trois Premiers ministres, se sont succédé depuis octobre 2009. Depuis le premier gouvernement de Paul Biyoghé Mba d’octobre 2009, composé de 31 membres, quarante-neuf autres personnalités se sont ajoutées remaniement après remaniement, alors que tous les ministres, à l’exception de Blaise Louembé ayant servi sous Omar Bongo, quittaient les gouvernements Ali Bongo. De ces onze ministres en effet (Paul Biyoghé Mba, René Ndemezo’Obiang, Paul Toungui, Angélique Ngoma, Flavien Nzengui Nzoundou, Jean-François Ndongou, Emile Doumba, Martin Mabala, Laure Olga Gondjout, Paul Bunduku Latha), seul l’actuel ministre des Sports – Blaise Louembé – est parvenu à s’y maintenir. Au total, ce sont 80 personnalités exactement qui ont été appelées à servir au gouvernement depuis 2009, mais très peu d’entre elles se sont distinguées ou ont tracé des sillons pour laisser leur nom dans l’histoire.
Très peu de ministres sont parvenus à s’imposer par leur action gouvernementale
Parmi elles, on peut citer Léon Nzouba qui, au ministère des Travaux Publics et des Infrastructures, a lancé de grands travaux qui font aujourd’hui la fierté des Emergents, notamment le stade de l’Amitié sino-gabonaise, la poursuite des travaux routiers dans le sud du Gabon. Honorine Nzet Biteghé, elle, a mis en place une grande politique de la Famille, marquée notamment par la création de l’Observatoire national de Protection des Droits de la Famille. Il y a aussi Régis Immongault qui laissera à la postérité une Stratégie nationale d’Industrialisation (SNI) qui, dotée de moyens financiers pour sa concrétisation effective, permettrait de moderniser durablement le tissu économique national. Alexandre Barro Chambrier, bien que n’ayant mis que treize mois comme ministre des Mines et du Pétrole entre janvier 2011 et février 2012, a lancé la rénovation et le toilettage des textes relatifs au secteur pétrolier, notamment le Code des Hydrocarbures. C’est sur ce dispositif que s’appuie aujourd’hui le gouvernement. Malgré son passage bref au ministère de la Prévoyance sociale, entre janvier et octobre 2014, et en dépit de relations «compliquées» avec le Premier ministre Daniel Ona Ondo, Brigitte Anguillet Mba a donné une dimension tout autre à la célébration de la Journée internationale des Veuves, dans un pays où la veuve est – copieusement et avec gourmandise – spoliée. Il fallait associer tous les acteurs de la protection de la veuve pour une harmonisation des dispositifs, et Brigitte Anguillet Mba a su le faire. Dans l’équipe actuelle, c’est Jean-Marie Ogandaga qui apparaît comme «la personnalité la plus marquante» avec la mise en place de ce nouveau système de rémunération.
Puis vint Jean-Marie Ogandaga
Pourtant, comme indiqué plus haut, tout n’est pas parfait dans cette réforme. Elle compte même des insuffisances, notamment cette volonté affirmée de faire de l’agent de l’Etat un pigiste payé au trentième – une disposition qui pourrait, à terme, lui causer des soucis, du fait de sa rigidité. Mais Jean-Marie Ogandaga, 50 ans, ancien élève de l’Institut de l’Economie et des Finances, a le mérite d’avoir réussi à la mettre en place contre certains lobbies du ministère du Budget qui craignaient de voir «sauter la baraque» en raison des tensions de trésorerie actuelles. Ce ne fut pas facile pour lui. Ses anciens amis du ministère du Budget où il avait servi comme directeur de la Solde, puis plus tard comme Conseiller chargé des Rémunérations, ne lui ont pas toujours facilité la tâche. Il sait aujourd’hui, en son for intérieur, que la solidarité au gouvernement, il faut se battre pour l’avoir. Et sa méthode, pour contrecarrer les obstacles, a consisté pour lui à organiser des séances de travail avec certaines corporations et avec des membres du gouvernement, ainsi qu’avec les hauts responsables de l’administration publique. Il lui a fallu aussi prendre à témoin l’opinion à travers des émissions comme celle de jeudi dernier, à une heure de grande écoute, sur la principale chaîne publique de télévision.
De gros flops !
L’action de Jean-Marie Ogandaga ne doit pas faire oublier qu’il y a de «gros flops» dans l’équipe gouvernementale. Emmanuel Issozé Ngondet, bien qu’auréolé d’un passé de diplomate, n’a pas réussi, depuis deux ans et demi, à imprimer une marque positive au ministère des Affaires étrangères. Ses relations avec son ministre délégué ne sont pas sereines, en dépit des apparences. Toujours à la recherche du «conflit», l’ancien élève du CUSPOD ne parvient pas à redonner à la diplomatie gabonaise son lustre d’antan. Autre flop : Pastor Ngoua N’Neme. L’actuel chef du département de l’Economie numérique, qui devait être le grand ministre que ce secteur attendait, s’est tellement englué dans la politique bitamoise pour «éliminer» à tout prix René Ndemezo’Obiang que son action gouvernementale est devenue illisible et invisible ! Pour sa part, après son départ du ministère de l’Economie, Luc Oyoubi en fait trop peu au département de l’Agriculture. Récemment, lors d’une interpellation des membres du gouvernement à l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama l’a assommé d’un «Monsieur le Ministre, tout ce que vous avez dit ce matin, c’est de la littérature, on vous a demandé pourquoi le prix du kilo de poisson est si cher, et vous, vous venez faire de la littérature». Christian Magnagna, lui, passe pour le «Monsieur Mensonge» du gouvernement en raison de sa propension à trop user de la langue de bois, dont il se serait fait le spécialiste. Pacôme Moubélet Boubéya, Paulette Mengue m’Owono, Ida Réténo Assonouet, Etienne Ngoubou, Nelson Messone, Guy-Bertrand Mapangou, eux aussi, apparaissent quelque peu décevants. Mais le plus gros flop est certainement Magloire Ngambia. De son action, «on ne voit rien, on entend rien, on ne dit rien». Et puis, les tonnes de sable déversées sur le Champ Triomphal ne le servent pas… C’est le symbole de son échec. Ernest Mpouho Epigat, ministre de la Défense, lui, apparaît de plus en plus comme «le bras armé» du gouvernement… au lieu d’être le ministre de la sécurisation des frontières. Denise Mekam’ne, elle, est attendue sur la réforme de l’audiovisuel public.
Quelques belles promesses
Ruffin Moussavou, ministre de la Culture, des Arts et de l’Education civique, laisse entrevoir une volonté de réformer ce secteur. De même, Alexandre Désiré Tapoyo, ministre des Gabonais de l’Etranger, et Christophe Akagha Mba, ministre des Mines, de l’Industrie et du Tourisme, donnent des signes prometteurs.