La crise persiste au sein du PDG. En effet, alors que Faustin Boukoubi, le secrétaire général du parti cinquantenaire, n’a pas fini de décolérer contre l’hebdomadaire La Doc’, un journal proche de la présidence de la République, qui, dans ses deux dernières parutions, l’accuse d’avoir «enlevé son corps» après avoir discrètement soutenu le mouvement «Héritage et Modernité», les initiateurs de ce courant se montrent, eux, déterminés à renforcer leurs positions.
C’est d’abord Michel Menga, ancien ministre et ancien secrétaire général adjoint du PDG, qui a indiqué, il y a quelques semaines, que si l’on ne tenait pas compte de leurs propositions sur la marche du parti et sur la gouvernance politique actuelle, les membres d’Héritage et Modernité en tireraient «les conséquences». Ce qui n’avait pas manqué de faire sourire l’un des coordonnateurs du Mouvement gabonais pour Ali Bongo (Mogabo)… Quelques jours plus tôt, après la célèbre déclaration du 27 juin, ce coordonnateur affirmait «ceux-là, nous allons les écraser». Mais, on peut le dire, l’intéressé s’est lourdement trompé : les initiateurs d’Héritage et Modernité sont déterminés à poursuivre leur action. Et ils ne s’en cachent pas.
Dans la dernière livraison de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique (daté du 19-25 juillet 2015), Serge Maurice Mabiala est clair, et son propos est sans ambigüité. L’ancien ministre et ancien directeur adjoint du cabinet du président de la République, qui est un éminent membre du mouvement sus-cité, affirme qu’il n’est pas question pour Héritage et Modernité de s’auto-dissoudre. Se voulant cinglant, Serge Maurice Mabiala estime que «nous n’avons pas créé un courant, mais un rassemblement sur un socle d’idées ; ce rassemblement est immatériel, donc indissoluble, et il bénéficie d’un capital de confiance que nous entendons encore renforcer». «Renforcer le capital-confiance»… pas moins que ça !
Pour sa part, Alexandre Barro Chambrier, le leader de ce rassemblement, enfonce le clou. Il souligne «qu’il ne faut pas sous-estimer ce mouvement ; j’ai avec moi des cadres de l’Administration, des retraités, on nous soutient au Sénat, à l’Assemblée nationale et même dans la société civile». Le Professeur agrégé d’économie réclame «un retour au dialogue et à la tolérance, ces valeurs léguées par Omar Bongo (…) on ne peut pas faire comme si tout avait commencé en 2009». Reconnaissant que le PDG suscite un rejet auprès de certains compatriotes du fait des circonstances qui n’ont pas permis sa modernisation, Alexandre Barro Chambrier estime que «la mise en œuvre du projet de société (PSGE – ndlr) n’est pas satisfaisante».
Le mouvement «indissoluble» sera-t-il capable de «briser l’armure» ?
Jusqu’où peut aller ce mouvement ? Lors de la réunion du Comité permanent du Bureau politique du PDG, le 1er juillet dernier, à la présidence de la République, un grand nombre des membres de cette instance du parti, s’exprimant avec franchise, ont dénoncé ce qui leur apparaissait comme une marginalisation du secrétariat exécutif au profit de personnes «à la légitimité politique douteuse et à la compétence technocratique toujours attendue». Jusqu’où donc peut aller ce mouvement qui a très vite gagné en popularité au sein de l’opinion ? Avec son socle d’idées, avec ses (nombreux) cadres de l’Administration, ses retraités, ses soutiens divers et variés parmi les élus nationaux et au-delà, Héritage et Modernité qui se veut «indissoluble», va-t-il «briser l’armure» et aller jusqu’à s’autonomiser si ses propositions ne sont pas prises en compte ? Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga, Serge Maurice Mabiala, Philippe Nzenguet Mayila, Vincent Gondjout, Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, Alexis Boutamba Mbina, Michel Mboumi, Vincent Ella Menié et les autres peuvent-ils aller jusqu’à une «révolution de palais» ? Une révolution qui les amènerait à s’opposer éventuellement à la candidature d’un «candidat naturel» ? Ils répondraient qu’on n’en est pas encore là, mais…
Popularité et estime
La ligne de fracture entre Héritage et Modernité et l’entourage du président du PDG est en fait plus profonde qu’une certaine opinion l’avait cru. La détermination qui se lit à travers les déclarations des membres d’Héritage et Modernité montre à quel point les divergences se sont approfondies. Le Comité technique mis en place par le président du PDG pourra-t-il réussir à concilier les positions des uns et des autres ? Beaucoup, parmi les observateurs, en sont à douter. Dans le même temps, pour une grande partie de l’opinion, Alexandre Barro Chambrier et ses «camarades» perdraient leur crédibilité au sein de l’opinion s’ils devaient «regagner les rangs» sans avoir vu certaines de leurs propositions être prises en compte. «Il est à reconnaître en effet qu’ABC et ses amis jouissent aujourd’hui d’une popularité certaine et d’une estime profonde au sein des élites et de certaines couches populaires», affirme un responsable de la société civile connu pour ses analyses sans complaisance…
Alexandre Barro Chambrier donne, ce samedi 25 juillet 2015, une déclaration à son QG du quartier Awendjé à Libreville. Sur quoi va déboucher cette «montée au filet» ? Au tennis, cette expression qui illustre la montée d’un joueur au filet pour marquer un point de manière offensive, désigne le fait de prendre un risque en jouant à découvert, en faisant preuve de fougue pour parvenir à ses fins. Jusqu’où ira le mouvement Héritage et Modernité ?