Initiée dans le cadre de la lutte contre la corruption dans le secteur forestier, une mission d’information axée sur l’exploitation abusive et illégale du Kevazingo a conduit la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) dans 13 villages de la province septentrionale.
Considéré comme l’une des essences les plus prisées de la forêt gabonaise, le Kevazingo subit depuis plusieurs années une exploitation illégale, notamment dans la province du Woleu-Ntem, plaque tournante d’un commerce plutôt florissant, la Chine apparaissant parmi les plus gros acheteurs. Dans le cadre de la mise en œuvre du Document de stratégie de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux (DSLCCBC), les pouvoirs publics, par l’entremise de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI), ont initié, depuis le 29 juin dernier, une mission de sensibilisation et d’information auprès des populations de 13 villages dans le septentrion.
Menée en collaboration avec l’ONG Brainforest et appuyée par le Pnud, cette mission, axée principalement sur l’exploitation abusive et illégale du Kevazingo, a permis de se rendre compte de l’ampleur du phénomène, que l’on dit nourri par l’ignorance de populations déjà affaiblies par la précarité. Pour la délégation de la CNLCEI, il s’est notamment agi d’informer le monde rural sur la loi régissant l’exploitation de la forêt, ses droits, la procédure pour vendre le bois, la nécessité de protéger le domaine forestier, son potentiel et les alternatives contre ce que d’aucuns qualifient de «cannibalisation» du Kevazingo, en particulier et des autres espèces en général.
Au cours des échanges, le coordinateur des programmes de Brainforest a expliqué que «les qualités et la polyvalence dans l’usage de ce bois provoquent sa surexploitation». Pour Protet Judicaël Essono Ondo, le Kevazingo paie le prix de sa célébrité dans le domaine de la menuiserie, l’ébénisterie de luxe, l’artisanat, la construction navale, la construction de chemin de fer et la fabrication d’instruments de musique. A travers des prospectus distribués aux populations, les initiateurs de la mission ont tenté de leur faire prendre conscience de la nécessité de préserver cette essence «extrêmement rare, (qui va) de 0,001 à 0,12 tiges /ha», et dont les prix oscillent entre 180 000 et 400 000 francs le mètre cube à Libreville voire deux millions de francs sur les places asiatiques, selon la mercuriale des Eaux et Forêts. Or, a regretté le commissaire-membre à la CNLCEI, «depuis bientôt quatre ans, l’espèce est confrontée à des coupes illégales, privant le Trésor public d’une manne importante faute de traçabilité, et nos populations sont payées en modiques sommes». Jean-Paulin Ekoua Sima a exhorté les populations à saisir les autorités compétentes. «La loi vous permet de saisir la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite pour dénoncer les cas de corruption, trafic d’influence ou d’avantages indus mais avec des preuves pour une mise en mouvement de l’action publique», a-t-il déclaré, pour répondre aux allégations sur l’existence d’un supposé «réseau», qui sillonnerait des villages du nord du pays dans le but de couper du bois sans permis.
Au terme de cette première mission, un ensemble de villages a été identifié pour la poursuite de la campagne de sensibilisation et d’information sur la lutte contre la corruption dans le secteur forestier. De même, il est prévu des séminaires dans quelques capitales provinciales à l’endroit des exploitants forestiers, administrations locales et autorités administratives pour «sensibiliser mais aussi trouver des voies et moyens d’implémenter la Stratégie de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux (SLCCBC) et la Convention des Nations-unies contre le crime et la drogue (CNUCC)». Des initiatives qui impliquent une synergie entre les communautés villageoises, les ONG, les Eaux et Forêts et la CNLCEI pour que cesse l’exploitation frauduleuse de cette essence.